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Forums Mille-Sabords.com _ Histoire et technique des sous-marins _ Du Gymnote au CƓlacanthe

Écrit par : <S639>AMAZONE jeudi 01 février 2018 Ă  22:10

Du Gymnote au Coelacanthe


Exposé traitant des sujets suivants :
- DiffĂ©rents Ă©tats d’un navire de guerre, de la construction, au service actif, et retrait
- GenÚse du sous-marin nucléaire français
- Programme Coelacanthe

Les diffĂ©rents Ă©tats d’un navire de la Marine Nationale

La vie d’un navire de guerre est marquĂ©e par une multitude d’étapes rĂ©glementaires, administratives et industrielles. Ce processus est caractĂ©risĂ© par son statut et son emploi.
S’agissant d’un bateau il est assujetti, pour parti aux rùglements nationaux et internationaux de la navigation en mer.
Un navire de guerre est aussi un matĂ©riel d’armement. Les Ă©tapes de sa carriĂšre, qui vont de l'expression du besoin au retrait du service, sont encadrĂ©es par une instruction gĂ©nĂ©rale.

Le navire de guerre se distingue de la plupart des matĂ©riels terrestres ou aĂ©riens par l’absence de prototype, le premier de la sĂ©rie joue ce rĂŽle. Les durĂ©es significatives de rĂ©alisation et d’armement, des sĂ©ries sont Ă©talĂ©es dans le temps. Il devra disposer d'un Ă©quipage pendant l'armement et les essais.

Les Acteurs

Etat-Major des Armées : EMA
Acteur principal devant définir le format des armées, de leur cohérence et de programmation.
Ayant la charge des opĂ©rations d’armement naval, il dĂ©lĂšgue gĂ©nĂ©ralement cette tĂąche Ă  l’état-major de la marine (EMM).

Etat-Major de la Marine : EMM
est en charge de la dĂ©finition du besoin capacitaire, afin de correspondre aux nĂ©cessitĂ© des opĂ©rations d’armements navals.

Direction gĂ©nĂ©rale de l’armement : DGA
La DGA a pour mission d'Ă©quiper les forces armĂ©es. En tant que maĂźtre d’ouvrage, elle est responsable de la conception, de l’acquisition et de l’évaluation des systĂšmes navals qui Ă©quipent la marine.

Commission permanente des programmes et des essais : CPPE
Une commission indĂ©pendante, dĂ©signĂ©e dĂšs 1938 comme « commission permanente d’essais » a pour nom aujourd’hui la commission permanente des programmes et des essais (CPPE).
Cette commission contrÎle la conformité techniques et la correspondance au besoin militaire.


De la rĂ©flexion Ă  l’élaboration du projet


L’instruction gĂ©nĂ©rale relative aux opĂ©rations d’armement
dĂ©taille les actions liĂ©es aux divers stades d’avancement de l’opĂ©ration, de l’initialisation jusqu’au retrait du service. Ce processus doit ĂȘtre adaptĂ© Ă  chaque type de bĂątiment, en fonction de ses caractĂ©ristiques, de son mode de construction, de son emploi, voire de sa destinĂ©e en fin de vie.

EMM s’appuie sur un officier de cohĂ©rence opĂ©rationnelle (OCEM) pour rĂ©diger un objectif d’état-major (OEM), document de premiĂšre analyse qui permet de dĂ©finir le besoin fonctionnel.
Une dĂ©lĂ©gation gĂ©nĂ©rale de l’armement Ă©tablit un coĂ»t prĂ©visionnel, et propose une stratĂ©gie contractuelle.
Des chargés de programme (DGA et EMM) définissent une spécification technique de besoin.
Enfin une Notification de MarchĂ© Public et contractĂ© avec l’Industrie.



Projet et Mise en Construction, du premier sous-marin à propulsion nucléaire français


L’idĂ©e avait Ă©tĂ© lancĂ©e en 1954, Pierre MendĂšs France y avait adhĂ©rĂ© lors d’un conseil interministĂ©riel qu’il nous fallait l’arme nuclĂ©aire. A cette Ă©poque il ne s’agissait pas encore de dissuasion mais d’adapter dans un premier temps un sous-marin Ă  la propulsion nuclĂ©aire. Les hauts responsables de la DĂ©fense Ă©taient divisĂ©s, les patrons des armĂ©es de l’Air et de Terre ne cachaient pas leur hostilitĂ© au principe tandis qu’au Conseil SupĂ©rieur de la Marine l’amiral Lemonnier bataillait avec les amiraux Barjot et Ortoli qui disaient que le sous-marin conventionnel avait encore de beaux jours devant lui. Et c’est l’atome qui l’emporta. Le premier projet se matĂ©rialisa sous la forme du prototype Q.244 Gymnote - 2 en rĂ©fĂ©rence au premier du nom. Il fĂ»t mis sur cale Ă  Cherbourg en 1956 et dĂ©passait en dimensions tout ce que l’on pouvait imaginer mĂȘme le « Surcouf » avec ses 3500 Tonnes.

Longueur : 109,5 mĂštres
DiamĂštre de la coque Ă©paisse : 8,50 mĂštres
Déplacement : 4400 tonnes en surface et 5400 tonnes en plongée
Vitesse maxi : 23 noeuds
Immersion maxi : 250 mĂštres
Autonomie espérée à la mer : 90 jours à puissance nominale.

Autres chiffres :
Long de 113,75 m, large de 11,70m, DĂ©placement 6500 Tonnes

C’était le prĂ©curseur des sous-marins Ă  venir. Ce sous-marin Ă©tait destinĂ© Ă  ĂȘtre armĂ© de torpilles (Huit Tubes et 20 torpilles de rĂ©serve) et Ă©ventuellement de missiles aĂ©rodynamiques. Il y eut aussi d’énormes problĂšmes Ă  rĂ©soudre et sur le plan technique, l’option retenue, par la force des choses, d’un rĂ©acteur Ă  uranium naturel et Ă  eau lourde conduisit Ă  une sorte d’aberration : la chaufferie rĂ©alisable ne rentrait pas dans le sous-marin.
La coque du Q.244 Gymnote - 2 resta donc à l’abandon à l’arsenal de Cherbourg avant qu’on ne l’utilise à des fins plus glorieuses.


Gymnote, Numéro de coque Q 244

Un numéro de coque correspond à un nom de projet. Ce nom est choisi bien en amont lors des expressions du besoin, des accords de principes et de la signature du programme naval.

Le dĂ©but de la construction est gĂ©nĂ©ralement marquĂ© par une succession d’évĂ©nements particuliers :
DĂ©finition d’un nom de projet, qui en principe sera dans la plus part des cas, celui utilisĂ© lors du « Lancement », et du NumĂ©ro de Coque suivant l’ordre du MaĂźtre d’Ouvrage : la Marine Nationale.
Le MaĂźtre d’Ɠuvre est chargĂ© du procĂ©dĂ© industriel de fabrication choisi.
Symboliquement, le dĂ©but de la construction peut-ĂȘtre la dĂ©coupe de la premiĂšre tĂŽle.

