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> Frégate de 12£ l'Hermione, Voyage 2019 et autres
motrius
posté mercredi 30 mars 2022 à 15:34
Message #276


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Je t'imagine bien en tenue de gabier, mal rasé faisant la tambouille et surtout la vaisselle. Tiens vlà du mir disait poutine pour le lavage !!! tongue.gif


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<S639>AMAZ...
posté mercredi 30 mars 2022 à 16:09
Message #277


*********
Fort coup de vent

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Citation (Lazuli @ mardi 29 mars 2022 à 20:21) *
Citation (Lazuli @ dimanche 27 mars 2022 à 18:10) *
L’équipage est scindé en tiers, chaque tiers fait deux quarts d’une durée de quatre heures. Les tribordais sont de 00h à 4h et de 12h à 16h, les milieux de 4h à 8h et de 16h à 20h et les bâbordais de 8h à 12h et de 20h à 00h.



Oui je l'avais lu, et donc j'eus un doute, ne sachant si c'étaient des Bordées ou des Tiers.
Bon la terminologie est différente de celle de la Marine Nationale.
Donc toi tu es Milieu !
Mais ...
Citation (Lazuli @ mardi 29 mars 2022 à 20:21) *
Par tiers et avec un service à heures fixes smile.gif
Je trouve ce mode de quart plutôt bien car il permet de mieux se caler.


Donc si je comprends bien :

Jour Un
Tribord de 00h à 04h et de 12h à 16h
Milieu de 04h à 08h et de 16h à 20h
Bâbord de 8h à 12h et de 20h à 00h


Jour Deux
Tribord de 00h à 04h et de 12h à 16h
Milieu de 04h à 08h et de 16h à 20h
Bâbord de 8h à 12h et de 20h à 00h


Jour Trois
Tribord de 00h à 04h et de 12h à 16h
etc.

Alors il n'y a jamais de décalage ?


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On peut braver les lois humaines mais non résister aux lois de la nature.
Vingt mille lieues sous les mers (1869) - Jules Verne
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Lazuli
posté mercredi 30 mars 2022 à 18:01
Message #278


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C'est complètement ça ! Pas de décalage.
J'ai effectivement connaissance des pratique de la Marine Nationale, et je sais aussi qu'en fonction des bâtiments elle pratique un ou deux systèmes de quart différents.

Là, le commandant Carriou (capitaine de corvette) et les autre officiers ont opté pour u quart fixe par bordée en tiers. J'avoue ne pas savoir pourquoi. La marine marchande peut-être ???
Le Belem fonctionne aussi comme ça.

Mot, ingrat que tu es laugh.gif Les mains je me les laves, mais par contre elle reste quand même tachées par le goudron !!!
C'est un peu folklo mais ça fait aussi partie de la nav '.



Jeudi 23 juin 2016.
6ième jour à bord – 3ième jour de mer.

Ce matin au réveil, on nous annonce de la pluie mais pas de froid, on s’habille en conséquence, bottes et ciré sans trop d’épaisseur. On est à sec de toiles, les bâbordais et les tribordais on eu beaucoup de travail entre 20h à 4h. On a une longue houle, mais pas très grosse. Ce matin l’adjointe milieu, Manon, a organisé avec tribord une chanson pour Charles, il à 27 aujourd’hui, la classe, fêter son anniversaire à bord de l’Hermione. Tribords invente une chanson pour nous transmettre le quart sur le thème des Copains d’Abords. Une fois le couplet passé nous entamons le deuxième couplet avec des paroles adaptées à l’anniversaire de Charles. Il est tout surpris et très content. L’effet est réussi.

Le quart passe tranquillement, sans voiles, sous l’eau… on s’encroûte un peu puis… exercice d’homme à la mer. Tout le monde se met en place rapidement et on y va. À fond, sans réfléchir et en suivant les ordres. C’est pas mal mais le bras bâbord traîne trop encore une fois. Ça manque de méthode, il faut améliorer.

Le jour est là, ça sent la fin de quart. Antoine demande d’établir les voiles longitudinales, focs, grande voile d’étai et voile d’artimon, puis l’artimon. 8h bâbord prend le quart, nous sommes renvoyés au petit déjeuner. Je reste avec quatre autres milieux en renfort pour établir les phares. Deux heures après je descends épuisé pour m’écrouler avant le repas. Après manger je m’octroie une sieste pour être en forme pour le quart de ce soir.

Pendant la journée le vent est monté à 20 nœuds, on est au plus près et l’Hermione tâte les 8 nœuds de sillage, on fait du 5 nœuds en moyenne pour un vent moyen de 15 nœuds. C’est plutôt pas mal pour un bateau comme cette Hermione moderne sous toilée et trainant des POD. Nous n’avons bien sûr plus les moteurs. Le temps se bouche, on donne un peu de corne de brume. Le Commandant souhaite faire un virement vent devant. Les conditions sont réunies pour ce type de manœuvre. C’est une manœuvre compliquée et délicate, il faut être bien coordonnés et comprendre ce que l’on fait. Nous ne devons pas faire chapelle au risque de faire tomber les mâts. Bien-sûr pour ce virement de bord le Commandant assure avec une météo confortable, pas question de le faire avec beaucoup de vent. Là on ne risque rien, il y a beaucoup d’eau à courir, la houle est modérée et le vent n’est plus très fort.
Pour un virement vent devant, on rappelle les deux autres tiers. Nous avons besoin de tout le monde. Après un débrief le Commandant envoie la manœuvre, c’est une entreprise incroyable, tout est logique bien sûr mais nous ne sommes qu’une grosse soixantaine à bord là ou il y a deux siècles ils étaient presque le double pour un seul quart. Ils étaient au nombre de 230 environ sur le bateau. Les ordres et les réponses fusent de partout, les pros sont performants, on passe d’un poste à l’autre, chacun rend compte de son action. C’est indescriptible et un bazar sans nom pour un observateur extérieur. Pendant le débrief on nous a expliqué le fonctionnement et l’ordre des manœuvres. Je connais théoriquement le virement de bord de ce type de bateau, mais de là à en faire un, j’avoue que c’est très différent… et autrement plus impressionnant.
Pour les postes, chaque tiers à son mât, mais suivant l’avancement du virement certains se retrouvent sans emploi, ils glissent sur d’autres postes pour donner un coup de main là où il faut. Et ce n’est pas de trop !

Il se passe beaucoup de temps entre la préparation, l’exécution et la fin d’un virement vent devant. Le passage du lit du vent, lui, ne dure que quatre petites minutes dans des conditions moyennes. Mais ce sont les minutes les plus décisives, c’est un temps où l’équipage est figé, la tête en l’air, les mains sur les bouts, pliés en deux, tout le monde attend et espère le passage du lit du vent. Puis lentement le bateau passe le vent et tombe sous l’autre amure !!! Et l’effervescence redémarre. Les ordres retombent en tout sens jusqu’à l’établissement de la frégate sous sa nouvelle amure. Route plein et près !

Une fois réglé et faisant route, le Second nous réuni sur le gaillard d’arrière, il trouve que pour le premier virement vent devant de la saison et avec un gros tiers d’équipage novices, ça s’est très bien passé. Le Commandant nous dit que nous avons culé de 80m (information GPS). Il semble que ce soit correct, un peu plus d’une longueur de bateau. Tout s’est bien passé, on est tous très contents et on s’applaudit ! On relâche les deux tiers hors quart. Merci à eux, vraiment. Nous finissons les réglages pour optimiser notre allure.

On doit repasser les boulines de grand hunier. Lors de l’armement les boulines sont passées sous les bras de la vergue de petit hunier, ça rague beaucoup, en les passant au-dessus on libère les deux manœuvres, tout file bien mieux ainsi.

Comme un seul virement n’est pas suffisent, mais surtout parce que Belle-Île est en face, on fait en fin de quart un virement lof pour lof. Pour celui-ci un seul tiers est à la manœuvre. Même si nous ne sommes quand même pas en surnombre. Mais on a plus de temps et on peut brasser les phares tranquillement. Nous avons fait demi-tour.
La cloche est piquée quatre fois deux coups brefs, c’est la fin du quart, bâbord se range pour le muster, on passe le quart, on descend pour dîner et au lit. Je suis fatigué.

Piquage des quarts : un coup par demi-heure, donc pour une heure, c'est deux coups brefs, et quatre heures quatre fois deux coups brefs.


A suivre...


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"On se rencontre, on se canonne, on se sépare et la mer n’en reste pas moins salée."
Comte de Maurepas, secrétaire d’État à la Marine de 1723 à 1749


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Lazuli
posté jeudi 31 mars 2022 à 19:18
Message #279


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Tempête

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Vendredi 24 juin 2016.
7ième jour à bord – 4ième jour de mer.

Et paf, 3h30, on décolle les paupières ! Temps clairs mais froid nous communique notre réveil, les multicouches de polaires et bonnet vissé sur la tête sont donc de rigueur.

Une fois sur le pont de gaillard je me sens un peu brassé, c’est étrange car il n’y a presque plus de houle. Ça passe tranquillement. Ce matin nous n’avons rien à faire ! C’est aussi ça la marine du XVIIIe… nous sommes calés sur bâbord amure, le vent se maintient bien et c’est tout. C’est un peu long pour le coup, en plus il faut froid… Un des gabiers du tiers est kinésithérapeute, il nous fait faire des exercices d’échauffement pour passer le temps et nous réchauffer de ce vilain froid. Curiosité que de voir une vingtaine de bonhommes s’échauffer sur un gaillard désert en pleine nuit. En attendant je crois que c’est grâce à ce petit exercice que je ne suis plus barbouillé. Puis on fait le tour du pont pour continuer à assimiler les 250 points de tournages, pas facile… Tout en raidissant ou donnant du mou dans quelques manœuvres de-ci de-là.

A 6h30 je suis d’aide au petit-déjeuner avec un autre gabier, ça consiste à préparer les tables pour les tiers de repos. On est pour le coup excusés du poste de propreté, pas de grattage de pont pour nous deux.

8h, nous sommes libéré de quart pour une reprise à 16h. Rien de bien palpitant, repos et flânerie sur le pont. Il n’y a rien, nous sommes tout seuls, de l’eau partout où le regard porte. Et pourtant je suis heureux d’être là et je trouve ça beau. C’est une situation totalement hors du temps.

20h, milieu prend la manœuvre. On fait route au 30°, cap de nouveau sur Belle-Île. Ce quart-ci m’importe beaucoup, je commence comme barreur numéro deux (B2). Pendant une heure j’assiste le numéro un, je ne fais que suivre les instructions de barre du B1. Puis la relève de poste se fait, je passe donc B1. Là, maintenant, J’AI l’Hermione en mains !!!

J’ai en plus une énorme chance, nous ne naviguons pas au cap mais au plus près. Ce qui veut dire que je suis maître de la route et des mouvements du bateau. Je gouverne à l’œil, au vent. Le regard constamment sur le bord d’attaque du grand hunier plus un œil sur le PDF de temps à autre derrière moi. Je surveille le hunier et me tiens à la limite de la dévente, comme un voilier moderne !!! Incroyable, quelle sensation et quelle émotion. Je suis très surpris par la sensibilité de la barre, un simple demi-maneton suffit à faire évoluer la frégate. Surtout ne pas donner de grand coup de barre, ça casserait l’aire du bateau et ça le ferait trop évoluer en faisant de grands zigzags. En exagérant à peine, j’ai vraiment l’impression de barrer un dériveur. Je m’éclate vraiment. C’est énorme !!!

Durant mon heure de barre nous sommes monté à 6.8 nœuds pour seulement 13 nœuds de vent ! Le rendement est excellent. J’arrive à gratter du vent et j’obtiens une route au 25°/27°. Antoine est très satisfait de ma barre et me félicite en me gratifiant d’un : "là on a un bon barreur". Je pense qu’il force un peu la gratitude, mais je prends ! Ce n’est pas souvent, mais là je suis fier de moi. Un vrai gosse !

Hélas, quand tout se passe à merveille, le temps passe bien vite et mon heure est à regret écoulée. Relève de barre par B2, je traverse le bateau jusqu’au gaillard d’avant et je relève le rondier/veille de veilleur. La civadière est à poste, le veilleur est donc perché sur son violon sur le beaupré au-dessus de l’eau. Au bout d’une demi-heure je le hèle pour l’avertir que je pars pour ma ronde de sécu. R.A.S. hormis le palan d’un canon qui est légèrement détendu. Je le note sur le cahier de ronde et signale au Second. Plus tard dans la journée le maître gréeur fera le nécessaire. A l’heure dite je passe la main à l’ex-B1 et je relève le veilleur. Me voilà à grimper sur le beaupré en passant les étais pour accéder au violon. Je m’installe comme je peux. Un coup de VHF au Second :
- Dunette de veille…
- Veille de dunette…
- Relève de veille effectuée par Simon…
- Merci Simon, bon quart à toi…
- Merci…
Voilà, la VHF fonctionne, l’officier de quart est au fait de la relève, il n’y a plus qu’à pour ma première veille, et sur le beaupré en plus ! Dans le jargon de l’Hermione, on nomme à la VHF le gaillard d’arrière, "dunette", même si cette frégate en est dépourvue, c’est plus rapide et plus compréhensible. Je m’y fais très bien…

La veille sur le beaupré est un des rares lieux du bateau où l’on est complètement seul. Le temps est parfait, c’est donc un très grand plaisir d’être là. Je dois surveiller un secteur de 180°. Partant de 90° tribord à 90° bâbord. On signale absolument tout, même si l’on confond une bouée blanche par un goéland qui nage.

C’est arrivé lors du grand voyage en 2015, un gabier s’est vu annoncer, quand le chef de quart lui demandait où en était la bouée :
- La bouée s’est envolée…

Mais ce n’est pas grave, tout doit être annoncé. Le radar ne prend que les gros objets, au veilleur de faire le reste.
On annonce les objets de cette manière : « à deux quart bâbord un navire moteur à x distance, défilement droite ou gauche » ou bouée, ou voilier. La hantise sont les pêcheurs, c’est à nous de les éviter s’ils sont en pêche, les bouées de casiers ou de filets sont aussi à éviter pour ne pas les ramasser avec les moteurs. On voit de tout. Énorme tanker ou porte conteneurs, petits pêcheurs, bouées, bateaux en tous genres. Il faut donc les signaler et les éviter.