Exemple :
Cartouches des plans de réalisations des sous-marin (M6) Conquérant- Sfax-Casabianca


Suivant un programme naval N°153
Les sous-marins Q-171, Q-182, Q-183 ont dĂ©jĂ  leur nom attribuĂ© suivant les plans de rĂ©alisations du marchĂ© signĂ© Avril 1927 et actes additionnels 1929 – 1931
Je rappelle que le lancement du premier de cette sĂ©rie (Chantier de La Loire-St Nazaire) sera lancĂ© qu’en juin 1934
date du « BaptĂȘme ».

On peut Observer la mĂȘme chose concernant « ArchimĂšde » Q-142 Programme Naval 61 tranche 1925.
Mise en construction Fev. 1927 le nom apparaßt déjà sur les plans de réalisation.
Mise en cale Août 1927 et lancement seulement en Sept 1930. (CNF Caen)


Le Gymnote 2, numĂ©ro de coque Q-244, est mis sur cale le 2 juillet 1955 aux chantiers de la DCAN de Cherbourg. La construction est annulĂ©e ; faute de pouvoir fabriquer ou acheter de l'uranium enrichi en France. Le montage est arrĂȘtĂ© en 1958. Le submersible devait recevoir un rĂ©acteur Ă  uranium naturel et Ă  eau lourde. Le projet est dĂ©finitivement abandonnĂ© en 1959.
Par la Loi-programme du 6 décembre 1960, le submersible devient le sous-marin Gymnote 2 (Q-251), immatriculé S655
Autre source d’information :
Le Gymnote 2, numéro de coque Q-244, est mis sur cale en mars 1963 aux chantiers de la DCAN de Cherbourg.
Par la Loi-programme du 6 décembre 1960, le submersible devient le sous-marin Gymnote 2 (Q 251), immatriculé S655. Lancé le 17 mars 1964, il quitte Cherbourg en juin 1966 pour une période d'essais. Il est mis en service le 11 octobre 1966.
Sous-marin expérimental, il sert aux essais de lancement des missiles destinés aux futurs sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de la série du Redoutable. Pour ces essais, le Gymnote est équipé de 4 tubes verticaux lance-missiles. AprÚs 4 tirs de missiles type M 12 entre février et juillet 1967, il subit des transformations jusqu'au printemps 1968 afin de pouvoir tester les missiles M 013.
Venant de Lorient (Morbihan), il fait son retour à Cherbourg le 26 mai 1971 pour un carénage de huit mois au cours duquel il subit des modifications profondes. Il reprend ses essais ensuite.
Il est désarmé le 1er octobre 1986. Sa coque est démolie à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) en 1990.

Que faut-il retenir ?

Sous-Marin Gymnote 2 Q-244 Projet d’un SM Ă  propulsion nuclĂ©aire et mise en construction (cale) en juillet 1955.
Projet abandonné en 1958
Mais les tronçons conservent la mĂȘme appellation de projet, de N° de coque, et restent rĂ©pertoriĂ©s ainsi par la DCAN Cherbourg.
Pour les besoins d’opĂ©ration Coelacanthe un nouveau projet se dessine : le bateau expĂ©rimental lance-missiles Ă  propulsion classique, reprenant les tronçons inutilisĂ©s de l’ex sous-marin nuclĂ©aire.
Donc Re-mise en construction du Q-244 en Mars 1963.
Mais s’agissant d’un nouveau projet, il Ă©tait normal de promulguer une Loi-Programme le 6 DĂ©c 1960 afin de redĂ©finir le Nouveau N° de Coque tout en gardant l’appellation d’origine.

Le Gymnote Q-244, tel le Phoenix renaissant de ses cendres, revit en tant que Q-251.

J’ai dĂ©couvert le projet Gymnote Q244 par hasard, alors que j’arpentais les bureaux d’études de la DCAN Cherbourg, concernant le suivi de construction et essais durant les annĂ©es 70-80.

A suivre ...





Références :

Journal officiel (suivre les Ă©poques)
Loi-Programme Naval
Circulaires Marine Nationale
Archives DCAN (DCN)
commission permanente des programmes et des essais
Musée de la Mer
WikiManche (extrais Journal d’époque)
Plans service historique de la marine
Différent site Soumama, ColsBleus, NetMarine etc
Le sous-marin ArchimĂšde, 1932-1952, Axel Aboulker, Marines Eds.
.

Écrit par : DSM jeudi 01 février 2018 Ă  23:06

Merci pour cet article trÚs bien documenté. smile.gif

Écrit par : U 2518 vendredi 02 février 2018 Ă  17:46

particuliÚrement intéressant bien.gif

Écrit par : <S639>AMAZONE jeudi 08 février 2018 Ă  08:46

Les Ă©tapes de la vie d’un navire de guerre
Suite

Un bùtiment est dit « en construction » depuis sa mise en chantier jusqu'à la date du premier armement pour essais.
La rĂ©alisation d’un navire de guerre se distingue par l’absence de dĂ©monstrateur ou prototype, le premier de la sĂ©rie joue ce rĂŽle.
Sauf cas de nĂ©cessitĂ© absolue, le projet devra ĂȘtre menĂ© jusqu’à terme.



PremiĂšre Ă©tape de la construction du bĂątiment

La mise sur cale :


La construction est gĂ©nĂ©ralement liĂ©e au procĂ©dĂ© de fabrication en fonction des moyens de mise Ă  l’eau.
Durant les années cinquante, et plus tard aussi, dans les ateliers de la DCAN/ DCN, les tronçons formés de tÎles cintrées puis soudées étaient calés sur une rampe inclinée.
Dans ce schĂ©ma de construction, la coque est assez peu remplie au lancement du sous-marin. On y rentre essentiellement, avant de la refermer dĂ©finitivement par assemblage des tronçons, les gros ensembles qui ne pourraient pas pĂ©nĂ©trer ultĂ©rieurement par les brĂšches. Ces ouvertures, rondes ou rectangulaires, effectuĂ©es dans la coque Ă©paisse, permettent par la suite l’amĂ©nagement intĂ©rieur, et les entretiens ou rĂ©parations importants. Ces brĂšches sont obturĂ©es par des panneaux autoclaves boulonnĂ©s.


Un tronçon du Narval

Au cours de cette pĂ©riode, le navire reçoit un noyau d'Ă©quipage dĂ©signĂ© pour leur qualification. Il a la charge de suivre les travaux. Suivant l’avancement du chantier, un officier de marine, dĂ©signĂ© par le ministre de la dĂ©fense prend la direction de cet Ă©quipage. En principe il sera appelĂ© Ă  exercer le commandement du navire lorsqu'il entrera en armement pour essais »

En fonction de l’avancement du chantier, certains travaux sont rendus plus malaisĂ©s, voire impossibles, par l’inclinaison permanente de la cale. Une des consĂ©quences en est que l’on souhaite procĂ©der au lancement dĂšs que possible, afin de retrouver une position horizontale plus confortable.


Partie de coque Ă©paisse et ballasts (Narval)

Pendant la construction, la mise Ă  flot est le moment emblĂ©matique, qui consacre la naissance du navire. Cet instant Ă©tant liĂ© au processus industriel, n’est pas dĂ©taillĂ© par les textes officiels.
Cependant, il peut faire l’objet d’une cĂ©rĂ©monie particuliĂšre (Invitation d’hommes politiques, champagne, marraine). Le nom est officialisĂ© durant cette reprĂ©sentation.