Je confonds d’ailleurs la passerelle peinte en blanc d’un très gros pétrolier par un ferry-boat. Avec la rotondité de la terre la coque du bateau n’est pas visible, de plus il est à vide donc très haut sur l’eau et seule la passerelle se voit à l’horizon. Elle est tellement grosse que de loin elle ressemble à un ferry… Bah ! Le ridicule ne tue pas ! Le pétrolier est passé tranquillement par notre poupe.

Mon heure de veille se passe tranquillement, c’est génial, les conditions sont superbes.

Nous sommes au large de Saint-Nazaire et on fait route pour un mouillage de nuit à Belle-Île, la relève de quart est là, c’est donc bâbord qui mouillera vers minuit nous dit-on.
Et à minuit, on entend la chaîne de l’ancre gronder furieusement dans l’écubier.
Au mouillage les quarts diffèrent de ceux à la mer. Il n’y a que les gabiers sur planning qui font le quart. Pour le tiers milieu ça donne : de 4h à 6h B1 et B2 en veilleur de mouillage et des bateaux dans la zone, surveillance de la position GPS sur le radar et des amers définis par le chef de quart s’ils sont visibles. Puis ils sont relevés par le veilleur et le rondier pour la suite du quart de 6h à 8h.

Du coup, nuit complète pour tous les autres qui restent prêts à bondir de leurs bannettes à la moindre alerte.

A suivre...


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Lazuli
posté jeudi 31 mars 2022 à 19:18
Message #280


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Tempête

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Samedi 25 juin 2016.
8ième jour à bord – 5ième jour de mer.

Levé à 7h30 pour tout le monde, assemblée avec tous les tiers, pas de poste de propreté ce matin, on prend le poste d’appareillage directement. Chaque tiers retrouvent son mât. Il fait beau, nous sommes devant Le Palais, la vue est magnifique, la citadelle Vauban est toute illuminée d’un soleil rasant. Depuis Belle-Ile l’Hermione au mouillage ne doit pas laisser indifférente. D’ailleurs, rapidement les vedettes Quiberon – Belle-Île viennent nous voir avec les premières rotations de la journée, on échange quelques coups de corne.

Le Commandant souhaite un appareillage sous voile. Il veut entrer dans la baie de Quiberon en passant entre Quiberon et l’île de Houat, puis longer Houat et Hoëdic pour ensuite filer sur le plateau du Four. Là où l’"Originale" s’est échouée en 1793 dû à la malveillance du pilotage côtier. Je mets le procès-verbal du pilote en annexe.

Les moteurs sont quand même lancés, on relève la pioche du fond de l’eau avec le guindeau électrique, une fois l’ancre caponnée on en saisi une patte avec une griffe frappée au croc de la candelette du mât de misaine faisant retour sur le petit cabestan. L’on vire au cabestan pour faire remonter et coucher l’ancre pour la traverse sur une bitte du plat bord.

Pendant ce temps on envoie toutes les voiles. Ce n’est pas un "vrai" appareillage sous voiles, mais ça reste une bonne manœuvre. Là aussi il nous faut deux heures pour tout établir. Pas de surprise, c’est très physique. Et c’est toujours très spectaculaire.

Fin de la manœuvre, on libère tribord et milieu pour laisser le quart à bâbord. Ils chargent quelques canons et on fait route vers Royan notre prochain rendez-vous. Vers 12h30, on nous appelle pour renfort pour prendre la panne, on met le grand phare en ralingue, nous somme au bord du plateau du Four. L’officier canonnier annonce la mise à feu des canons. Il se met sur le passe-avant et hurle, l’épée au clair :

- si je n’étais pas si con, je ne serais pas canonnier !

Et boum, premier coup, puis il répète la phrase trois fois pour trois autres coups de canons. L’émotion est palpable dans tout le bord, c’est quand même quelque chose d’extraordinaire. Nous rendons les hommages à l’Hermione par l’Hermione 223 ans plus tard.

Le Commandant fait servir à 13h30, ce coup-ci, on ne s’arrête plus jusqu'à Royan où l’on nous attend.

Je reste sur le pont cet après-midi, je donne des coups de mains quand nécessaire. Le temps est très beau avec un petit 13 nœuds de vent, nous avons tout dessus excepté deux voiles d’étais. Le bateau avance bien, il est performant. Nous glissons sur l’eau au largue, la meilleure allure de la frégate.

Quand je prends mon quart à 16h, Antoine veut optimiser les réglages pour profiter de la brise au maximum. Le vent passe petit largue, nous avançons 5 à 6 nœuds. Nous n’arrêtons pas de peaufiner le brasseyage des phares et les réglages des boulines. En doublant l’île d’Yeu, le vent nous oriente de nouveau grand largue, on gagne en vitesse, nous filons 8 nœuds. C’est un régal de sentir le bateau rouler et filer sur cette petite mer par un tel temps ! On est bien et heureux d’être là. Notre quart se termine, nous avons passé quatre heures à régler aux petits oignons. Que demander de plus ?

Sur la dernière heure du quart, avec deux collèges nous demandons la permission de monter au grand perroquet, juste pour le plaisir de la vue, pour sentir le bateau, et pour être tout simplement là-haut, à 45m au dessus de l’eau (environ 17 étages !) sur la vergue de grand perroquet. Antoine accepte volontiers, on grimpe comme des gamins ! Les haubans de perroquet sont étonnement lâches. Ça balance de partout, on tourne presque sur soi-même ! On serre les fesses le sourire en coin, la joie dans le cœur ! Pour accéder aux barres de perroquet, en fonction de sa confiance, on n’est pas obligés de se sécuriser, seulement dans les gambes de revers (obligatoire). Par-contre, vu la souplesse des haubans de perroquet, là pas de risque, on fait tout de même moins les malins et on s’assure sur les lignes de vie. Ce qui m’impressionne aussi ce sont les mouvements des divers assemblages mâts/hunes/barres de perroquet. On voit bien les points fusibles, l’élasticité du bois et la souplesse du gréement dans son ensemble. Ça m’impressionne vraiment. J’admire cette mécanique. Là-haut on rigole bien, on fait des photos, on admire la frégate de son point culminant. On à une vue imprenable sur le mât d’artimon ! Sur bâbord on voit défiler l’Île d’Yeu. C’est bien mieux que dans un film. C’est bon d’être là. Notre chef de tiers, Dom’, est de l’Île d’Yeu, un coup de téléphone et hop ! Voilà deux de ces amis qui nous survole en coucou. On redescend tartinés de goudron, les haubans de perroquet sont horriblement imprégnés, on colle, on colle, on colle !!! Je profite de repasser par la grande hune pour graver un modeste « SL 2016 » sur la feuille de plomb recouvrant la tête du bas-mât. Pfff ! À mon âge…

Il est temps de redescendre sur le pont, nous faisons finalement le poste propreté, puisque zappé ce matin pour cause d’appareillage.

Vient la relève. Au muster, on nous annonce que nous devrions toucher l’estuaire de la Gironde demain matin vers 8h pour un mouillage théorique à 10h devant Royan. Nous espérons bien filer cette nuit pour ne pas mettre trop tôt les moteurs.

J’ai pris dans mon baluchon le livre "Le Crabe Tambour" de Pierre Schoendoerffer, je l’ai déjà lu il y a bien des années. Je n’arrive pas à l’entamer, trop occupé à aider, à me reposer ou à contempler ce bateau posé sur l'eau. Mais je ne désespère pas d’arriver à lire le livre avant mon débarquement à Saint-Malo. C’est une magnifique histoire de marins et de bateaux qui fut porté au grand écran. Le livre est dans son élément.

L’équipage change, ou plutôt il a changé, je m’en aperçois, les visages sont hâlés, les barbes poussent tranquillement et les mouvements sont plus lents. Nous sommes plus amorphes, la fatigue peut-être. Le rythme est bien installé aussi, on s’économise plus. Et puis il y a aussi une sorte de monotonie. La vie en mer à bord d’un grand voilier rythmé par les quarts successifs. De gros coup de bourres et des pauses monotones et lentes. C’est étrange à observer.

A suivre...


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posté vendredi 01 avril 2022 à 10:33
Message #281


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Dimanche 26 juin 2016.
9ième jour à bord – 6ième jour de mer.

3h30 le rondier tribord vient nous réveiller, une litanie… la lumière arrache les yeux, je saute dans mes frusques goudronneuses et, ma foi, plutôt puantes. On s’y fait à ça aussi… la douche n’est pas notre quotidien, une tous les trois à quatre jours, et du rapide s’il vous plait. Je ne peux m’empêcher de penser aux sous-mariniers du 3e Reich, j’ai l’excellent Das Boot en tête, le livre de Lothar-Günther Buchheim. Ça pue, c’est crade. La grande classe quoi…

Mais pour l’heure, il faut monter prendre le quart, tribord attend ! C’est une nouvelle journée, et pas des moindres, nous arrivons sur Royan dans quelques heures. Je suis ravi car je prends mon quart en B1. Ravi mais moins que la dernière fois. C’est moins sport et moins intéressant car nous naviguerons au cap cette fois-ci. J’ai donc les yeux rivés sur le compas éclairé d’une lumière rouge par dessous. Route au 130°, sous voiles majeures, civadière et les basses voiles d’étais. Vu le peu de vent et l’allure du bateau, grand largue, Antoine congédie le B2. Je suis tout seul à la barre. Grandiose ! Finalement je ne perds rien. Pendant cette heure, on évolue jusqu’au 150°. Actuellement nous sommes au large entre le phare des Baleines (Île de Ré) et celui de Chassiron (Île d’Oléron). Je ne peux pas me retenir de penser à mes filles. Huit jours déjà sans les voir.

La relève arrive, je passe rondier puis veilleur, sur le gaillard d’avant ce coup-ci. La civadière a été serrée entre temps. Pas besoin de monter sur le violon. Enfin je passe B2, mais le poste étant dégagé de service j’intègre le quart "normal" avec les autres. On nous fait carguer les deux huniers, le PDF l’est déjà. En fin de quart nous montons pour ferler le grand hunier, il n’a pas maigri pendant la nuit celui-là… les mains souffrent, le dos aussi me concernant. En descendant nous observons à chaque fois notre travail, et il a une très bonne allure notre hunier, on est fiers comme des enfants ! Fin de quart, poste de propreté, on range le pont avant le muster de 8h. Puis je descends en batterie pour le petit déjeuner, puis je vais faire une sieste.

Je remonte à l’aire libre vers 10h30. Nous avons embouqué l’estuaire de la Gironde et nous remontons tranquillement le fleuve au moteur accompagné de plusieurs embarcations voiliers et moteurs, SNSM, Douanes et autres, un petit hélicoptère tourne aussi autour de nous. Il fait beau et c’est bien sympathique. En arrivant devant Royan le Commandant donne quatre coups de canons pour saluer la ville, ça fait un super écho du tonnerre dans l’estuaire ! Bâbord mouille, nous sommes au large de la plage en bordure de la route du bac Royan / Le Verdon. On fait quand même le quart de 16h à 20h normalement, il ne se passe rien de particulier.

Royan nous a fait venir, ils ont payé pour un mouillage de quelques heures. Ils vont donner un feu d’artifice à minuit, puis nous lèverons le mouillage dans la foulée.

Cet après-midi un plaisancier très imprudent et dénué de bon sens est venu se mettre devant notre étrave, avec les 4 nœuds de courent et sous GV, il s’est fait surprendre et a réussi à s’enfiler la vergue de civadière entre son mât et son pataras… poussé par le courant contre l’étrave, la voile s’est déchirée et sa petite motorisation ne lui a pas permis de se dégager de la vergue, son mât est tombé ! Tout le monde leur gueulait dessus, et chose dérangeante, certains gabiers se sont foutus d’eux lors du démâtage. Le MOB est pourtant à l’eau, mais personne ne les a aidé, seul un gabier est allé sur la fusée de la vergue de vivandière pour essayer de dégager le mât. Les deux "papis" venu admirer l’Hermione de trop près repartent tant bien que mal, aidés d’un bateau moteur, vers la plage le mât à l’horizontale… l’ensemble de cet événement n’est vraiment pas glorieux. L’imprudence peut se révéler très grave en mer. Le plaisancier a eu de la chance quand même…

Minuit vient tranquillement, bon nombre de gabiers, dont moi, ce sont réunis sur le gaillard d’avant entre le mât de misaine et le petit cabestan, les instruments de musique sont de sortie. Guitares, jubés et harmonicas. On pousse la chansonnette à qui mieux-mieux. L’ambiance est là, c’est génial. Bâbord rembarque le mob est traverse l’ancre bâbord qui était bossée prête à mouiller au cas où. Puis sans prévenir le feu d’artifice démarre. Il est plutôt réussi et dure une demi-heure ! Bâbord appareille et en réponse au feu nous donnons douze coups de canons ! Dans le noir de la nuit, les lueurs associées aux déflagrations font un sacré effet !

Le Commandant prévoie 24 à 36h de moteur pour sortir de la Gironde pour se positionner au large dans le Golfe de Gascogne, nous avons le vent en plein dans le pif… La météo prévoie une montée progressive du vent. Mais pour l’heure, je pars me coucher car je prends mon quart à 4h.

A suivre...


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posté samedi 02 avril 2022 à 12:22
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Lundi 27 juin 2016.
10ième jour à bord – 7ième jour de mer.