Plus sĂ©rieusement, il permet d’apprĂ©hender sa flottabilitĂ© et son comportement afin d’ajuster le mĂ©tacentre diffĂ©rentiel (Relation entre centre de gravitĂ© et centre de carĂšne). Durant la pĂ©nĂ©tration dans l’eau et sa stabilisation il est filmĂ©, photographiĂ©. Cette observation est facilitĂ©e par des marquages sur la coque.

En France, depuis les années quatre-vingt-dix, ce mode opératoire est définitivement abandonné.

AprĂšs son lancement, le navire est Ă©chouĂ© dans un bassin, posĂ© sur une ligne de tins horizontale. Cet amĂ©nagement permet d’y mener les travaux de montage et d’armement, ainsi que les essais prĂ©liminaires au dĂ©part Ă  la mer.


Armement pour essais

Un bùtiment en construction passe dans la position « armé pour essais » lorsque les travaux sont assez avancés et permettent à l'équipage de vivre à bord.
Ceci n’est valable que pour les bñtiments de surface.
A ce stade, la viabilité est impossible à bord des sous-marins.
La base assure logement et bureaux pour l’équipage. L’équipe de service chargĂ©e de la suretĂ© et de la sĂ©curitĂ©, suit la bonne marche des travaux Ă  bords, rĂ©alisĂ©s par le personnel de la l’arsenal.



Essais préliminaires

Les essais préliminaires se déroulent pendant la période d'armement pour essais.

- Des essais prĂ©liminaires de certaines installations s’effectuent dans les ateliers avant montage, puis Ă  bords. Des vĂ©rifications et contrĂŽles nĂ©cessitent des procĂ©dures particuliĂšres : Gammagraphie des soudures concernant les organes importants.
Les essais machines et chaufferie nuclĂ©aire s’effectuent dans un premier temps Ă  l’aide d’une chaudiĂšre classique. AprĂšs embarquement du combustible, la premiĂšre « Divergence » est suivie d’essais d’extraction de puissance.
- L’ensemble des appendices de la coque tel que le sas passerelle, schnorchel, les aĂ©riens, les tubes lance torpilles / missiles, de mĂȘme l’appareillage sĂ©curitĂ© plongĂ©e sont vĂ©rifiĂ©s Ă©tanches et fonctionnels.

Les procĂšs-verbaux, signĂ©s par l’Arsenal et l’équipage en charge, sont consignĂ©s par la DGA et CPPE.
Ils se concluent par l'essai de prĂ©sentation aux essais officiels qui est destinĂ© Ă  montrer que les essais officiels Ă  la mer peuvent ĂȘtre entrepris.


Essais constructeurs Ă  la mer,
‱ Ils sont effectuĂ©s Ă  l’issue d’une revue de sĂ©curitĂ© maritime initiale (Ă©tablissement du rĂ©fĂ©rentiel), et la dĂ©livrance d’un titre civil provisoire de navigation, par une autoritĂ© compĂ©tente, gĂ©nĂ©ralement les Affaires Maritimes. La sanction des essais constructeurs est de la responsabilitĂ© du maĂźtre d'Ɠuvre industriel.
‱ Dans le cas d’un sous-marin, une plongĂ©e statique est rĂ©alisĂ©e afin de s’assurer de la concordance de la pesĂ©e avec la flottabilitĂ© calculĂ©e.


Essais réglementaires
‱ La sanction est de la responsabilitĂ© d’une sociĂ©tĂ© de classification. Du personnel Ă©tatique peut ĂȘtre prĂ©sent comme observateur.

Essais contractuels
‱ Le service prescripteur est un organisme Ă©tatique DGA et/ou CPPE, en assure le contrĂŽle, et notifie la rĂ©ception.

Essais officiels

‱ comprenant notamment des Ă©preuves d'endurance et de consommation de l'appareil propulsif, en particulier un essai Ă  la puissance maximale.


Le bĂątiment doit rĂ©pondre, en plus des caractĂ©ristiques techniques, aux critĂšres propres au besoin militaire. C’est l’objet de la vĂ©rification des caractĂ©ristiques militaires (VCM) par la CPPE, suivant un processus de qualification.
Le président de la CPPE, délégué du chef d'état-major de la marine (CEMM), délivre :
« L'octroi d’autorisation de naviguer des bĂątiments de la Marine Nationale relevant du chef d'Ă©tat-major de la marine, en tant qu'autoritĂ© du pavillon ».

Traversée de Longue Durée

A la fin de leur pĂ©riode d'armement, les bĂątiments exĂ©cutent une pĂ©riode Ă  la mer qui permet de vĂ©rifier la fiabilitĂ© et l'endurance des Ă©quipements dans des conditions variĂ©es, ainsi que la capacitĂ© d’intĂ©gration dans les forces.
« TraversĂ©e de Longue DurĂ©e depuis 2007 elle s’intitule « la phase 2 de la vĂ©rification des caractĂ©ristiques militaires » (VCM P2).
Une commission supĂ©rieure d'armement (CSA) se rĂ©unit en principe aprĂšs cette pĂ©riode pour prononcer l’admission au service actif.



Aprùs l’admission au service actif
Les positions des bĂątiments de la marine aprĂšs leur admission au service actif sont les suivantes :


‱ bñtiment en service :
‱ armĂ© : bĂątiment disponible, Ă©quipage au complet, prĂȘt Ă  remplir toute mission.
‱ IndisponibilitĂ© pour entretien : IE - (maintenance courante programmĂ©e)
‱ IndisponibilitĂ© pour entretien et rĂ©paration IPER - (Ă  caractĂšre plus important, curatifs ou prĂ©visionnels)
‱ en grande rĂ©paration : bĂątiment indisponible pour une durĂ©e limitĂ©e. (grand carĂ©nage ou refonte)
‱ en complĂ©ment : le matĂ©riel est disponible (Ă©ventuellement avec des rĂ©serves). Il dispose d’un effectif en personnel suffisant pour assurer l’entretien courant. Il peut ĂȘtre rĂ©armĂ© rapidement si besoin.
‱ en rĂ©serve

- normale » : Son utilisation n’est momentanĂ©ment pas envisagĂ©e, mais son rĂ©armement peut intervenir sans travaux importants, dans des dĂ©lais dĂ©terminĂ©s. Un noyau d’équipage avec un commandant peut rester affectĂ©.
- spĂ©ciale » : BĂątiment indisponible au matĂ©riel ; des travaux de longue durĂ©e (indĂ©terminĂ©e), seraient nĂ©cessaires pour le rendre disponible. Il n’y a normalement plus de personnel affectĂ© pour en assurer l’entretien.

‱ bĂątiment condamnĂ©: BĂątiment reconnu impropre Ă  toute utilisation militaire.





Retrait du service actif

Le « retrait du service actif » (RSA) marque l’arrĂȘt de l’emploi opĂ©rationnel d’une unitĂ©. Cette Ă©tape se situe en pratique, entre la position « armĂ© » d’un bĂątiment admis au service actif, et d'autres positions possibles d’une unitĂ© en service que sont « en complĂ©ment », « en rĂ©serve normale » et « en rĂ©serve spĂ©ciale ».