Le réveil est un peu dur, couché à minuit pour un levé à 3h30… ça pique.
Comme nous sommes aux moteurs, on en profite pour approfondir les manœuvres. On nous demande individuellement de commander le brasseyage des différents phares. Ça peut sembler simple comme exercice, mais il faut penser à pas mal de chose, et il faut aussi retrouver les points de tournages sur le pont dans le noir. Dom’, devant notre scepticisme face à la civadière, prends le temps de nous en expliquer le réglage et l’incidence de la vergue sur le bout-dehors. En fait c’est très logique. On appui le bout-dehors qui à tendance à fléchir sous le vent par la traction des focs en brassant la civadière. Mettons que nous somme tribord amure, le bout-dehors fléchit sous le vent, donc à bâbord. Pour contre balancer cette flexion on reprend la balancine tribord de la vergue de civadière (en filant celle de bâbord) qui à pour effet de faire monter la fusée tribord vers l’avant dans le même plan incliné que le beaupré, ça permet de chercher un point d’appui au plus proche du point d’amure du foc. On tourne les balancines puis on agit sur les bras. On reprend le bras bâbord pour "tirer" vers le bas le bout tribord de la vergue. Les balancines étant tournées, le bras tribord vient appuyer fortement la balancine tribord, et là, le bout-dehors se redresse sur tribord jusqu’à l’avoir dans l’axe du bâtiment. Le bout-dehors est complètement étarqué et appuyé, le contre-foc peut donner toute sa puissance sans risquer une rupture de l’espar. C’est tout ce qu’il y a de plus logique, mais rien ne vaut la pratique pour visualiser la chose. L’air de rien, ça réclame un peu de monde sur les manœuvres. Mais du coup je ne comprends pas bien les iconographies de l’époque comme celle des Ozanne ou des Roux qui ne représente jamais de civadière utilisée comme on le fait sur l’Hermione… je ne sais pas trop quoi en penser (voir note).

Brasser la vergue de grand voile (ou les autres) demande aussi une petite méthode. Sur la grand-vergue et la vergue de misaine nous avons à poste des contre-bras partant sur l’avant des vergues (donc en opposition des bras) pour aider à la manœuvre. Ils ne sont pas historiques mais ils nous aident bien vu le petit nombre que nous sommes à bord. Il faut donc mettre du monde sur le bras sous le vent et au vent, mais aussi aux contre-bras opposés. On prévoie de choquer la drisse au vent. Les drisses sont légèrement déportées sur les côtés du centre de la vergue puisque distribuées de chaque côté du mât. Donc en brassant ça va tirer la drisse au vent, c’est pour ça qu’on la libère. On fait de même sur la balancine au vent pour la même raison. On libère aussi les drosses de la vergue pour ne pas contraindre la rotation de celle-ci autour du mât. On choque la bouline sous le vent et on borde celle au vent, on libère les cargues point, fonds et bouline au vent. Comme elles passent par des poulies fixes au niveau de la hune, elles vont s’allonger comme la balancine ou la drisse au vent, il faut donc les libérer pour ne pas brider la voile. Il y a donc beaucoup à penser pour tous ces postes et mettre les personnes aux bons endroits en suffisance. Sur le papier c’est simple, en mer c’est autre chose. Cette logique reste la même pour les autres vergues avec parfois quelques variantes.
Tous ces exercices nous font passer le quart rapidement. Je descends pour avaler un truc et je grimpe dans ma bannette.

Rien de spécial cet après-midi, je flâne, jusqu’à ma prise de quart. Les voiles d’axe sont établies pour appuyer le bateau qui navigue encore aux moteurs le vent dans le nez. Mais finalement on finit par les serrer car elles nous donnent trop de dérive. N’ayant pas grand-chose à se mettre sous la dent, le Commandant nous dispense un cours simplifié de météo marine. Ce ne sont vraiment que des bases, mais ça reste intéressant. Ça interpelle même un peu tout le monde et chacun y va de son interprétation en remontant sur le pont les yeux dans les nuages. Puis on s’exerce sur ces fichus points de tournages avec Antoine. Un tel trouve moi tel retour ! Ça commence à bien rentrer tout ça.

Nous devons encore faire quelques heures de moteurs pour bien attraper le vent favorable au large de la Bretagne. On annonce une dégradation de la météo, on verra.

A Suivre...


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posté dimanche 03 avril 2022 à 16:38
Message #283


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Mardi 28 juin 2016.
11ième jour à bord – 8ième jour de mer.

Je commence ce matin par un quart de veille, puis j’irai B2, B1 et rondier. Nous sommes encore aux moteurs, et effectivement la météo se corse un peu, du coup le tangage se fait beaucoup ressentir. Je suis tout seul sur le gaillard d’avant par nuit noir et je sens mon estomac monter et descendre dans cette grande houle. La nausée arrive… ma vraie première nausée depuis le début de la navigation. L’heure de veille me semble interminable, je ne vois rien, pas d’horizon pour stabiliser mon oreille interne, je baille de plus en plus, les frissons arrivent et je me demande quand je vais devoir courir sous le vent pour déballaster l’estomac. Tu parle d’une veille attentive… Bon à rien oui !

Mais la relève arrive enfin, tant mieux ! Je donne la VHF et la paire de jumelle sans demander mon reste, débrouille-toi ! Je me dirige vers l’arrière et je m’arrête pour respirer une grande bolée d’air sur le passe-avant tribord, j’en ai plus que besoin. Il ne faut pas traîner, on m’attend au poste de barre, je dois relever B2. Il me semble que l’arrière du bateau donne moins d’amplitude que la proue. Ce doit être vrai, on est plus proche du centre de gravité et du coup je récupère rapidement de mes nausées. Par-contre je commence une lutte effrénée contre le sommeil, j’ai les paupières extrêmement lourdes, c’est difficile de rester vivant… B2 n’est pas un poste très excitant au moteur et dans cette météo, c’est vraiment dur de ne pas s’endormir à la barre.

Au bout d’une heure je passe en B1, et ça va encore mieux, je me réveille aussi car ça demande plus d’attention, on navigue au cap, rien d’extraordinaire mais ça me réveille quand même. Arrive la quatrième heure du quart, je cède la barre à B2 pour relever le rondier. Le vent change de direction, et comme par magie, le Commandant arrive sur le pont, le flair... Il demande de la toile. On se met au travail et on établit les voiles d’axes dans un premier temps. Entre deux voiles, je file faire ma ronde de sécu. Vingt minutes plus tard je remonte, tout le tiers se trouvent dans la mâture à déferler les voiles majeures pour les poser sur cargues (basses voiles plus huniers). Bâbord sort des entrailles de la frégate, il est donc 7h45. Nous restons pour hisser les huniers et établir les basses voiles. On nous libère, petit déjeuner, je grimpe vite dans ma bannette, la nausée m’a épuisée. Mais je suis bien allongé et j’écrase.
On nous réveille à 11h30 pour le midi. Le vent est encore monté et on porte tout. La frégate donne 8.2 nœuds. J’ai encore de vagues restes de ma nausée, mais le bateau à modifié ses mouvements grâce à la voilure, il tangue bien moins et roule bien plus, mon estomac trouve ça bien mieux, moi aussi. Le vent semble vouloir monter et la mer se forme de plus en plus. Je reste content de n’être malade que si tard. Je n’aurais pas parié là-dessus. Le Commandant nous avait bien dit que ce bateau ne rendait pas beaucoup malade. Enfin, pas pour tous, certains souffrent plus que d’autres et depuis le début de la navigation.

Après manger je retourne dans le poste pour réviser les points de tournages non pas par râteliers en suivant le plan de pont mais par voiles, je m’allonge dans la bannette, je ferme les yeux et je me fais les retours de manœuvres voile par voile en mimant leurs parcours avec mes bras. Le ridicule ne tue pas. Par-contre la méthode est très efficace pour moi. Bien plus visuelle et d’une grande logique.

La mer ne cesse de se former, ça commence à bien bouger et on commence aussi à se balader dans les bannettes, le bateau craque de partout. La mer commence à embarquer dans les coups de roulis. Il se trouve que ma bannette est contre le vaigrage bâbords juste sous le pont de batterie. Les assemblages ont beaucoup travaillés, je peux passer la main à certains endroits au dessus de ma tête. Et bien sûr, sur un coup de roulis, je me fais rincer… l’eau passe entre la fourrure de la gouttière et le couple, puis se déverse joyeusement dans ma bannette par le trou où il devrait normalement y avoir une entremise. Chouette ! J’avais déjà pas mal de choses me tombant dessus depuis les joints du plancher, mais l’eau… pas encore. Pendant le grand voyage certains ont pris de belles douches jusqu'à mettre des bâches au-dessus des bannettes pour s’en protéger. Je n’en suis pas là heureusement.

A 15h il y a 20/22 nœuds de vent, finalement ce n’est pas violent mais le bateau est tellement puissant que c’est rapidement sportif, même avec ces 20 nœuds. Nous filions 7.3 nœuds, et les perroquets sont amenés par les bâbordais. Ils ont eu beaucoup de travail durant le quart, nous les relevons dans une heure et ça va être mouvementé. Le bruit du bois est très impressionnant dans le bateau. Ça craque vraiment de partout. Dans les interstices ou je peux y mettre les doigts je sens le bois bouger ! La courbe de bau juste au-dessus de ma tête a un joint horizontal et je le vois bouger… c’est bluffant. Et puis il y a aussi l’échelle métallique qui permet de descendre dans la voilerie non loin du poste, elle grince. C’est très caractéristique comme bruit. Rythmé à souhait ! Je préfère le grincement du bois.

16h, 20h, notre quart se résume à du brasseyage/débrasseyage, on règle les phares sans arrêt ! Le vent ne dépasse finalement pas les 25 nœuds. Mais ça nous a bien fait travailler, et nous sommes bien contents. Nous avons doublé la Bretagne et nous sommes dans le rail montant de la Manche, nous croisons beaucoup de cargos et des pêcheurs, la veille est délicate.

On a une houle de travers et ça nous fait bien rouler. C’est rigolo de nous voir marcher tous penchés et tirer des bords pour aller en ligne droite. Le Commandant nos informe que nous devrions toucher les côtes "Angloises" demain vers midi. Tout le monde sourit, le mouillage en terre Anglaise nous ravit.

Nous avons deux nouvelles recrues à bord depuis deux jours et demi. Ce sont deux pigeons voyageurs. Ils sont bagués et ont élus domicile dans l’avant du MOB sous la petite bâche. Antoine leur donne comme noms Nelson et Trafalgar, normal, nous allons sur l’Angleterre. Le Commandant pense qu’il s’agit d’espions, sinon, pourquoi seraient-ils là ?

A suivre...


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posté lundi 04 avril 2022 à 20:17
Message #284


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Mercredi 29 juin 2016.
12ième jour à bord – 9ième jour de mer.

La nuit n’a pas été très clémente, on roule bien et c’est compliqué de se caler dans la bannette. Un genou contre la fargue, un bras pour compenser de l’autre côté, les hamacs n’ont pas ce problème. On y rajoute quelques petites douchettes au passage, mais où est passée cette fichue entremise ? Tu parles d’une nuit…

Au réveil la mer reste encore bien agitée, nous sommes au large de la pointe sud des côtes Anglaises. Durant la nuit nous avons quitté le rail. On nous fait orienter les voiles un bon moment puis il faut carguer et ferler la civadière. Je monte sur bâbord et comme nous sommes bâbord amure, la vergue au vent est très proche de la surface de l’océan. Je ne peux pas dire que se soit super beau car il fait encore nuit. C’est pourtant un excellent point de vue pour admirer la proue. On attend que la vergue se remplisse de gabiers, l’avant plonge pas mal… en quelques minutes je suis pris de nausées. C’est du coup très compliqué pour aider les petits copains. Charles, en bout de vergue, me lance « Simon, passe-moi le raban ! » Ben non mon vieux… là je n’y arrive plus ! Ah le gros boulet… En plus d’être malade, j’ai honte de moi, je suis totalement inutile. Je serre plus les dents que la voile, heureusement pour mes compères le bout la civadière n’est pas aussi lourd qu’un hunier. Il n’y a "qu’à" transfiler de la fusée vers le point d’écoute. Ils sont deux, je suis le troisième et je ne sers à rien… C’est peu glorieux. En revenant sur le pont je ne suis vraiment pas bien et je m’excuse.

Le Commandant fait lever le quart bâbord une heure plus tôt pour nous aider à ferler la grand-voile. Je ne monte pas, je ne me le sens pas. Mais je ne reste pas inactif, je pars sur les manœuvres de pont, et il y a fort à faire. Notre quart prend fin, il reste le phare de misaine, le Commandant nous demande de rester disponible si besoin, on ne descend donc pas pour le petit déjeuner. L’attente ne dure pas vraiment, on donne un coup de main pour carguer et ferler plusieurs voiles d’étais, le petit foc le petit hunier et la misaine. Dans le même temps, on mouille l’ancre devant Falmouth, ou plus exactement dans le chenal d’Helford River en face de la baie de Falmouth, il pleut et il y a encore beaucoup de travail.

En travaillant mais surtout depuis que nous sommes entrés dans la vaste baie de Falmouth je n’ai plus de nausées. C’est un très bon mouillage bien abrité. D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls sur rade, il s’y trouve aussi un énorme pétrolier de plus de 300m de long, une très grosse barge submersible, un cargo de taille moyenne et un petit non loin de nous. Belle vision que de voir un trois mâts arriver du large sous la pluie. La frégate est élégante, ce doit être beau à voir.

Ma fin de nuit étant loupée pour la bonne cause, je reporte ma sieste à cet après-midi. Le temps est très bouché, la pluie joue à cache-cache. Le paysage et vraiment magnifique, je retrouve une couleur de campagne identique à l’Irlande. Falaises verdoyantes, parcelles clôturées par des murs de pierre, des moutons un peu partout. Quelle joie d’être là ! C’est vraiment beau, même si le temps est franchement bouché.

Je ne sais pas si ce n’est que pour aller boire un coup au yacht club que le Commandant nous fait mouiller ici, mais je trouve que le clin d’œil pour le héros d’Alexander Kent, le Commandant Richard Bolitho né à Falmouth et vivant non loin d’Helford est plutôt intéressant ! Une frégate de 12 française, chez Bolitho… ! Toujours est-il que le Commandant est bien descendu au Yacht club.

Au mouillage les quarts sont bien plus tranquilles. Nous restons donc disponibles si besoin de 16h à 20h, signe de tranquillité, pas de harnais obligatoire. On est donc à vaquer et admirer. Quelques bateaux viennent faire le tour de l’Hermione. Ce n’est pas tous les jours qu’un tel voilier mouille dans la baie même si nous sommes très loin d’être les premiers en ce lieu. La Tall ships est souvent passée par là. Mais pas une frégate de 12 Française !

Un gabier de Milieu (celui avec qui j’ai fait ma toute première veille à La Pallice) fait une thèse en histoire sur les routes commerciales et les comptoirs Français des XVIIe et XVIIIe siècles. Il nous fait une conférence dans la batterie. C’est passionnant. Ce soir le Commandant débarque pour le Yacht club. C’est ça aussi d’être Commandant.

Je suis de veille mouillage demain matin de 6h à 8h. D’ici là, une belle nuit sans bruit ni mouvement.

A suivre...


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posté mercredi 06 avril 2022 à 20:52
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Jeudi 30 juin 2016.
13ième jour à bord – 10ième jour de mer.

Réveillé à 5h30, je prends mon quart de veille avec un collègue. On reste à deux sur le pont complètement désert et mouillé avec le jour qui se lève, c’est étrange ce calme. Pas de bruit, ni de mouvement. Dans ces deux heures nous devons faire deux rondes de sécu, veiller l’ancre, ou plutôt la chaîne, en aussi veiller la position GPS. Il y a un cercle d’évitement à ne pas dépasser, il y a aussi sur une feuille les différents relevés d’amers sur la côte que l’on contrôle avec le compas de relèvement.

Comme nous sommes normalement sur le quart du 4/8h, c'est Milieu qu'on réveille, à 6h30. L’appareillage est avancé à 7h au lieu de 8h. Milieu commence le travail. Tribord et Bâbord sont réveillés en suivant. Tout le monde est sur le pont pour finir l’appareillage.

Il pleut, et tout le monde est dans la mâture en ciré, on déferle les voiles majeures, les focs et les basses voiles d’étais. Je vais sur la civadière pour la mettre sur cargues, puis je retourne sur le pont pour se mettre aux drisses. Je grimpe ensuite sur le grand perroquet avec un autre Milieu pour déferler la voile. On reste dans les barres pour équilibrer la longueur des écoutes entre tribord et bâbord des bouts des vergues. On est mieux placés pour le voir d'en haut. On fait aussi passer le marchepied au-dessus du chouquet pour ne pas retenir le hissage de la vergue. Je descends dans la grande hune pour démêler la drisse de pavillons à la drisse de grand perroquet, elles se sont entremêlées avec le vent. L’appareillage touche à sa fin. La frégate a évoluée pour sortir du chenal toute voiles dehors. La belle à revêtue sa garde robe, elle est magnifique à glisser sur l’eau.

Nous quittons les eaux Anglaise, et l’après-midi passe. A ma reprise de quart à 16h, on prend le poste de propreté mis de côté ce matin pour cause d’appareillage. On gratte, on gratte, on gratte. Il faut dire que demain nous sommes attendus à Saint-Malo. Le bateau doit être propre. Sauf que le vent fraîchi graduellement, on est donc appelé à lâcher nos grattoirs. Direction la civadière. On prend le ris demandé, puis nous affalons la grande voile d’étai. Je suis appelé en renfort à la barre, les deux barreurs ne suffisent plus. Il faut dire que la barre est vraiment raide, je suis surpris. Je comprends vite ma présence. C’est que ça fait mal aux bras… Mais à trois on tient bien la bête.

A 18h, nous sommes entre Falmouth et Saint-Malo ! Il nous à fallu 10h pour faire la moitié de la transmanche. On est en trains de croiser les rails descendant et montant, il y a des cargos partout ! On se remet au grattage et le relève arrive.

Il y a pas mal de vent, et nous avançons bien, nous ne voulons pas arriver trop vite sur Saint-Malo. Il y aura sûrement un mouillage. Quoiqu’il en soit, bâbord a du travail, ils doivent prendre un ris dans le grand hunier. La tendance est à réduire la voilure pour ralentir. Il est possible que nous ayons du travail cette nuit.

A suivre...


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posté jeudi 07 avril 2022 à 20:40
Message #286


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Vendredi 1er juillet 2016.
14ième jour à bord – 11ième jour de mer.

3h30, un éternel recommencement… arrivé sur le pont après le crochet habituel dans la batterie, Marion, l’officier navigation et chef de quart tribord nous informe que nous sommes au large de Saint-Brieuc, on est proche de la côte, les lumières des terriens sont très visibles. Beaucoup de pêcheurs sur la zone, ça nous oblige à lofer et arriver sans cesse pour éviter les engins de pêche. Ça demande beaucoup d’attention et de réglages.

On ferle aussi la civadière, et quand on n’est pas malade c’est vraiment super. Le quart passe donc vite à force de réglages. Bâbord arrive, il fait jour, et milieu reste pour faire des virements lof pour lof. On doit s’écarter de la côte. On commence le premier virement après avoir doublé le Cap Fréhel, pour une fois ce ne sont pas les IMOCA 60’ de la Route du Rhum mais bien une frégate du XVIIIe qui le double. On est vraiment très proche de la côte, le fort la Latte est magnifique vu du bord. L’Hermione s’implante très bien dans ce décor, une vraie scène de 1780.

Nous sommes trop en avance… on veut donc perdre du temps, un comble dans la marine à voile. On s’éloigne donc de Saint-Malo et le Commandant nous libère à 10h.

Le bruit court que selon le Commandant, nous devions mouiller devant le fort la Latte, mais il semble qu’une mine Allemande de 39-45 ait chamboulée le mouillage. Il serait en effet dommageable de faire sauter la mine en lui larguant notre pioche dessus. Nous devrions arriver vers 17h dans la cité corsaire. Je serai donc de quart. Il me tarde de plus en plus d’arriver et de saluer la vieille ville de tous nos canons, en habits historique je vous prie. Le hic c’est qu’il ne fait vraiment pas beau, il pleut et la chaleur n’est pas au rendez-vous…

En revenant au Cap Fréhel on distingue une masse dans les nuages et la pluie, c’est la frégate L’Étoile du Roy de Saint-Malo. Vision fantomatique, et sympathique en même temps car même si cette "frégate" ne ressemble pas vraiment à un bâtiment du XVIIIe sa silhouette floue se détachant progressivement des grains est magnifique à voir, avec l’Hermione ça fait un très beau tableau d’époque. On s’y croit pour de bon. Mais la cerise sur le gâteau pour moi est l’apparition de la bisquine de Cancale, la Cancalaise. Cela me donne une énorme émotion de la voir foncer sur nous ! Qu’elle est belle, un bateau magnifique, le plus beau d’entres tous. Elle nous arrive sur tribord puis elle se range sous le même bord, elle nous dépasse, vire et nous passe sur l’arrière pour nous remonter sur bâbord, elle se joue de nous. Je n’ai qu’un regret, ne pas avoir navigué plus longtemps sur la Cancalaise il y a une quinzaine d’années. On nous appelle tous à la manœuvre. On cargue et ferle toutes les voiles. Les trois tiers sous la pluie, nous sommes de nouveau en face du Cap Fréhel.

Le Commandant demande le mouillage, je suis entre-temps redescendu de la misaine et je me poste dans le porte-haubans pour voir l’ancre tomber. J’adore, le maître coq et tout fier, Jens lui donne le bout qui libère la bosse de l’ancre. L’ordre tombe : "à mouiller !" Dans un grand plouf l’énorme masse tombe à la verticale, la chaîne gronde furieusement dans l’écubier. C’est super. Tiens ! Finalement il n’y a plus de mine ? J’ai dû mal à comprendre l’information.

L’Étoile du Roy remonte à contre-bord notre mouillage sur tribord, on se salue d’une volée de canons !

On embarque le pilot de Saint-Malo au bout d’une heure. Plusieurs bateaux gravitent autour de l’Hermione. Entre temps nous nous sommes changés en tenues historiques. On ne peut pas dire qu’il fasse très chaud, pour un 1er juillet… En fait il fait super froid !

On lève l’ancre et on commence à évoluer sous moteurs vers la cité corsaire, de plus en plus de bateaux en tous genres nous accompagnent, du voilier au bateau à moteur en passant pas les vedettes des Douanes, SNSM et Aff’Mar’, et bien sûr la pilotine. Pilotine qui se fait cordialement virer par la vedette des Aff’Mar’ car bien trop proche de nous. D’habitude ce sont les plaisanciers qui se font refouler ! Comme quoi, même les pros sont impressionnés pas l’Hermione.

Je ne sais pas si les miracles existent mais c’est en arrivant devant Saint-Malo que le soleil nous donne de sa présence !!! Comment exprimer ce que l’on voit ? Les éclaircies révèlent un ciel pur après la pluie, le vent a chassé partiellement les nuages gorgés d’eau et les rayons de soleil passent entre ces troués de nuages. La cité corsaire est illuminée, un rêve. Nous embouchons le chenal et le fort de l’Île Harbour s’en donne à cœur joie ! Il nous salut de plusieurs salves de canon. C’est vraiment comme à l’époque avec un tel paysage et une frégate de 12.
Bon je confirme, les miracles n’existent pas… Le Commandant estime que nous ne pouvons entrer dans l’écluse avec plus de 15 nœuds de vent, et pas de chance, nous avons un 20/25 nœuds et dans le dos en plus. Le principe de précaution prime avant le spectacle. La déception est lisible sur tous les visages. On fait un demi-tour après s’être bien rapproche de la jetée du Môle des Noires et l’on gratifie tout de même Saint-Malo de vingt quatre coups de canons ! Un véritable tonnerre !!! Mais notre arrivée est loupée. On mouille dans le chenal en espérant pouvoir entrer dans le bassin à flot le lendemain vers 17h. Le Commandant nous demande de rester au poste d’accostage, je suis donc avec ma défense en arrière du grand mât à attendre. Au bout d’une heure et au moment où le pilote veut débarquer, la dévente arrive, le Commandant demande au pilote de rester car il veut essayer de rentrer dans le bassin. On reprend donc la manœuvre, l’ancre est arrachée du fond puis caponnée, on se met à poste, on libère au maximum la vue des officiers et surtout pas un bruit.

Nous doublons le Môle des Noirs, il reste quelques irréductibles au bout pour nous acclamer, les pauvres, non seulement nous passons une heure en retard mais en plus personnes ne leur répond… le silence est requis, manœuvre oblige, malgré tout quelques bras se lèves pour les remercier. Que vont-ils penser de nous ?

On se présente devant l’écluse, l’affaire est bien partie, nous rentrons, je suis à bâbord sur l’avant du grand porte-haubans. Le harnais bouclé sur le premier hauban la défense à poste sur le frégatage prête à courrier de main en main le long du porte-haubans. Le Commandant nous accoste dans l’écluse tout en douceur. Moi, il m’impressionne ce type. Je positionne bien ma défense, le bateau vient s’appuyer dessus tranquillement, les toulines sont lancées sur le quai pour déborder les amarres. Les portes se referment, le niveau monte rapidement et nous entrons dans le bassin à flot. Nous allons nous mettre juste derrière l’Étoile du Roy, bâbord à quai. Je reste là où je me trouve pour réceptionner le quai.

On en profite pour envoyer joyeusement six coups de canons supplémentaires dans le bassin, les goélands apprécieront ! Ils ont trouvé plus bruyant qu’eux…

Il est 20h. Une fois accosté a minima nous passons tous sur le passe-avant pour pousser trois chants de marins. Un bon moment. Il reste finalement un peu de monde sur le quai. Tant mieux, tout le monde est ravi.

On finit de s’accoster, on double les aussières, on installe les coupées montante et descendante. On monte le petit bureau de coupée sur le quai, on installe le pupitre du bord pour la gestion des cartes équipage. On range le pont en lovant toutes les manœuvres, on sort le tau qui sera installé demain matin avant l’ouverture des visites pour protéger les visiteurs de la pluie et du soleil.

De l’avis des officiers, cette manœuvre de port dans son ensemble est certainement la meilleure qu’ils aient fait avec l’équipage. Le respect du silence et le retour des ordres a été excellent. L’Hermione a accostée dans le plus grand silence.

C’est milieu qui débute les quarts à quai. Je suis de minuit à 2h cette nuit. À chaque escale, il est prévu un punch, notre arrivée étant loupée et les deux tiers libres étant partis en courant en ville boire un coup, Antoine nous octroie le punch. On se le siffle entre 22h et minuit. Alors comme ça il n’y a pas d’alcool à bord hein ? Le punch est peu chargé et ne donne pas vraiment d’effet, mais c’est notre premier verre depuis La Pallice, c’était il y a onze jours ! Quelle abstinence… je glisse naturellement entre mon dernier verre et ma veille de coupée.

A suivre...


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posté vendredi 08 avril 2022 à 08:13
Message #287


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3- Dans le bassin à flot Vauban, Saint- Malo

Samedi 2 juillet 2016.
15ième jour à bord – à quai

Une veille sans histoire, sinon quelques gabiers joyeux rentrant se coucher. Ah si, un truc historique, vers 1h30, le Commandant déboule de l’intra-muros, en costume historique de capitaine de frégate… tricorne enfoncé sur la tête et épée sous le coude ! Une curiosité. Il me donne sa carte et disparaît dans ses appartements. J’adore ! Fin de quart et hop au lit !