Retrait définitif du service

Le « retrait dĂ©finitif du service » (RDS) est un jalon officiel, qui est mentionnĂ© en 2007 dans une instruction, n’apparaissant pas dans l’instruction gĂ©nĂ©rale sur le dĂ©roulement des opĂ©rations d’armement.
Tout au plus un arrĂȘtĂ© prĂ©cise : « Lors de leur retrait dĂ©finitif du service, les bĂątiments sont condamnĂ©s ».
Ce qui revient Ă  dire que condamnation et RDS forme la mĂȘme Ă©tape, au temps administratif prĂšs.



Condamnation

La condamnation implique le choix d’un mode d'Ă©limination, dont le plus courant jusqu’au dĂ©but du XXIĂšme siĂšcle Ă©tait l’immersion du bĂątiment en haute mer, aprĂšs avoir servi de cible de tir. Cependant, pour des raisons de prĂ©servation de l’environnement, ce mode d’élimination dĂ©sormais est interdit par des accords internationaux. Un nouveau numĂ©ro de coque caractĂ©risant cet Ă©tat est attribuĂ©.



La DĂ©construction du Q 650, ex S655 Gymnote (Q 251)


Les navires reconnus impropres Ă  la navigation, doivent donc ĂȘtre cĂ©dĂ©s, vendus ou dĂ©molis. la modification pour usage en cas de services spĂ©ciaux, peut-ĂȘtre envisagĂ©e.
(Navire ou tronçons, destinĂ©s Ă  l’enseignement ou l’entrainement pour la lutte contre l’incendie etc).

Cession Ă  une marine Ă©trangĂšre
RĂ©utilisation au grĂ© de l’acquĂ©reur.

Remise au service des domaines
soit à des fins de vente sans réutilisation militaire,
soit avec obligation de dĂ©construction (depuis 2003 le terme dĂ©molition ou encore de ferraillage ne doit plus ĂȘtre utilisĂ©).


La vie d’un bateau n’est pas toujours un long fleuve tranquille.
Le lancement qui symbolise la naissance du navire par l’adoption dĂ©finitive d’un nom et d’une immatriculation Marine Nationale en fonction de son type, n’est qu’une Ă©tape dans l’ensemble des opĂ©rations menant de l’avant- projet Ă  la rĂ©alisation, puis des essais au service opĂ©rationnel.

A suivre ...
.

Écrit par : <S639>AMAZONE samedi 10 février 2018 Ă  20:39

RĂ©flexion au sujet de la construction du Q 244


Il s’agit d’une rĂ©flexion personnelle, donc par nature partiale. Certains la trouveront discutable et abrupte, mais elle ne devrait pas ĂȘtre repoussĂ©e sans considĂ©ration.



En prenant comme référence le colloque, « 1899 / 1999, un siÚcle de construction sous-marine »,
qui s’est tenu les 25 et 26 octobre 1999 à Cherbourg.
Lors d’une confĂ©rence :



l’intervenant, ancien responsable de l’ECAN Indret (Nantes), affectĂ© au DPN (CEA) Ă  partir de 1959 dĂ©clarait :

- « Le point fort de cette quĂȘte fut ma rencontre, courant juillet (ndr : annĂ©e 1958 ou 1959 ???), Ă  l'occasion d'un dĂ©jeuner Ă  la cantine de Saclay, avec Jean-Louis Andrieu, commandant rĂ©putĂ© de sous-marins, dĂ©signĂ© pour commander le Q 244. AprĂšs quelques Ă©tincelles, le courant passa, ce qui permit de constituer un tandem d'une efficacitĂ© redoutable, en rĂ©alisant une alliance Ă©troite et inĂ©dite entre les points de vue technique et opĂ©rationnel ».


Jean-Louis Andrieu : Commandant du sous-marin Marsouin en 1952.
En 1955, il était désigné pour suivre les travaux de construction du Q244, premier sous-marin nucléaire.

Instruit de la chose militaire, et rompu aux procĂ©dures en usage dans la Marine Nationale, il est aisĂ© de comprendre qu’un Ă©quipage sera affectĂ© Ă  un bĂątiment, et non pas Ă  une coque numĂ©rotĂ©e.


Dans ce mĂȘme colloque, un autre ancien responsable (DCAN) traitant de la « La reprise de la construction des Sous-Marins aprĂšs 1945 », disait :


- « De l'aventure Q 244 et de ses rĂ©percussions Ă  Cherbourg, je dirai peu de choses, car ce programme suivi par Devauchelle, qui y a laissĂ© une partie de sa santĂ©, Ă©tait entourĂ© d'un secret que je ne cherchais pas Ă  percer, ayant d'autres prĂ©occupations, pour moi prioritaires. Mes seules retombĂ©es ont Ă©tĂ© : - mon intervention en 1956 pour l'achat, tardif, d'une machine de cintrage des tĂŽles, car j'Ă©tais chargĂ© des bĂątiments en fer, - une concurrence assez exacerbĂ©e pour l'affectation des dessinateurs et du personnel de chantier, entre le Q 244, les DaphnĂ© et les ArĂ©thuse, heureusement et sagement arbitrĂ©e par Perrin, notre chef de section constructions neuves  ».



On peut soupçonner le secret qui enveloppait sa construction. Secret bien relatif, si on considùre que les locaux des dessinateurs avaient pignon sur les formes de construction, et que les ouvriers pouvaient circuler librement de l’une à l’autre.
Quand le projet fut abandonnĂ©, on dĂ©clara qu’il s’agissait d’un prototype, afin de justifier les fonds engloutis. On recouvrit ainsi d’un voile pudique ce chantier. Et pourtant, il n’y avait aucune honte Ă  avoir. Le projet, certes avec dĂ©lais supplĂ©mentaires, aurait pu aboutir Ă  condition de disposer Ă  ce moment-lĂ  de l’uranium enrichi. Nous aurions pu disposer de ce sous-marin expĂ©rimental Ă  propulsion nuclĂ©aire dĂšs les annĂ©es soixante.




Le nom Narval apparaßt sur cette photo datée de 1952 lors de la mise sur cale
Remarque : le N° de coque ne figure pas.



Sur ce cliché pris aprÚs la décision d'abandonner la construction, seul figure le N° de coque. Le lancement n'aura jamais lieu.
On remarquera l'état d'avancement, ce n'était pas un amas de ferraille oublié.


Le projet d’un « Sous-Marin Atomique », suivant la nomination de l’époque, Ă©tait inscrit dans un programme global dĂ©finissant l’utilisation du nuclĂ©aire pour la propulsion naval d’une part, mais aussi d’autre part, l’accession Ă  la « bombe atomique ».
Le projet Gymnote-Q244 ne fut jamais achevĂ© pour des raisons dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©es. Les travaux cessĂšrent en cours d’annĂ©e 1958. Probablement que le choix du nom Gymnote Ă©tait dĂ» Ă  une volontĂ© de confondre ce projet avec les constructions en cours. Pour la Marine Nationale, ce sous-marin n’a jamais existĂ© car jamais armĂ© ni basculĂ© au service actif.