On ne me réveille qu’à 9h, les veilleurs de nuit ont droit à une grasse matinée ! Les autres milieux ont eu le plaisir de commencer à travailler à 6h pour décharger un camion de vivre et installer les taud, mettre les sens de la visite et commencer lesdites visites. On est de service jusqu'à 18h. On tourne pendant la journée. Une fois au compteur coupée montante, puis l’accueil en haut de coupée montante, une fois sur le gaillard d’avant et la grand-rue pour les photos et réponses aux visiteurs, puis sur le gaillard d’arrière, et le « au revoir, merci beaucoup », etc, en haut de la coupée descendante, et en fin le compteur (CGTiste) de la coupée descendante. Tout un programme, en fin de journée on est rincé ! 2 600 visites le premier jour ! C’est un choc ! Après onze jours de mer, ça fait tout drôle.

Mais 18h arrive !!! On nous libère pour 24h. Total liberté, puis les 24h heures suivantes nous sommes à disposition si besoin. Et personne n’aura besoin de nous !

Une douche, enfin, et on retrouve une gabière en ville qui était dans ma promotion à Rochefort et qui embarque pour le LEG 02 dans cinq jours. On sort avec quelques uns. Aaaah la première bière… On mange aussi dans une crêperie. Je discute avec Jens de Jean Boudriot. Jens est un type très intéressé et très intéressant aussi. Un as du gréement. Quelqu’un que j’aime beaucoup.

A suivre...


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posté samedi 09 avril 2022 à 14:05
Message #288


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Dimanche 3 juillet 2016.
16ième jour à bord – à quai

Relâche c’est relâche, je dors jusqu'à 10h ! Un truc de fou… Argh. J’ai presque trop dormi, un comble. Mon programme est très simple, déambulage dans l’intra-muros, je suis très heureux de retrouver ce lieu que j’ai habité quatorze ans plutôt. Je vais aussi visiter un vieux gréement Anglais, c’est un bateau dragueur de la Manche, un joli canot. Il ira aux fêtes maritimes de Brest comme l’Hermione dans quelques jours. J’en profite aussi pour visiter l’Étoile du Roy. C’est… étrange comme bateau. Après l’Hermione il est difficile de visiter un tel navire. Bon, c’est comme ça. J’ai marché trois heures dans l’intra-muros, j’ai les pattes sciées… c’est dur la vie d’un terrien.

Ce soir on sort à une vingtaine pour un restaurant, mais pour l’heure, j’avance dans mon livre derrière les rideaux de ma bannette, les 5 200 personnes qui ont visités l’Hermione et la ville ont eu raison de moi. Une petite pause fait du bien.

------------

Lundi 4 juillet 2016.
17ième jour à bord – à quai

Il s’est passé un grave accident hier soir. Un gabier est tombé des remparts de l’intra muros !!! Un motard passant par là l’a rapidement découvert, et il est évacué sur l’hôpital de Rennes. Il a eu une énorme chance… Une sacrée chute sur le trottoir tout de même. Et pourtant, il est bien vivant. Ce n’était pas son jour, il a défié la Faucheuse, l’Ankoù en breton.

C’est donc un réveil musclé au bibou (l’alarme du bord) à 8h pour tout le monde pour nous en informer. On en reste sans voix, éberlué. L’ambiance est plombée, c’est morose tout ça, et du coup le fait d’être à quai sans rien faire avec une telle nouvelle je ne peux pas m’empêcher de penser à mes filles. C’est la première fois depuis le début de mon périple que je veux rentrer et qu’elles me manquent à ce point.

Mais la vie continue et les visites commencent dans 1h30 et pas question de tout arrêter. Reste que nous sommes tous consignés à bord jusqu’à nouvel ordre.

Je prends mon quart à 18h. Il y a une privatisation du gaillard d’arrière ce soir. C’est un jour un peu particulier car nous sommes le 4 juillet et c’est la fête de l’indépendance Américaine. On se retrouve donc avec une invasion d’invités costumés avec groupe de musique et traiteur pour la soirée. Je me souviens, il y a un an jour pour jour, l’Hermione et son équipage étaient à New York pour cette même fête. Et je regardais ça via les journaux vidéos postés par l’association. Je ne pense pas qu’a ce moment je pouvais dire qu’un jour que je serai moi aussi gabier sur cette frégate. C’était pour moi hors de portée. Comme quoi !

C’est ma dernière nuit à bord. Demain je quitte l’Hermione pour retourner à ma vie de terrien. Mon sac est partiellement bouclé. Il est 18h, je prends mon quart. Je suis de veille de coupée de 20h à 22h. La fête bat son plein sur le gaillard d’arrière. C’est rigolo ou pathétique, au choix, mais l’Étoile du Roy donne aussi une fête US. C’est à qui fera la meilleure. Bof…

A la fin de ma veille, je vais me coucher. Ça sent vraiment la fin et j’ai hâte de rentrer.

------------

Mardi 5 juillet 2016.
18ième jour à bord, fin de mon embarquement.

On se lève à 7h30. Assemblée à 8h. Les nouveaux gabiers embarquent à 14h. Ça chamboule quelque peu les quarts. Certains bâbordais et tribordais se retrouvent à faire du renfort pour remplacer les débarquants comme moi. Du coup ça ronchonne un peu.

Je rends ma dotation d’habits historiques et de travail en voilerie.

Il est 10h, je débarque, mon aventure Hermione se termine ici pour ce qui est de la navigation. Je vais en effet la retrouver pour le désarmement en septembre prochain et pour le démâtage du mois d’octobre, mais aussi durant toute l’année 2017 qu’elle passera à Rochefort en préparation pour le prochain grand voyage de 2018 en Méditerranée.

Je suis fier d’être devenu un des membres d’équipage d’un tel bâtiment. J’ai navigué sur l’Hermione, sur une frégate de 12 ! Je ne sais pas si je suis un marin mais j’ai le sentiment d’avoir touché du bout des doigts l’univers des marins du XXVIIIe siècle, ça reste une grande satisfaction pleine d’émotions.


############


Voilà pour cette première navigation. C'est une découverte pour moi, un style tout différent de toutes les navigations que j'ai pu faire.
A plein d'égard c'est bien mieux que dans les films et les livres réunis !!! Je pense bien sûr à Aubry, Bolitho et Hornblower.

Mais sur d'autres points, on est aussi très loin de la plaisance, et c'est donc parfois dur. D'ailleurs la mer est dure par défaut... Sur l'Hermione on n'est pas en croisière, mais on travail comme de vrais marins. On touche du doigt la marine du XVIIIe, l'apogée de la marine à voiles ! Et ça c'est quasi unique. Mais ça demande quelques concessions de vie, il faut aimer être balloter, puer, être en communauté très proche, se faire mal.

On passe aussi par plein d'émotions, ça reste extra ordinaire !


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posté samedi 09 avril 2022 à 21:30
Message #289


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Très agréable à lire. Pour un profane comme moi, le vocabulaire est un voyage à lui tout seul, et me replonge dans les Hornblower. Bon vent l'ami, ces souvenirs sont exceptionnels


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Les balles traçantes sont efficaces dans les deux sens.... . . . . . . . . ....Le bruit tue
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Lazuli
posté dimanche 10 avril 2022 à 15:51
Message #290


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Merci beaucoup, il est vrai que le vocabulaire est très spécifique, même pour des marins "d'aujourd'hui" il y a pas mal de termes qui ne sont plus usuels.

C'est ça, Hornblower and Co. c'est tout à fait le ressenti en navigation, notamment quand on atterris sur des sites comme le fort la Latte, Saint Malo, La Rochelle où des côtes très maritimes Anglaises.

----------

En 2017, la frégate ne navigue pas, elle reste donc dans son port d'attache à Rochefort pour le bonheurs des visiteurs, de la ville aussi !

En 2018, un voyage en Méditerranée est effectué. Je devais faire le LEG 01, La Rochelle / Tanger, mais mon employeur en a décidé autrement à deux semaines de l'appareillage... Il était dans son plus grand droit.

En 2019, l'Hermione effectue un voyage en Manche. Elle fera la tournée des différents ports en ajoutant une escale à Saint-Nazaire, Nantes et Brest tout de même.
Là c'est bon pour moi !!!

Je m'inscrit pour le premier LEG, La Rochelle / Cherbourg ! C'est le LEG qui m'intéresse le plus.
Alors, rebelotte, je monte à bord et je sort mon petit carnet pour rédiger quotidiennement mon journal.

Le voici, bonne lecture.
smile.gif


Image attachée




********************************************************

LEG 01 - Navigation de La Rochelle (La Pallice) à Cherbourg du 23 avril au 06 mai 2019

1- Dans le bassin à flot, port de commerce de La Pallice/La Rochelle

Mardi 23 avril 2019.
1er jour à bord.

Ça y est, je suis de nouveau à bord de l’Hermione ! Rendez-vous à 14h à l’entrée principale du port de commerce de La Pallice/La Rochelle. Cette fois je ne suis pas en retard ! Tout l’équipage de volontaires est là, il y a des navettes pour nous mener à bord. Il vente fort et la pluie s’est invitée. A peine arrivé à l’entrée que je suis pris en charge et emmené vers la cale sèche ou trône la frégate. Je remarque que l’antifouling est fraîchement posé sur la carène. Qu’elle est belle notre frégate. On monte à bord via une passerelle et je me rends en batterie. Là, Kenan devenu second, fait l’attribution des bannettes et donc des tiers. Surprise ! Je suis de nouveau au poste Milieu. N° M34. Même tiers qu’en 2016. Je reviens chez moi. Je pensais que je serai attribué sur un autre tiers, et bien non.

Mais finalement je suis content d’y retourner, on est bien à Milieu. Je suis tout au fond du poste, c’est pas mal. Un petit coin sans passage.

Je retrouve bien des connaissances et des nouvelles têtes ! La composition du tiers est bien. Des anciens, des nouveaux, c’est très bien.

Une fois les numéros distribués on récupère les sacs et on prend possession du poste. Puis un peu plus tard notre chef et son adjoint nous prennent en charge. On divise le groupe en deux pour faire la ronde de sécurité. On passe dans tout le bateau pour réviser les points incendie, les choses à voir, vérifier, etc. Puis on prend les dotations. Cirés Cotten jaune et vêtements de travail. Ça se passe en voilerie. On est un peu entassé dans la voilerie mais ça le fait. L’Hermione c’est aussi la promiscuité. Une fois tout rangé sur les patères on a quartier libre jusqu'à 18h.

A 18h tout le bord est convié pour une assemblée, le muster. On se réuni sur le gaillard d’arrière en arrière du grand-mât. Chaque tiers en en position de U. Tribord à tribord, Bâbord à bâbord et Milieu entre les deux contre le râtelier de grand-mât.

Les officiers nous accueillent et on nous entretient de la sécurité et de tout pleins de choses relatives à la vie à bord. Officiers, médecin, messwoman et maîtres. Chacun à son mot. Tous les visages sont souriants.

C’est à Tribord de commencer, ils sont d’astreinte pour 24h, de 18h à 18h le lendemain. Puis nous, Milieu, prendrons la suite. On a donc quartier libre. On en profite avec quelques uns pour descendre dans la cale pour voir de près et toucher la carène. Ça m’impressionne grandement ! Les formes de la frégate vu d’en dessous, c’est quelque chose. Je fais quelques petites photos. On ne voit pas ça tous les jours.

La cloche sonne, il est 18h45, c’est le premier service repas. Bâbord et Milieu filent dans la batterie. Puis comme par magie, après le repas, on est quelques uns à arpenter le pont avec les points de tournages en mains. On révise les 250 retours des manœuvres sur les cabillots et les taquets. Pfff, ce n’est pas une sinécure !

Ça fini par des discutions et des blagues. Le temps est très instable, beaucoup de vent et de la pluie par intermittence.

Le temps aura raison de nous, on se disperse à d’autres occupations. Pour ma part je descends dans le poste avec l’idée de lire. Mais avant, je commence mon petit journal. J’espère que la navigation se passera bien. Je lis un peu (Le grand nulle-part de James Ellroy) et je m’isole dans ma bannette pour dormir.

A suivre...


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posté mardi 12 avril 2022 à 16:46
Message #291


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Mercredi 24 avril 2019.
2ième jour à bord.

Réveil à 7h, bof la nuit… Il faut un peu de temps pour s’adapter à l’environnement. Nous ne sommes pas encore de service, et du coup ça va être une grosse journée de révisions. Pour commencer le camion de ravitaillement pointe son nez à 8h30. Les trois tiers sont réquisitionnés pour former une chaîne humaine du camion à la cambuse. Je me position au début de la chaîne, je suis posté sur la passerelle. Il nous faudra 1h30 pour embarquer 4 tonnes de nourriture ! Juste ce qu’il faut pour un La Rochelle/Cherbourg. Une fois le chargement fini on nous libère. Je retourne donc à mes points de tournages. Le midi passe et nos chefs nous réunissent pour un peu de pédagogie. Brasser la GV, prendre un ris, etc. Mais interdiction de monter. Nous sommes en cale sèche et il est estimé que c’est trop dangereux. On révise aussi la procédure MOB (devenu POB dans la réglementation) avec les bras, saisines, drisses et la balancine. On fait aussi un exercice incendie avec tout le monde avec rassemblement sur le gaillard d’arrière. Je suis sur le canot de sauvetage n°11, avec le commandant et le chef machine (donc si on doit abandonner le navire, je vivrai !).

Dom, maintenant bosco, aidé de quelques pros, prépare la mise en eau prévue pour demain matin. J’ai hâte de voir ça ! Il nous demande de préparer la civadière en la brassant et l’apiquant pour passer le sas sans tout arracher. Elle se retrouve donc dans une position curieuse. Complètement de travers ! On nous fait aussi mettre à bord un maillon de secours de la chaîne de mouillage. Un maillon fait 25 mètres et ça pèse un peu quand même… Tout l’équipage s’y met, on doit le passer du quai au fond du navire dans la salle des machines.

A 18h on rassemble tout l’équipage pour l’assemblée. Le commandant nous informe que comme tout est à bord il ne souhaite pas rester à quai dans le bassin. Il veut négocier avec le port de sortir directement de la cale pour trouver un mouillage sans passer part un amarrage dans le bassin. Ça nous permettra de partir dès qu’une fenêtre météo se présentera plutôt que d’attendre à quai au moins jusqu'à dimanche. Ça ravi tout le bord !

Milieu prend le service, mais il n’y a rien à faire… un comble sur ce bateau ! il y aura uniquement une ronde de sécurité à 22h et deux aides cuisine pour le matin et le midi de demain. Ce soir, après le repas, on monte en petit groupe pour réviser ces fichus points de tournages… Puis au lit pour un peu de lecture. Je me suis octroyé une douche, je ne sais pas quand sera la prochaine.

A suivre...


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posté mercredi 13 avril 2022 à 18:23
Message #292


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Jeudi 25 avril 2019.
3ième jour à bord – 1er jour de mer.

Effervescence ce matin ! On met en eau la frégate. Rassemblement à 8h pour tout le bord. Les vannes sont ouvertes pendant le muster.

On va lever l’ancre tribord, posée au fond de la cale, pour la mettre à poste. Pendant ce temps le niveau de l’eau monte. Et il monte très vite ! Les vannes sont fermées quand la frégate arrive à la limite de sa flottabilité. Ça permet de faire une visite d’étanchéité du bord tout en ayant le bateau posé. Dom’ court partout et gère d’une main de maître !

On prépare la manœuvre de l’ancre, puis elle est mise à pic avec le guindeau de marine. On passe le croc du palan de capon dans l’organeau de l’ancre. On vire au petit cabestan pour amener l’organeau au niveau de la bosse de bout. La bosse est passée, l’ancre fait donc penau. Elle pendouille sur sa bosse au bout du bossoir. On croche la patte de l’ancre avec la griffe qui fera basculer l’ancre contre la muraille pour la saisir. On dégarnit le cabestan du garant du palan de capon pour le regarnir avec celui de la griffe.

Je descends en batterie sous le gaillard d’avant avec Cédric, l’adjoint tires, pour reprendre les aussières. Puis je monte sur la civadière avec un collègue pour repasser l’écoute de civadière retirée pour la manœuvre. On passe par la suite sur le mât de charge pour mettre en place la coupée du bord sur tribord. La passerelle du port est enlevée. Et entre temps le bateau flotte !!! Il est étanche et on a réouvert les vannes. On a un peu de temps libre, on en profite pour réviser. Puis sonne le premier service et enfin le second ! On a bien faim. Après manger, j’en profite pour passer un coup de fil aux filles.

Avec d’autres gabiers on nous envoie enlever les bâches protectrices posées sur la grand-voile et le grand hunier. Je suis disposé à passer les écoutes de grand perroquet, comme en 2016 !

L’affaire n’est pas compliquée en soit, mais on a pas mal de nouveaux gabiers (comme j’ai pu l’être en 2016) et du coup c’est plus long et plus compliqué que prévu. Et je me fais un peu piéger par l’ordre des travaux. Il faut en premier lieu enlever les bâches avant de passer les écoutes de grand perroquet. L’équipe dédiée aux bâches monte sur les vergues, dont celle de grand hunier. Le temps qu’ils travaillent je reste sur la grande hune à mettre de l’ordre dans l’écoute bâbord posée sur le plateau. Enlever la bâche prend un peu de temps et je n’ai pas grand-chose à faire, en plus on se prend un énorme grain ! On se fait fouetter par la pluie portée par un gros coup de vent. La classe ! Puis la bâche à bâbord m’est envoyée sur le plateau. On la boudine au mieux et on l’envoie sur le pont avec le braguet. Et c’est là où je me suis fait avoir. Comme il y a déjà du monde sur la vergue je n’ai pas besoin d’y aller pour passer l’écoute dans la poulie violon en bout de vergue… je ne fais que filer l’écoute sur le plateau. Deux gabiers montent aux barres de perroquet pour monter l’écoute bâbord. Comme ça galère là-haut, Cédric leur crie de faire un nœud de chaise pour mettre en attente l’écoute. Et ça galère encore car ils n’arrivent pas à le faire ce nœud . Stress et manque d’expérience, le parfait mélange pour ne pas y arriver. En plus vient se rajouter à tout ça un exercice incendie, le bibou sonne et il est annoncé de se rassembler sur le gaillard d’avant ! On descend en vitesse après avoir capelé à l’arrache toutes les manœuvres en cours. On encadre le petit cabestan et on se compte. On nous donne des infos pratiques et des consignes pour gérer l’incendie. On fera d’autres exercices plus tard.

Par la suite on nous fait brasser les basses vergues en pointe pour la manœuvre de ports. On ne retourne pas dans les hauts ! Il est l’heure d’embarquer le pilote.

À milieu on est dédié, pour les manœuvres de port, aux défenses. Du coup, comme en 2016 je me retrouve avec les "couilles" et les "tic-tac" pour protéger le bateau des contacts contre la maçonnerie des sas et quais. On m’envoie sur le porte-haubans de misaine sur tribord. La manœuvre commence et le vent a tendance à pousser la frégate sur bâbord. Du coup le lamaneur lui fait faire des embardées, et notre couille sert bien. Elle s’écrase contre la maçonnerie et évite le bateau de toucher, mais elle part sur bâbord et proche du sas le jas de l’ancre qui dépasse beaucoup touche un peu. Mais rien de grave. La frégate sort de la cale sèche pour se retrouver dans le bassin. On fait faire un quart de tour au bateau et on s’engage rapidement dans le sas du bassin qui mène dans le port en eau profonde. Le sas est facilement passé et on déboule dans le port au milieu des cargos à quai. On traverse le port pour enfin trouver le pertuis, la houle commence à se faire sentir en dehors des digues. Le vent est très présent ! Mais qu’importe ! La sensation de sentir le bateau bouger colle des sourires à tout le monde. Enfin dehors !

Le pilote nous emmène à notre mouillage entre l’île de Ré et le port de commerce. Dom’ est sur le gaillard d’avant avec Antoine (pas le second de 2016) l’officier navigation. Je suis aux premières loges pour voir la prise de mouillage. Antoine me demande de m’occuper de la boule de mouillage, avec le feu en dessous pour la nuit. L’ancre est mouillée dans un grand "plouf" et la chaîne du mouillage gronde dans l’écubier. On mouille deux maillons et demi, soit environ 65m de chaînes. On range le pont et les manœuvres sont finies pour la journée. Tout le monde est libéré sauf les veilleurs de mouillage du tires Milieu. Les autres partent manger.

Il y a pas mal de houle et le bateau roule comme il faut ! Ça craque de partout !!! J’avais oublié tous ces bruits de bois qui travaillent, bougent et vivent avec la mer. La frégate est enfin vivante ! On marche de travers au rythme du roulis, les corps vont devoir s’habituer. À table notre pichet d’eau à quasiment fini à plat ventre… la soupe dans les bols se balance à bon rythme. Je mange bien en prévision de plus de mer, mieux vaut être bien nourri. D’ailleurs les premiers malades se déclarent, mais ce n’est pas le roulis qui fait le plus mal, c’est le tangage et au mouillage il y a très peu de tangage. On verra plus tard. Pour ma part tout va très bien, je suis content car je suis sujet au mal de mer normalement, mais j’ai découvert qu’il n’était pas très violant.

Il est 21h30 et je ne traîne pas car je suis de veille cette nuit de 4h à 6h. et demain une grosse journée nous attend, nous allons devoir gréer les perroquets, la perruche et enverguer la civadière.

A suivre...


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posté jeudi 14 avril 2022 à 18:31
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Vendredi 26 avril 2019.
4ième jour à bord – 2ième jour de mer.

Journée de malade ! On me réveille à 3h30 avec mon binôme pour le quart de mouillage. On doit surveiller deux amers (deux balises éclairantes sur terre) et deux distances radar. On a des fourchettes de relèvement. La frégate a un cercle de giration dû au mouillage et elle subie aussi les différences de marrée. On doit donc surveiller si on ne sort pas des fourchettes données par les officiers, avec ordre de réveiller l’officier de quart si doute ou problème. On doit aussi avoir une grande attention à la ligne de mouillage. Surveiller que le bateau ne dérape pas sur le fond en plus de la ronde de sécurité classique dans tout le bateau. La météo n’est pas bonne, il vente fort et la frégate roule beaucoup. Cette première veille met dans le bain de la navigation ! À 5h50 je réveille la relève pour le quart suivant de 6h à 8h. Le temps de leurs donner les infos je me couche à 6h15. Et à 7h ? Branle-bas !!! Tout le monde debout… ça pique un peu quand même. Je n’ai pas dormi à cause des grands craquements du biton de grand hunier contre ma bannette. Il est très fort ce craquement !!! En plus du roulis…

On déjeune, on monte à l’assemblée à 8h. Et le coup de feu est donné ! Je ne sais même plus tout ce que j’ai fait… en tout cas on a gréé les perroquets, perruche avec les trois tiers. On a aussi ridé des haubans. Le fort roulis et le vent rendent le travail difficile. On se prend régulièrement des grains pour renforcer la sensation de pénibilité… On est tous cramés et on n’a pas eu le temps d’enverger la civadière. Ça sera pour demain.

Le commandant souhaite lever le mouillage demain en milieu de journée. On verra. On attend un gros coup de vent cette nuit. Il est 21h et la frégate roule de plus en plus. Et ça craque de partout… j’espère mieux dormir car je suis bien fatigué. Je m’isole derrière mes rideaux.

A suivre...


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posté dimanche 17 avril 2022 à 20:09
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Samedi 27 avril 2019.
5ième jours à bord – 3ième jour de mer.

Il semble que le coup de vent à tenu ses promesses. Bien mal lui en à prit ! J’ai dormi du sommeil de l’enclume et je n’ai rien vu ni senti… Et si ça a bougé, ça a bougé sans moi ! Il est 7h, les lumières du poste s’allument. Le vent est quand même fort ce matin.

On met Bâbord sur la civadière, pour l’enverguer. Je me retrouve au petit cabestan pour envoyer la voile sur l’avant. Par la suite on fait un nouvel exercice incendie et dans la foulée un exercice abandon total du navire. Puis Milieu met le POB à l’eau. Pour cet exercice je suis dans la grand-rue aux saisines aux guides. Le POB, c’est toujours intense et cardiaque sur les postes balancine/drisse mais moins stressant que les bras, les saisines et les guides.

Tous les chefs et adjoints des tiers sont conviés à monter à bord du pneumatique pour s’exercer à mettre le moteur à l’eau et le démarrer. Le moteur fait des siennes d’ailleurs… Puis on remet à poste le pneumatique.

Pendant l’exercice, le bras a été échappé et la poulie a malheureusement rencontrée la tête d’un collègue dans la Grand-rue juste à côté de moi (nous sommes au saisines). Clairement il souffre, il enlève son bonnet et on voit qu’il a une belle plaie de 4/5cm. Il est évacué pour une prise en charge médicale. Il aura cinq points de sutures plus deux à trois jours d’arrêt. Ce qui n'est pas une très bonne nouvelle pour le tiers.

Cédric et deux autres gabiers montent pour finir de gréer le grand perroquet. Il est midi, assemblée à 14h.

Ça y est, le commandant donne l’ordre de lever le mouillage. Milieu est de quart (16h/20h) et je suis de service rondier/veilleur/barreur. Je commence par rondier. Je suis donc sur le gaillard d’avant en compagnie du veilleur. Je donne de la main localement quand besoin puis au bout d’une demi-heure je pars en ronde de sécurité. La frégate fait route aux moteurs et le tangage arrive. En bas tout craque et dans la voilerie au pied de mât de misaine, je sens sous les pieds les virures bouger ! En fait en y regardant de plus près, je vois plusieurs pièces de charpente se mouvoir à chaque plongée du bateau dans les vagues… ça m’impressionne beaucoup. Je remonte au bout de 20 minutes, RAS. Je relève le veilleur, qui me fait connaître du chef de quart avec la VHF. Les mouvements ont bien changés par rapport au mouillage. On a le nez dans la plume et rapidement je suis trempé par les embruns que soulève la proue de la frégate.

Il y a pas mal de chose à annoncer. Un phare ici, une marque par-là, des bouées en tout genre, etc… Plus on se dirige hors du pertuis plus la houle monte. Il y a maintenant 4 à 5 mètres de creux en plus du roulis. Il y a pas mal de vent et le ciel est clair avec une mer d’un vert pas très engagent, celui de la mauvaise météo… ça brasse bien et malgré mon occupation je commence à sentir la nausée monter. On y est, le mal de mer pointe son petit nez perfide. Il faut dire que tout devant sur le gaillard d’avant, ça monte et ça descend beaucoup. On est loin du centre de gravité. On dit "avoir le nez dans la plume".

Dom’ fini de s’occuper de saisir l’ancre à côté de moi, il semble jubiler… Milieu établi les premières voiles d’axe. L’heure de veille se passe, mais je sens que je vais franchement moins bien. C’est vaseux que je passe la main et prend mon poste de barreur 2 à l'arrière. Je compte sur le fait de revenir vers l’arrière, qui bouge moins, pour étaler mon mal de mer. Espérance vaine… Milieu met à poste le petit foc et notre Bidou, perché sur le beaupré, fait une porte ouverte pour les poissons ! Il est malade à mourir… c’est impressionnant, Cédric va le chercher car il n’arrive pas à descendre, le Doc le pose sur le banc de quart avec un seau, et il en chie… ça fait mal de le voir et de l’entendre. Un mal de mer fulgurant !!! Il va être malade pendant trois jours ! Moi, à la barre, ça brasse mais ça me rassure de voir le Bidou bien plus malade que moi. On fait ce que l'on peut.