A l’étranger, dans certains ouvrages spĂ©cialisĂ©s, on n’hĂ©site pas Ă  citer Q 244 associĂ© au nom Gymnote.
Die Politik der latenten Proliferation
MilitĂ€rische Nutzung “friedlicher” Kerntechnik in Westeuropa © 1994 Auteur: Roland Kollert,
Tableau page 255




Probablement que le nom « Gymnote » aurait été changé lors du « lancement », pour un plus évocateur en terme de puissance ou de reconnaissance. On a pu observer par la suite, de tels changements, alors que les réalisations étaient en cours.
Ce navire d’ailleurs n’existait pas, il Ă©tait gardĂ© secret, on l’a cachĂ© aux yeux du parlement, le financement de celui-ci faisait l’objet d’une procĂ©dure particuliĂšre gouvernementale. Le budget allouĂ© n’était pas soumis au Conseil Ă©conomique ni Ă  l’AssemblĂ©e ( 4Ăšme rĂ©publique).



Ces derniers points seront détaillés dans le prochain chapitre : « GenÚse du sous-marin nucléaire français ».


A suivre ...
.

Écrit par : Lazuli samedi 10 février 2018 Ă  22:00

Parfait me concernant !
Merci et vivement la suite. (Je ne connais que trop bien le travail que ça demande !)

Écrit par : <S639>AMAZONE dimanche 18 février 2018 Ă  20:13

GenÚse du sous-marin nucléaire français



Si les Etats Unis ont Ă©tĂ© les premiers Ă  accĂ©der Ă  l’énergie nuclĂ©aire, en produisant les premiĂšres « Bombes Atomique », c’est parce qu’elle a profitĂ© de certaines opportunitĂ©s. Elle a su protĂ©ger et favoriser pour son compte, les recherches de brillants scientifiques fuyant la guerre, l’occupation, un rĂ©gime dictatorial ou les persĂ©cutions Ă  cause de leur origine.
Mais il ne faudrait pas oublier que les plus grandes pages de « l’Histoire de l’Atome au NuclĂ©aire », ont Ă©tĂ© Ă©crites par des savants europĂ©ens, et certaines non des moindres par des Français.




De l’Atome antique à l’Atome quantique


Vers 450 avant J.-C., le philosophe grec DĂ©mocrite imagine que la matiĂšre est formĂ©e d'un assemblage de particules « insĂ©cables, impassibles et impĂ©rissables » : les atomes (du grec atomos : qui ne peut pas ĂȘtre coupĂ©). Il faut pourtant attendre le tout dĂ©but du XIXe siĂšcle pour que la thĂ©orie atomique soit enfin scientifiquement formulĂ©e.

Aristote philosophe grec IIIĂšme, siĂšcle avant JC conteste cette existence par la thĂ©orie dite des quatre Ă©lĂ©ments selon laquelle toute matiĂšre est faite des 4 substances indestructibles : eau, feu, air, terre. Son prestige est tel qu’il faut attendre un vingtaine de siĂšcles pour que l’idĂ©e atomiste soit Ă©voquĂ©e Ă  nouveau.
Au moyen-ùge, l'alchimie née des progrÚs de la métallurgie et de l'insuffisance de la théorie des 4 éléments, représente la diversité de la matiÚre. Le dessein de l'alchimie était d'obtenir la transmutation des métaux pauvre, le cuivre par exemple, en métaux nobles tels que l'or. La démarche de l'alchimie comme celle de l'astrologie établissait des liens symboliques qui unissaient le microcosme au macrocosme (monde des planÚtes). Par exemple, l'élément Plomb était associé à la planÚte Saturne. Les alchimistes développÚrent l'observation, l'expérimentation, la mesure et la classification des éléments: l'alchimie donne naissance à la chimie.


En 1805, John Dalton reprend l’hypothĂšse atomique. Il suppose que les atomes se combinent entre eux sans modification de leur nature : un atome d’oxygĂšne associĂ© Ă  deux atomes d’hydrogĂšne donne de l’eau tandis que deux atomes d’oxygĂšne associĂ©s Ă  un atome de carbone donnent du gaz carbonique. Contrairement Ă  DĂ©mocrite, ce savant ne diffĂ©rencie plus les atomes par leur forme mais par leur masse. Il voit les atomes comme des sphĂšres.


En 1869, le chimiste russe Dimitri Mendeleïev réalise un tableau qui classe tous les éléments chimiques alors connus d'aprÚs leurs propriétés chimiques. Ce tableau servira plus tard à classer méthodiquement tous les atomes naturels et artificiels, d'aprÚs leur numéro atomique, suivant leur nombre de protons.


1895 RÔNTGEN Conrad (Allemand), cherche l’origine de la lumiĂšre blafarde issue d’un tube cathodique. En interposant un carton entre le tube et l'Ă©cran fluorescent qui sert de dĂ©tecteur, le squelette de sa main apparaĂźt sur l’écran. Il venait de rĂ©aliser la premiĂšre radiographie. Cette invention va connaĂźtre trĂšs vite des applications mĂ©dicales.
Faute de comprendre encore la nature du phénomÚne, on parlera de rayons «X».


1896 BECQUEREL Henri (Français), cherche une explication à la fluorescence, propriété
de certains corps de restituer la lumiÚre. Les sels d'uranium font apparaßtre les corps, comme les rayons X, alors que nulle électricité ni lumiÚre ne sont appliquées. Il les appelle modestement «rayons uraniques».


en 1897 Thompson, découvre le premier composant de l'atome: l'électron, particule de charge électrique négative.
En 1904, il propose un premier modÚle d'atome, surnommé depuis "le pudding de Thompson" :
l’atome est une sphĂšre remplie d'une substance Ă©lectriquement positive et fourrĂ©e d'Ă©lectrons nĂ©gatifs "comme des raisins dans un cake".


1898 CURIE Pierre et marie (Français), Marie (SKLODOWSKA origine polonaise) effectue des recherches sur le rayonnement « X » de Becquerel. En manipulant du minerai d’uranium provenant de BohĂšme, elle dĂ©couvre que le thorium a les mĂȘmes propriĂ©tĂ©s que l’uranium. Mais ce minerai d'uranium est plus actif que l'uranium lui-mĂȘme. En compagnie de Pierre, ils vont isoler un premier Ă©lĂ©ment, auquel ils donneront le nom de polonium, puis un second encore plus actif : le radium. ParallĂšlement, ils Ă©tudient les diffĂ©rents types de rayonnements rencontrĂ©s. Pierre et Marie CURIE ont ainsi mis en Ă©vidence la propriĂ©tĂ© particuliĂšre de certains Ă©lĂ©ments : « la radioactivitĂ© ».


1903 Pierre et Marie Curie ainsi que Henri Becquerel reçoivent le prix Nobel de physique.


En 1912, Rutherford physicien néo-zélandais, découvre le noyau atomique. Son nouveau modÚle d'atome montre que sa charge électrique est positive, et que l'essentiel de sa masse est concentré en un noyau quasi-ponctuel.
Les Ă©lectrons de l'atome se dĂ©placent autour de ce noyau tels des planĂštes autour du Soleil, d'oĂč le nom de modĂšle d'atome planĂ©taire.
Rutherford comprend que le noyau est lui-mĂȘme composĂ© de nuclĂ©ons. Ces nuclĂ©ons sont de deux sortes:
- de charge positive, c'est un proton.
- de charge neutre, c'est un neutron
Le neutron sera effectivement découvert en 1932 par Chadwick.
Le modĂšle planĂ©taire de l'atome a un gros dĂ©faut. Les Ă©lectrons peuvent Ă©mettre de la lumiĂšre sous certaines conditions, dans une ampoule Ă©lectrique par exemple. Ils perdent alors de l'Ă©nergie et devraient donc se rapprocher du noyau jusqu'Ă  s'y Ă©craser. Un tel atome n’est donc pas stable.


en 1913 Niels Bohr crĂ©e un nouveau modĂšle d'atome: les orbites des Ă©lectrons ne sont pas quelconques mais "quantifiĂ©es". Seules certaines orbites particuliĂšres sont permises. Ce n'est que lorsque l’électron saute d'une orbite Ă  l'autre qu'il peut Ă©mettre ou absorber de la lumiĂšre (Photon).




Albert Einstein s'intéresse à cette théorie dÚs sa publication. Il cherche en vain, le lien traitant à la fois
mécanique classique et mécanique quantique. Le modÚle de Bohr est confirmé expérimentalement quelques années plus tard.

Anecdote :
En octobre 1927, Bohr rencontre pour la premiĂšre fois Albert Einstein avec qui il aura de trĂšs frĂ©quents entretiens jusqu'en 1935. Einstein dĂ©fend le caractĂšre provisoire de la thĂ©orie quantique et ne la considĂšre pas satisfaisante. Bohr, au contraire, considĂšre qu'il s'agit d'une thĂ©orie achevĂ©e. Lors d'un dĂ©bat, Bohr se disputait avec Einstein Ă  propos de la rĂ©alitĂ© de la physique quantique. À un moment donnĂ© Einstein, excĂ©dĂ©, jeta Ă  Niels Bohr :
- « Dieu ne joue pas aux dés ! », ce à quoi Bohr répondit :
- « Qui ĂȘtes-vous, Einstein, pour dire Ă  Dieu ce qu'il doit faire ? ».



VERS LA PHYSIQUE QUANTIQUE

Le modÚle de Bohr est le dernier modÚle obéissant à la physique classique, c'est-à-dire la physique qui explique les mouvements et les phénomÚnes existant à notre échelle humaine. Ces modÚles d'atomes sont donc faciles à comprendre et à se représenter. Ce modÚle est toujours proposé pour le grand public.

Eh bien ce modĂšle est faux !

A partir de 1925 un nouveau formalisme mathĂ©matique dĂ©montre qu'il est impossible de connaĂźtre en mĂȘme temps la vitesse et la position de l'Ă©lectron. On ne considĂšre plus l'Ă©lectron comme une petite boule, mais comme quelque chose qui serait Ă  l'origine d'un nuage appelĂ© nuage Ă©lectronique.
En 1932, la composition de l'atome sera définitivement établie. Le noyau apparaßt comme un assemblage de "grains de matiÚre" positifs et neutres, appelés respectivement "protons" et "neutrons", le tout baignant dans un nuage électronique.
A l'échelle atomique, de nouvelles lois s'appliquent. Ces lois appartiennent à une physique trÚs éloignée de nos concepts courant: la physique quantique.


La continuité scientifique

On peut s'étonner que les idées émergent, tantÎt dans un pays, tantÎt dans un autre, dans une continuité apparente. Il s'agissait de petits labos comprenant une poignée de chercheurs, installés dans des locaux modestes avec des équipements trÚs légers. La seule maniÚre de préserver l'antériorité d'une expérience, à des fins de récompense pour la découverte, est de publier un article dans une revue scientifique, dont s'emparent aussitÎt les concurrents pour tenter d'aller plus loin.



A suivre : L’épopĂ©e nuclĂ©aire en France de 1932 Ă  1939 ...

Écrit par : Lazuli mardi 20 février 2018 Ă  18:26

Rah ! Bien.
La suiiiite smile.gif

Écrit par : <S639>AMAZONE jeudi 22 février 2018 Ă  20:12


L’épopĂ©e nuclĂ©aire en France de 1932 Ă  1939



Avec les neutrons, les scientifiques disposent d'un «nouveau jouet », d'un nouveau projectile, qui prĂ©sente le grand avantage de ne pas ĂȘtre repoussĂ© par la charge Ă©lectrique du noyau, quand on essaie de l'atteindre.


La Physique Nucléaire va pouvoir commencer.

Les noms d'IrÚne et de Frédéric JOLIOT-CURIE resteront attachés à la radioactivité artificielle.
(IrÚne Curie, fille de Pierre et Marie Curie et mariée à F. Joliot)
Fin 1933, Ă  partir d'une expĂ©rience de bombardement d'une feuille d'aluminium par une source intense de polonium, ils mettent en Ă©vidence la production de phosphore 30 radioactif, isotope du phosphore 30 naturel. Cela signifie que l'on est capable de fabriquer par irradiation des Ă©lĂ©ments ayant les mĂȘmes propriĂ©tĂ©s que les Ă©lĂ©ments naturels, plus une : la radioactivitĂ©. L'isotope radioactif pourra ĂȘtre repĂ©rĂ©, lĂ  oĂč l'Ă©lĂ©ment naturel est indĂ©tectable. On voit rapidement toutes les applications qu'il est possible d'en tirer, notamment dans le domaine mĂ©dical. La scintigraphie de la thyroĂŻde, par exemple, est possible grĂące Ă  une injection d'iode radioactif, qui va, comme l'iode ordinaire, se concentrer dans la glande.

En 1935 la famille Curie complÚte sa collection de Prix Nobel par une distinction supplémentaire en 1935.


1938 : La Fission :
Lise MEITNER et Otto FRISCH, deux Autrichiens-Allemands exilés en SUEDE, qui trouvent en décembre 1938 l'explication capitale de l'énergie nucléaire : le phénomÚne de la Fission. Un neutron lancé contre 'un noyau d'uranium le fractionne en deux parties (Produits de Fission), en dégageant une quantité considérable d'énergie.



Défaut de masse = Energie Nucléaire (énergie de liaison des nucléons)
La fission du noyau entraĂźne une perte de masse de 1 % environ et l'on calcule que 50 milligrammes d’uranium produisent autant d’énergie que 1 tonne de TNT.



Trois DĂ©couvertes capitales


1934 Celle de l'Italien Enrico FERMI, constatant que les neutrons ralentis par un trajet dans la paraffine par exemple ont une efficacité beaucoup plus grande que les neutrons ordinaires. Résultat paradoxal qui s'explique par la physique quantique. Des matériaux ralentisseurs, «modérateurs », comme l'eau lourde, seront donc à prévoir dans les futures installations.

1939 (FĂ©vrier) Celle de Niels BOHR, en fĂ©vrier, qui met en Ă©vidence le fait que sur les deux isotopes contenus dans l'uranium naturel : U238 et U235, seul le second se prĂȘte Ă  la fission, on dit qu'il est «fissible». C'est hĂ©las le plus rare (0,72 % de l'uranium) ; d'oĂč l'intĂ©rĂȘt d'augmenter cette proportion pour obtenir un combustible plus rĂ©actif par des procĂ©dĂ©s d' « enrichissement » de l'uranium.


1939 (Avril) Celle enfin, et la plus essentielle, de Frédéric JOLIOT, Francis PERRIN, Lew KOWARSKI et Hans HALBAN, les quatre «Mousquetaires» français, qui publient, trÚs peu de temps avant leurs concurrents américains, un article dans la revue «NATURE» démontrant que la fission du noyau de l'uranium s'accompagne de l'émission de 3,5 neutrons (nombre ramené plus tard à 2,4) qui peuvent à leur tour fragmenter d'autres noyaux et ainsi de suite, par un phénomÚne de «réaction en chaßne».