Je passe barreur 1. C’est difficile car la houle n’aide vraiment pas à tenir le bateau, et j’ai du mal à gérer avec ce fichu mal de mer… Heureusement mon B2 est un ancien qui a fait beaucoup de navigation sur l’Hermione, et en plus d’être un très bon barreur, il est d’une gentillesse à toute épreuve. Il prend sur lui le rôle de B1, et je l’en remercie tant que je peux. La petite cloche est piquée quatre fois deux coups. Les quatre heures de quart sont passés. Bâbord fait la relève et prend la manœuvre. Je m’aperçois qu’il y a foule dans la grand-rue ! Beaucoup de malades. C’est l’heure du repas. Le resto ne fait pas le plein de couverts ce soir ! En plus pour enfoncer le clou, il y a de la tartiflette ! Les "non" malades ne savent plus comment faire pour finir les plats… Moi je pose mes fesses sur le banc devant un bol de soupe qui se dandine. Je le porte à la bouche et… non, ce n’est pas possible, je vais vomir dans le bol si je le bois.

Je sors donc dans la grand-rue prendre l’air conte le fameux biton qui craque un étage en dessous contre ma bannette. Là je regarde le spectacle… ça vomi de partout dans des seaux, en dehors des sabords, incroyable. J’ai jamais vu ça ! Je me dis qu’à un moment ça va forcement être mon tour. En fait ça ne met pas longtemps. Je traverse la grand-rue pour me trouver un seau sous le gaillard avant et je vomis. D’un coup d’un seul je me sens bien mieux ! Ça reste relatif bien sûr. Une gabière de Bâbord déboule à côté de moi en me regardant d’un air bête, puis regarde mon seau. Je lui dis qu’il est déjà plein. Elle s’en fout, elle me le prend et vomit dedans. C’est mon premier partage de vomi, c’est fou ce que l’on peut faire sur ce bateau !

Finalement je ne vomis plus… je récupère le seau, le nettoie et je prends mon courage à deux mains pour enlever mon top de quart et ma salopette cirée. Une épreuve… je descends dans le faux-pont pour poser les habits de mer et je file dans ma bannette. Je m’endors et j’écrase comme un bébé…

A suivre...


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Comte de Maurepas, secrétaire d’État à la Marine de 1723 à 1749


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posté lundi 18 avril 2022 à 09:27
Message #295


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Dimanche 28 avril 2019.
6ième jour à bord – 4ième jour de mer.

Le réveil à 3h30 est un peu rude tout de même… Je m’habille et je me rends dans la batterie pour boire un peu d’eau et manger le meilleur aliment du monde pour le mal de mer, j’ai nommé la banane ! Elle passe bien, tant mieux. En montant sur le pont je ne vois plus rien. La nuit est profonde et il faut un peu de temps pour habituer les yeux à l’obscurité. On prend le quart et Tribord est libéré pour aller dormir !

Premier quart de nuit à la mer. Bâbord et Tribord ont beaucoup travaillé, presque toute la voilure est à poste. Il nous reste le perroquet de fougue pour compléter la garde robe. Je mets la main sur le bout, mais je sens que c’est encore compliqué pour mon estomac. Au bout d’une heure, Ingwenoc, mon chef de tiers, me propose de passer barreur 3 pour m'occuper l’esprit. Je vais y rester 3h. Il n’est pas vraiment nécessaire d’avoir trois barreurs mais j’aide quand même un peu.

N’empêche qu’à 8h, à la relève par Bâbord, je ne demande pas mon reste, je file me coucher. Je suis quand même content car je vais bien mieux.

A midi il y a du riz et des haricots verts, c’est franchement mieux que la tartiflette ! Et en plus ça passe bien. J’en profite pour repartir à la sieste, je dois absolument être en forme rapidement !

Cet après-midi le vent est tombé, la houle s’est aussi calmée. Ça bouge encore pas mal mais c’est moins pénible ! Le commandant (vu très certainement avec Dom’) demande de rider les bas-haubans. Ils sont très lâches et le roulis fatigue beaucoup le gréement. Il veut que ce soit fait en 3h !!!! Du coup on est réveillés une heure plus tôt pour renforcer Tribord, et Tribord fera deux heures en supplément… Le ridage est long à faire. On prend la première tension avec la caliorne puis on installe des palans à chaînes (qui n’ont pas suffisamment de course d’où la caliorne) sur le hauban pour terminer le ridage. Avec des winchs Espagnol on "étrangle" à deux ou trois endroits les rides l’une contre l’autre pour pouvoir faire deux amarrages plats. Puis on relâche doucement les winchs Espagnol et la tension du palan à chaîne. Le ridage se fait de l’avant d’un mât vers l’arrière et en vis-à-vis entre tribord et bâbord. Pour ce travail on doit sortir sur les porte-haubans. Ce n’est en soit pas un travail compliqué ni physique mais au bout de 2h/3h avec la tête vers le bas, mon estomac se rappelle à mon cerveau ! Je remonte sur le gaillard d’arrière et je finis le quart sur le banc de quart avec le Bidou qui lui n’est pas vraiment mieux…

Je ne suis pas fier et ça m’embête quand même un peu de ne pas servir à grand-chose. Mais "Chef de nous" (comme on l’appelle !) comprend très bien. Ils sont top sur ce canot ! Le Doc passe voir Bidou, j’en profite pour lui demander du gingembre (bon contre le mal de mer), il m’envoie en cuisine pour en récupérer.

Ce soir, j’arrive à manger normalement, j’ai même faim ! Je prends aussi une douche, le chef nous y a autorisé. On ne pouvait pas encore fabriquer de l’eau et en plus un des osmoseurs était en panne. Là il fonctionne de nouveau et avec l’autre osmoseur ils ont rempli la citerne. La douche fait énormément de bien. Je vais me coucher après avoir rattrapé le retard dans mon journal à cause de mal de mer.

A suivre...


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posté vendredi 22 avril 2022 à 11:20
Message #296


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Lundi 29 avril 2019.
7ième jour à bord – 5ième jour de mer.

Ce matin le réveil se passe bien, enfin autant que de se réveiller à 3h30 le permet ! Mais je vais bien, le mal de mer est parti. Je me prépare rapidement et en montant on découvre que les huniers sont établis avec les voiles d’étais, la misaine, l’artimon et un foc. À nous d’établir la grand-voile. C’est peu… ça se passe bien, les points de tournage commencent à bien rentrer dans la tête malgré quelques hésitations qui persistent.

Puis par manque de vent on affale la voile d’étai de GV (la VEGV). Le ciel est d’une clarté incroyable ! Pas de nuages ni de pollution lumineuse, on voit même la voie lactée et aussi des étoiles filantes ! C’est juste magique.

Il ne se passe pas grand-chose dans ce quart de nuit, il fait froid et ça se ressent par le manque d’exercice. 7h arrive et le jour avec, on passe au poste de propreté. Le travail de Milieu chaque matin. On frotte avec du savon noir tout le pont et la grand-rue. Rinçage et un coup de raclette plus tard et on nous demande d’établir le grand perroquet. Mais un truc coince là-haut et Bâbord arrive déjà pour l’assemblée. C’est moche mais on doit passer le merdier à Bâbord… On descend prendre le petit déjeuner et tout le monde se couche, puis c’est midi et on attaque la sieste !

Tout va pour le mieux, il faut beau, on porte toutes les voiles et la houle est "normale". On naviguait avec l’assistance des moteurs par manque de vent malgré le port des voiles. Mais cet après midi ils se taisent et ça fait du bien. Plus de bruit (de moteurs) dans les postes et on repasse en vrai voilier ! Ça contente tout le monde.

Kenan sort trois gros cartons remplis de pavillons, guidons et flammes pour les signaux visuels. Il souhaite faire un grand-pavois pour les escales. Ça n’a pas encore était fait. Je me propose avec Bidou qui revit et un surnuméraire pour la confection. Le but étant de ne pas créer de messages en Français ni en Anglais pour éviter de dire des conneries ou de risquer des problèmes diplomatiques. Ça peu prêter à sourire mais c’est très sérieux ! Il nous faut donc faire n’importe quoi et ça ne se fait pas tout seul… Kenan a tout mesurer et on doit respecter un nombre de chiffres, lettres et autres signaux. A respecter aussi la distance entre chaque pavillon. On fait des doubles nœuds d’écoute pour les fixer les uns aux autres.

Tout un tas de gabiers profitent du soleil sur le gaillard d’arrière et moi avec, avec nos pavillons. Le chef de quart Tribord en profite pour faire un exercice d’homme à la mer surprise ! Ça démarre au quart de tour, chacun saute sur les manœuvres. Et ça se passe bien car on déborde le POB en 3 minutes !!! Puis le cours de la vie reprend mais il est l’heure de l’assemblée. Je laisse le grand pavois à d’autres pour prendre mon quart.

Dom’ est là, il nous fait un peu la leçon. On doit, même si l’on n’est pas de quart, regarder les manœuvres tourner. Et si quelque chose cloche ou nous semble étrange, on doit le rapporter aux chefs du quart. En fait, Dom nous dit ça car il y a eu un événement qui aurait pu être grave. Pour tourner une drisse sur une bitte, nous devons faire trois tours morts puis étrangler la drisse avec le garant avec trois sortes de demi-clefs. Trois tours, pas deux. Et ce matin le petit hunier est tombé !!! Les balancines l’on arrêtées en bout de course et par bonheur la vergue n’a pas tapée le chuquet, sinon elle aurait cassée en son milieu. De plus, personne ne fût blessé. Une drisse qui file dans la poulie vous embarque une jambe, sans parler s’il y avait du monde sur la vergue…

Du coup en prenant le quart, les chefs nous remontrent et nous font refaire le tournage d’une drisse. Chacun y passe.

Le reste du quart se passe en exercices POB et à serrer la civadière. Ça nous prend beaucoup de temps, bien trop car on n’est pas organisés, c’est notre premier ferlage du LEG pour Milieu. Et aucuns de nos chefs n’est monté pour diriger la manœuvre. En plus nous avions un ou deux gabiers très peu expérimentés et ça n’a pas vraiment aidé, ils ont du mal à comprendre et ne semblent pas faire trop d'efforts, du coup ça gueule un peu sur la vergue… en descendant je vais en parler avec Ingwenoc. Il en prend note. Chacun doit se rôder.

Sur la vergue, pendant que l’on galérait, un des collègues nous crie "un requin !!!" Tu parles, il se fait rembarrer, mais en levant la tête, le bougre avait raison ! Une superbe silhouette noire se dessine juste sous la surface de l’eau pile en avant de l’étrave, magnifique !!! Il se mouvoie avec une grâce fantastique. Il est très nettement visible. Mon premier requin en liberté loin des côtes, loin des touristes. Une pure merveille. Puis le bateau lui arrive dessus et il plonge et disparait dans la profondeur de l’eau. Jamais je n’aurais cru voir ça, et les autres aussi d’ailleurs, on est stupéfaits !

La journée est belle sur la mer, en plus du requin, on croise des dauphins, rencontre bien fréquente. Tout va bien en somme. On croise aussi un petit cargo et un gros ferry de la Brittany Ferry qui se déroute pour nous longer en nous saluant de longs coups de corne de brume. Il file vers l’Espagne.

Par manque de vent nous sommes bien descendus, à hauteur du Verdon, puis actuellement nous remontons le Golfe de Gascogne. Le commandant nous annonce à l’assemblée que nous devrions toucher le Raz de Sien demain matin vers 8h. Le vent sera donc favorable pour courir le Golfe cette nuit.

A suivre...


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posté vendredi 13 mai 2022 à 08:32
Message #297


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Mardi 30 avril 2019.
8ème jour à bord – 6ième jour de mer.

3h30 tout le monde debout, le temps est encore très clair ce matin, la voie lactée traverse la voûte céleste. On est à la hauteur du phare de Pennmarc’h, on distingue aussi les lumières d’Audierne. Je débute mon quart en B2, ça passe tranquillement mais il fait très froid et les mains prennent cher ! J’ai sur moi, un t-shirt, trois polaires et ma veste de quart, plus un bonnet. Et je n’ai pas vraiment chaud… je passe en B1, le meilleur poste ! Cap ordonné au 350, on fait route entre le 350 et 355. Barrer de nuit revêt quelque chose de particulier. On ne voit rien sauf le compas illuminé d’une lumière rouge. Les quarts de nuits sont de tout façon à part.

Puis je suis relevé et je passe en rondier pour la troisième heure de quart. Pendant ce temps, les autres Milieux n’arrêtent pas de régler les voiles et de brasser. Ils ont l’air de s’éclater ! À 7h45 je pars pour réveiller tout le bateau sauf Tribord et leurs chefs. J’enchaîne sur la ronde de sécurité. Je remonte pour relever le veilleur, il y a pas mal de chose à surveiller. Des pêcheurs et des phares, le Raz de Sein en est farci ! L’heure passe très vite et il fait maintenant jour. La lumière est magnifique dans le coin. Un vrai spectacle !

8h, je suis relevé et après un petit déjeuner je grimpe dans ma bannette. Un coup d’œil sur mon téléphone, nous sommes proche de la terre et on a un peu de réseau. Surprise ! J'ai deux photos de mes filles, quel bonheur. Après la sieste et le midi, je flâne sur le pont en contemplant cette belle côte Bretonne, sauvage, marine et belle. Quart de 16/20h n'est que dans une heure, je profite. On a pas mal avancé, la côte s 'éloigne et on laisse Ouessant par le bâbord arrière. On entre en Manche !