Cette réaction en chaßne exponentielle pourrait générer en une fraction de seconde des énergies colossales.

LeĂł SzilĂĄrd scientifique hongrois, ayant travaillĂ© avec Einstein et connaissant les travaux des français, Ă©crivit une lettre Ă  Joliot le 2 fĂ©vrier 1939, pour lui signifier que la rĂ©alisation de telles bombes Ă©tait « extrĂȘmement dangereuse, plus particuliĂšrement entre les mains de certains gouvernements », et il demanda Ă  Joliot de cesser toute publication ouverte sur ce sujet. Quelques jours plus tard, le 14 fĂ©vrier, le physicien français adressa au ministĂšre de l’Armement une note secrĂšte de cinq pages dans laquelle il expliqua comment rĂ©aliser un engin explosif sur la base d’une rĂ©action en chaĂźne et traitant du « perfectionnement des charges explosives » classĂ© secret dĂ©fense.

Début mai 1939, pour protéger la propriété de ses travaux, Joliot, avec son équipe, déposa les trois célÚbres brevets. Ces brevets couvrent deux domaines importants qui touchent à la réalisation :
‱ des rĂ©acteurs nuclĂ©aires Ă©lectrogĂšnes
‱ d'armes nuclĂ©aires
On peut regretter que la guerre nous ait privés des retombées économiques de ces brevets.
Tout a été trouvé et tout reste à faire. La course à la réaction en chaßne est engagée.



LE TEMPS DE LA GUERRE 1939 – 1945

1939 (Eté)
L'Europe subit menaces et conflits. Les physiciens, habités par leur enthousiasme alors qu'ils se sentent si prÚs du but, veulent croire encore que la science poursuivra sa route selon ses propres critÚres. La guerre va tout emporter dans une autre logique.
Le 2 août, A. EINSTEIN écrit au Président ROOSEVELT pour alerter son attention sur les efforts déployés par l'Allemagne, pour la mise au point d'une arme nucléaire. Le 1er septembre, la guerre éclate on frémit à l'idée,
que les nazis peuvent ouvrir les hostilités en possession de la bombe.

En France, les «quatre mousquetaires» et leurs associés se mettent pourtant à l'ouvrage. Il s'agit d'abord de rassembler les éléments indispensables à la réalisation d'une installation expérimentale de réaction en chaßne :
une «pile atomique».
L'uranium est trouvĂ© auprĂšs de l'Union MiniĂšre du Haut Katanga au Congo sous forme d'un prĂȘt de 7 tonnes d'oxyde. Quant au modĂ©rateur, l'eau lourde, production exclusive de la StĂ© Norsk Hydro en NorvĂšge, il fait l'objet d'une Ăąpre compĂ©tition entre l’Allemagne et la France qui finira par l'emporter de haute lutte en s'appropriant le stock existant de 167 litres.

L'avance allemande vient bousculer tous les plans. Le Ministre de l'armement, Raoul DAUTRY demande à l'équipe française de se replier sur l'Angleterre, HALBAN et KOWARSKI la rejoignent le 18 juin 1940 avec le stock d'eau lourde. Joliot-Curie préfÚre rester au chevet de sa femme malade. Il tente de poursuivre ses recherches sur place ; il militera dans la résistance. Ainsi doit s'interrompre une entreprise que les Français avaient les meilleures chances de réussir les premiers.






Il revient à la Grande-Bretagne de prendre le relais, pour une courte période cependant. Des Physiciens allemands réfugiés en Angleterre démontrent la possibilité de fabriquer une bombe avec 5 kg d'U235 et le Comité MAUD chargé des applications militaires de la fission évalue à trois ans le temps nécessaire pour y parvenir. La réalisation d'un tel projet s'avÚre impossible dans un pays exposé à des bombardements incessants et qui doit consacrer toute son énergie à résister à un éventuel débarquement. L'initiative passe de l'autre cÎté de l'Atlantique.

Les États-Unis Ă©taient dĂ©jĂ  prĂ©parĂ©s Ă  cette Ă©ventualitĂ©. DĂšs octobre 1941, la fusion des recherches anglaises et amĂ©ricaines est proposĂ©e. Elle connaĂźtra des soubresauts, mais se maintiendra toujours. Le 7 dĂ©cembre 1941, les Japonais attaquent Pearl Harbor prĂ©cipitant les États-Unis dans la guerre. L'Ă©norme machine amĂ©ricaine se met en route et va Ă  marche forcĂ©e. L'Europe reste prĂ©sente Ă  travers l'Ă©quipe anglaise transfĂ©rĂ©e Ă  MontrĂ©al, elle-mĂȘme renforcĂ©e par les physiciens français passĂ©s en Angleterre, auxquels se sont joints des Ă©lĂ©ments de la France libre Bertrand GOLDSCHMIDT, qui en faisait partie, a retracĂ© cet Ă©pisode dans «l'Aventure Atomique».



MANHATTAN PROJECT


Ce n’est qu’au dĂ©but de l’annĂ©e 1942 que les États-Unis initiĂšrent un programme visant Ă  dĂ©velopper l’arme atomique. Cette dĂ©cision, notifiĂ©e par une instruction prĂ©sidentielle, fut prise peu aprĂšs l’entrĂ©e en guerre du pays suite Ă  l’attaque surprise de Pearl Harbour le 7 dĂ©cembre 1941. L’engagement du gouvernement amĂ©ricain dans le dĂ©veloppement de la bombe atomique se traduisit par le lancement le 16 aoĂ»t 1942 d’un vaste programme : le projet Manhattan, dont Robert OPPEHEIMER prendra la direction scientifique.

‱ EtĂ© 1942 : lancement d'Ă©tudes sur l'enrichissement de l'uranium.

‱ 2 dĂ©cembre 1942 : divergence (dĂ©marrage de la rĂ©action en chaĂźne) de la premiĂšre pile atomique Ă  Chicago,
Sous la direction de Enrico FERMI.

‱ Les annĂ©es 1943 et 44
voient la création et le développement de 3 grands sites :
- OAK RIDGE, dans le TENNESSEE, pour la production d'uranium,
- HANFORD, dans l'Etat de Washington, pour la production de plutonium,
- LOS ALAMOS, dans le Nouveau Mexique, pour la fabrication des armes et les essais nucléaires.

Les travaux menĂ©s dans ce cadre aboutirent Ă  l’explosion du premier engin le 16 juillet 1945 dans le dĂ©sert du Nouveau Mexique.


Les Français au Canada

Dans une semi-clandestinité les Français évoluent à Montréal et sont tenus au secret le plus absolu sur leurs activités, y compris vis-à-vis de leur gouvernement.

le 11 juillet 1944 Ă  Ottawa, dans une arriĂšre-salle isolĂ©e du siĂšge de la dĂ©lĂ©gation de la France libre, le français Jules GUERON, accompagnĂ© de deux autres compatriotes, Bertrand GOLDSCHMIDT et Pierre AUGER, rĂ©vĂ©lĂšrent au GĂ©nĂ©ral De GAULLE les perspectives de la fission et surtout les dĂ©veloppements en cours aux États-Unis pour la mise au point d’une bombe atomique, dont ils estimaient le succĂšs quasi certain. L’entretien dura seulement trois minutes. Le GĂ©nĂ©ral n’oubliera pas.