Notre quart arrive enfin, il fait un gros soleil et les visages commencent à prendre des couleurs. Le quart débute bizarrement, il n'y a pas grand chose à faire et au bout d'une heure c'est la folie, ça dégoupille sec ! Ça part dans tout les sens. En fait il y a peu de vent, on est entre deux anticyclones est le vent n'arrête pas de changer de direction ! Du coup on n'arrête pas de brasser les phares. À chaque fin de brasseyage on range le pont, il faut dire qu'après chaque manœuvre de ce genre le pont se couvre de cordages ! C'est, pour un terrien, certainement un sac de nœuds indescriptible, pourtant tout est normal et il n'y a pas un seul nœud dans tout ça. Mais on range pour être paré à tout autre manœuvre. Les bras, les drisses sont prêtes à filer, etc... Puis on remet ça, on brasse, et on range, pour re-brasser encore et re-ranger de nouveau... Et plus ça va, moins ça va ! Les corps se fatiguent, on y arrive mieux car ça devient automatique, mais on fatigue vite et on se relâche... On pète des plombs, on commence à rire de rien, ça part totalement en "live" ! Et c'est génial. Le tiers est bon et très soudé, on travail d'arrache-pied, et on aime ça ! Pour parapher Brel qui bouffe des haubans, nous "on bouffe des cargues, des balancines, drisses et autres bras, des écoutes et les amures...". La fin du quart arrive et on doit carguer la grand-voile et la misaine ! Arf, les bras nous en tombent... Le pire c'est que comme il y a très peu de vent on avance avec l'assistance des moteurs ! Bah oui... on entre dans le rail montant d'Ouessant, et il n'est pas question de risquer un abordage à cause du peu de vent, on fait donc route aux moteurs pour le traverser. Il faut dire que les bâtiments que l'on croise comme les porte-conteneurs et les cargos ne sont pas tout petits. Mieux vaut ne pas les approcher de près.

Puis enfin l'assemblée, on file manger avec bonheur et on relâche un peu la pression. Et comme cette journée n'est pas comme les autres, le chef de quart Bâbord nous réclame en renfort ! Il y a eu une saute de vent, il faut changer d’amure rapidement ! Toutes les voiles sont à contre. Alors c'est reparti de plus belle. Phare de misaine, de grand-mât et civadière au programme, avec les deux focs au passage. Ça nous fini ! On nous libère, je m'octroie une douche bien fraîche qui me fait beaucoup de bien, j'écris mes trois lignes et je tire mon rideau (dit "le branleur") pour dormir. Si tout va bien, on touchera les côtes Anglaises demain matin.

A suivre...


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posté dimanche 22 mai 2022 à 20:34
Message #298


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Mercredi 1er mai 2019.
9ème jour à bord – 7ième jours de mer.

3h30, dring, dring ! Debout Milieu. Il fait bien frais et nous sommes dans le pâté Anglais ! Plus de ciel étoilé, plus de voie lactée, non, rien de tout ça. Les côtes Anglaises ne sont pas loin. La mer est pour ainsi dire, plate, et le vent ? Nul. Première heure de quart amorphe, On ne fait rien. Ça arrive parfois en mer. Il n’y a rien à faire et c'est ennuyeux en pleine nuit. Mais ça ne dure pas très longtemps, les réglages arrivent ! C'est un peu moins intense qu'hier mais ça se défend quand-même. On en profite pour faire un exercice POB. Les chefs sont contents mais je trouve que ce n'est pas terrible, 5 minutes ! C'est beaucoup... Mais bon, ils sont contents. On enchaîne sur les réglages des voiles. Hier un collègue c'est blessé en montant, il s'est tordu un doigt sur un hauban, le Doc lui a posé une atèle et a programmé une radio à Cherbourg. On espère que ce n'est pas cassé. C'est donc notre deuxième blessé à Milieu. Ça va vite sur ce canot ! Tout est accidentogène. Et bien justement un troisième arrive. En étarquant la bouline bâbord de grand hunier un autre gabier de Milieu se coince un doigt entre la gaffe postée dans le hauban qui porte le taquet juste en-dessous. Je suis au niveau du taquet et lui sur l'étarquage. La tension est énorme sur ce bout, et le hunier claque. Le manque d'expérience fait qu'on manque de bon sens. Au moment où la voile claque, on est emporté. Lui a la main qui remonte et un doigt tape contre la gaffe et lui emporte un peu de chair. De mon côté j'ai failli passer une main sous le taquet et je suis projeté contre le hauban ! Heureusement sa blessure n'est pas très grave, un bon bout de peau est arraché mais ça va. Le tout dans le noir, ça décuple donc les problèmes.

La fin du quart arrive, on met en panne, j'aime beaucoup cette manœuvre, le bateau est joli en panne. Les vents ne sont pas favorables et si nous continuons nous allons nous adosser à la côte. On va attendre donc la bascule de vent pour remonter la Manche le long de l'Angleterre bien visible maintenant. On devrait bientôt toucher du 20 nœuds de vent, de quoi faire route dans de bonnes conditions. 9h, les moteurs sont arrêtés. C'est bon signe. Ça fait du bien de retrouver un tiers sans bruits mécaniques. Les moteurs sont juste sous les tiers.

À midi le vent fraîchi effectivement. On fait route sous toutes les voiles sauf la civadière. Le vent a basculé, il n'y a plus de houle et le bateau est calé dans ses lignes. Tribord arrive pour le quart, nous remontons la Manche direction l'île de Wight !

Petite sieste, à 15h c'est dotation des habits historiques. Kenan est un fou d'histoire maritime, et il s'intéresse notamment aux bricks, il me demande si à tout hasard je n'aurais pas quelques infos. Tient, tient, c'est drôle, j'ai embarqué ma clef USB. On verra ça à Cherbourg. Pour l'heure je me rends en voilerie pour la dotation. Ça va, les habits ne sont pas trop mal cette année ! Je les préfère à ceux de 2016.

Notre quart arrive, le vent ne s'est pas maintenu, le bougre à perdu de son intensité. Les côtes Anglaises sont toujours au large à bâbord, on fait des réglages, et comme le vent n'est pas très fort on cherche à régler finement. C'est donc du non-stop pour arriver à trouver l'excellence. On fera du 8,2 nœuds, ce qui est très bien compte tenu du vent. La navigation est cool, on est de plus en plus à l'aise dans les manœuvres et les points de tournage, ça rentre bien et on est bien plus efficaces, tant les gabiers que les chefs.

Plusieurs gabiers non de quart, ont eu le droit de se rassembler sur le gaillard d'avant pour pousser la chansonnette. C'est énorme de manœuvrer sous les chants marins. On s'y croirait ! Petit supplément au quart, non gros supplément, on croise un gros bâtiment de guerre de la Royal Navy, c'est le RFA (Royal Fleet Auxilary) Fort George, un pétrolier-ravitailleur de 200 m de long. Plus tard on surprend au largue un RAM (Ravitaillement À la Mer) entre deux autres pétrolier-ravitailleur, c'est la première fois que je vois ça ! Ils sont en fin de RAM et se décollent, l'un fait demi-tour mais l'autre suit sa route à couper la nôtre de près. Il n'en faut pas plus au commandant pour donner l'ordre de préparer un tir de trois coups de canons. Le ravitailleur se fait allumer de ces trois coups ! Quelques instants après, il éteint son AIS (le système de repérage et anti-collision) ! Pas une réaction de sa part là ou généralement les bateaux jouent de la corne de brume, lui rien... plus tard un hélicoptère Belges du type Alouette nous survole ! Il doit y a voir des manœuvres dans le coin. On croise aussi un remorqueur de Brest ! De taille bien modeste, que fait-il ici ? Il se déroute pour nous tourner autour et prendre des photos. On échange des coups de corne, la sienne est tout éraillée comme un vieux fumeur de Gitane !!! On rigole bien tant ça lui va bien.

Nous avons à bord deux journalistes de France 3 Normandie, ils sont montés à La Rochelle pour débarquer à Cherbourg. Ils filment tout azimut ! Le commandant a donné l'autorisation (à moins que ce soit le second ?) de les faire monter. Mon chef Ingwenoc, Tiphaine (intendante du bord) et moi allons les encadrer. On les faits monter dans la grande hune dans un premier temps puis aux barres de perroquet. Cyril, le cameraman, prend des images tant qu'il peut. Une fois le pont retrouvé je reprends normalement le quart. On brasse à régler pour le travers et on avance pas mal ! On distingue maintenant les maisons sur la côte. On approche de l'île de Wight. J'ai de nouveau du réseau mais rien ne passe... Je descends me coucher.

A Suivre...


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ybar
posté lundi 23 mai 2022 à 07:29
Message #299


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Citation (Lazuli @ dimanche 22 mai 2022 à 18:34) *
On enchaîne sur les réglages des voiles. Hier un collègue c'est blessé en montant, il s'est tordu un doigt sur un hauban, on espère que ce n'est pas cassé. C'est donc notre deuxième blessé à Milieu. Ça va vite sur ce canot ! Tout est accidentogène.
Et bien justement un troisième arrive. En étarquant la bouline bâbord de grand hunier un autre gabier de Milieu se coince un doigt entre la gaffe postée dans le hauban qui porte le taquet juste en-dessous. Je suis au niveau du taquet et lui sur l'étarquage.
De mon côté j'ai failli passer une main sous le taquet et je suis projeté contre le hauban ! Heureusement sa blessure n'est pas très grave, un bon bout de peau est arraché mais ça va. Le tout dans le noir, ça décuple donc les problèmes.


Citation (Lazuli @ samedi 09 avril 2022 à 12:05) *
Sur l'Hermione on n'est pas en croisière, mais on travail comme de vrais marins.
On touche du doigt la marine du XVIIIe, l'apogée de la marine à voiles ! Et ça c'est quasi unique.
Mais ça demande quelques concessions de vie, se faire mal...


C'est bien de jouer au marin du 18eme, mais un peu trop rigide de se priver au 21eme de l'utilisation de gants de sécurité !

Je pense que l'on peut éventuellement exclure pour le fun les gants très épais comme dans le cas d'une coupe à la disqueuse.
Néanmoins, il existe des gants plus légers où l'on ne perd quasiment rien en "sensibilité de préhension",
mais qui offriraient cependant une légère protection qui à mon sens serait non négligeable...
(les marins pécheurs les portent bien sur un chalutier !) https://youtu.be/ZcqCOcx5zrI

Votre maitre d'équipage à la même responsabilisé qu'un chef de chantier vis à vis de ses ouvriers.
Vous avez signé une décharge pour ne pas suivre les lois relatives à la sécurité du travail ?
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2210

Sois doublement prudent et bon cap wink.gif

Ce message a été modifié par ybar - lundi 23 mai 2022 à 08:40.


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Lazuli
posté lundi 23 mai 2022 à 21:04
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Tempête

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Aaaah, mais en voilà une bonne question !

Alors je dirais que sur l'Hermione il n'y a qu'un poste où tu peux mettre des gants. Et une possibilité de mettre quelque chose sur tes mains.

Pourquoi pas de gants ?

- ça ne fait pas XVIIIe ?
- pour se la péter ?
- pour dire : "on est des durs" ?
- c'est moche ?
- ..... etc..

En fait rien de tout cela, mais bien pour la sécurité !!!
Et oui, les gants sont interdit pour la sécurité des marins, alors pas des pêcheurs, ou autres marins de la marine marchande ou militaire ou que sais-je. Juste sur l'Hermione.

L'Hermione à un gréement en chanvre (naturel) goudronné, et c'est justement ça qui fait que l'on ne porte pas de gants. Le goudron !
Le goudron colle, et le port du gant n'est donc pas compatible.
Il y a un risque non négligeable de lâcher prise (une main qui glisse ou lâche) un hauban, il ont très gros et quand on monte il faut avoir une très bonne prise du hauban (ou des autres manœuvre).

Le risque est que le gant reste collé et que la main qui lâche glisse dans le gant. Et sur un canot comme une frégate de 12, l'adage qui dit "une main pour le navire et une main pour toi" est totalement vrai ! La main qui travail doit avoir une confiance ABSOLUE en la main qui tient to corps. Si tu ne peux pas tenir car la main glisse dans le gant... Ce n'est pas une éventualité.

Il en est de même pour les manœuvres courantes et surtout celles débouchant d'un roué (poulie). Celui qui est devant la poulie à un très grand risque de ce faire happer un doigt (une main !) dans la poulie si ça lâche derrière, si tu as un gant, il se prend dans le réa et il emporte ta main, aucune chance de la retirer si le gant et pris. Un hunier c'est plusieurs tonnes à hisser, donc autant dire que si le doigt passe dans la poulie, la main suit et certainement le bras avec...

Donc NON, pas de gants sur un gréement chanvre goudronné.

Néanmoins, il est toléré les mitaines ! Mais ça ne protège en rien les doigts. Au mieux on peut lâcher devant la poulie avant que le bras n'y passe...

Le seul poste où le gant est admissible (voir très conseillé !) c'est à la barre. Barrer la nuit (avec parfois de la pluie) les mains dans une position haute est très compliqué. On se gèle littéralement les mains à en perdre toues sensations... Du coup on porte souvent des gants en néoprène de plongée.
(Il y a d'autre précautions de sécurités au poste de barre à respecter, comme le non port du harnais, l'interdiction d'un portable à proximité).

Quand aux responsabilités des chefs (officiers, maîtres, chefs de tiers et adjoints tiers), il faut savoir que l'Hermione est un navire de plaisance ! Et oui, comme le bateau de tout un chacun.

Alors bien sûr nous sommes dans la catégorie 1 (pas de limite de distance d'un abris à terre), et l'association qui affrète la frégate à armée le navire au niveau d'un cargo ou d'un bâtiment de guerre hauturier. Mais nous ne sommes pas obligé de le faire tant qu'on respect l'armement de la première catégorie.

Du coup, pour les gabiers (qui sont des VOLONTAIRES) il n'y a pas d'obligations particulières. Disons pas plus que si tu sort avec un bateau de plaisance de 15 mètres avec des potes.

Alors, bien sûr, un navire comme cette frégate est un milieu très très accidentogène. On est donc ultra briffé sur la sécurité (la sienne, celle des autres, sécu en général (incendie, voie d'eau, homme à la mer, évacuation total du navire, etc...). Nous avons un médecin urgentiste de l'extrême, des pompiers lourds, des officiers et pros formés et habilités pour tout un tas de choses, etc...)

On ne part pas non plus comme ça à la pêche au bar avec un verre à la main !

J'espère avoir répondue à ton questionnement.
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"On se rencontre, on se canonne, on se sépare et la mer n’en reste pas moins salée."
Comte de Maurepas, secrétaire d’État à la Marine de 1723 à 1749


Lazuli
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