La prĂ©sence des scientifiques français au Canada permettra de rester dans la course et d'acquĂ©rir une expĂ©rience qui se rĂ©vĂšlera prĂ©cieuse par la suite. La participation de L. KOWARSKI Ă  la construction de la grande pile canadienne Ă  eau lourde de Chalk River, apportera toute l’expertise nĂ©cessaire Ă  la rĂ©alisation de la pile française ZOE, de mĂȘme concernant les travaux de B. GOLDCHMIDT sur l'extraction du plutonium.



L’aboutissement du programme amĂ©ricain conduira Ă  la fabrication des bombes:

‱ 16 juillet 1945 : premiĂšre explosion nuclĂ©aire expĂ©rimentale Ă  ALAMOGORDO

‱ 6 aoĂ»t 1945 : destruction d'HIROSHIMA par une bombe Ă  l'uranium 235

‱ 8 aoĂ»t 1945 : destruction de NAGASAKI par une bombe au plutonium




La Renaissance de l’activitĂ© nuclĂ©aire en France


PARIS est libéré en août 1944.
La FRANCE reprend peu à peu possession de son territoire. DÚs le mois de décembre 1944, HALBAN fait un aller et retour Montréal - Paris pour prendre contact avec JOLIOT à propos des brevets français. Fin 1945, la guerre terminée, les «Canadiens» retrouvent la « MÚre Patrie » et l'équipe se reconstitue tout naturellement autour de Frédéric JOLIOT-CURIE, dont le prestige demeure incontesté. Il a été nommé Directeur du CNRS.

A la tĂȘte de la France, le GĂ©nĂ©ral De GAULLE prĂ©side le gouvernement provisoire. L'une des premiĂšres dĂ©cisions est la crĂ©ation d'un organisme spĂ©cifique chargĂ© de dĂ©velopper les applications de l'Ă©nergie atomique. Cela met en Ă©vidence l'enjeu stratĂ©gique du nuclĂ©aire et les potentialitĂ©s qu'il laisse espĂ©rer dans le domaine de l'Ă©nergie.

L'Ordonnance du 18 octobre 1945 instituant le COMMISSARIAT A L' ENERGIE ATOMIQUE en fait une structure trĂšs originale parmi les Ă©tablissements publics français. Il est trĂšs proche du Gouvernement et pour ainsi dire mĂȘlĂ© Ă  lui. Son ComitĂ©, Ă©quivalent d'un Conseil d'Administration, est prĂ©sidĂ© par le Chef du Gouvernement lui-mĂȘme. Mais il dispose en mĂȘme temps d'une grande libertĂ© d'action et sa gestion est rĂ©gie par le droit privĂ©. Autre particularitĂ© : deux responsables se partagent la direction du CEA :

‱ Le Haut-Commissaire pour les questions scientifiques et techniques.

‱ L'Administrateur GĂ©nĂ©ral, dĂ©lĂ©guĂ© du Gouvernement, pour les attributions d'ordre administratif et financier.

Les deux premiers titulaires ne nous sont pas inconnus, puisqu'il s'agit de Frédéric JOLIOT-CURIE en qualité de Haut-Commissaire et de Raoul DAUTRY, l'ancien Ministre de l'Armement, pour le poste d'Administrateur Général. Ce sont, pourrait-on dire, des hommes du sérail. La route est libre pour reprendre l'entreprise interrompue.



A suivre ...






Références :

l’énergie nuclĂ©aire en France de 1895 Ă  nos jours - ConfĂ©rence tenue en Mars 2007. Alain MALLEVRE
Direction des applications militaires – C.E.A.
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Écrit par : DSM jeudi 22 février 2018 Ă  22:25

Passionnant smile.gif smile.gif smile.gif
Merci. wink.gif

Écrit par : <S639>AMAZONE mercredi 28 février 2018 Ă  23:35

La reconstruction de la France et le Programme Nucléaire



En 1945, Raoul DAUTRY, ministre de la reconstruction et de l'urbanisme informe le général De GAULLE, alors président du Gouvernement provisoire, que le nucléaire bénéficierait à la reconstruction ainsi qu'à la Défense Nationale.
Et de mĂȘme dĂ©clarait FrĂ©deric JOLIOT-CURIE :
- « je vous la ferai, mon général, votre bombe !»

L’euphorie de la victoire Ă©tant passĂ©e, les rĂ©alitĂ©s financiĂšres pour relever le pays, et les tiraillements politiques conduisirent Ă  une certaine amnĂ©sie concernant les engagements prononcĂ©s en faveur d’une France indĂ©pendante.
Le nuclĂ©aire militaire n’est plus une prioritĂ© :
- « je suis ministre de la reconstruction, pas de la destruction » dira Dautry.
Sous l’influence de JOLIOT, un mouvement pacifiste s’instaure au sein du CEA.
Le 28 avril 1950, JOLIOT-CURIE est rĂ©voquĂ© de son poste de haut-commissaire du CEA par Georges BIDAULT, prĂ©sident du Conseil. Il lui fut reprochĂ© sa forte implication dans la diffusion de « l’Appel de Stockholm » et aussi ses sympathies envers le P.C.F. alors caisse de rĂ©sonnance de l’U.R.S.S. en plein contexte de guerre froide. Il avait dĂ©clarĂ© au cours d'un meeting d'avril 1950 :
- « Les savants communistes et progressistes ne donneront pas une miette de leur savoir pour la bombe atomique ».




Premier Plan Quinquennal

Dans ce contexte, la France rĂ©alise un programme nuclĂ©aire civil. La divergence en 1948 de la premiĂšre pile atomique expĂ©rimentale française (baptisĂ©e « ZoĂ© » va permettre d’envisager dĂ©sormais le passage Ă  un stade industriel. Les travaux du CEA reçoivent alors une impulsion dĂ©cisive au niveau politique en la personne d’un jeune dĂ©putĂ©, FĂ©lix GAILLARD, que Bertrand GOLDCHMIDT a sensibilisĂ© aux questions nuclĂ©aires. NommĂ© en aoĂ»t 1951, trĂšs vite, il impose l’idĂ©e d’un plan nuclĂ©aire Ă  long terme. Ce plan quinquennal qui est votĂ© par le Parlement en 1952, sous le gouvernement d’Antoine PINAY prĂ©voit la construction de deux piles atomiques au graphite ainsi que l’usine d’extraction de plutonium correspondante, la prioritĂ© allant Ă  l’époque Ă  la voie de l’uranium naturel.
Si la finalitĂ© de ce plan est alors essentiellement civile, on a Ă  l’esprit que l’extraction du plutonium est sans prĂ©juger de la dĂ©cision finale, la volontĂ© de laisser ouverte la voie menant au programme militaire. SuccĂ©dant en 1951 Ă  DAUTRY comme administrateur gĂ©nĂ©ral, Pierre GUILLAUMAT tient fermement le cap dans cette direction en faisant front l’annĂ©e suivante Ă  une campagne de presse hostile Ă  « la dĂ©rive militariste » du CEA, puis en 1954 Ă  une manifestation pacifiste de grande ampleur au sein mĂȘme du Commissariat.



L’annĂ©e 1954 marque un tournant dĂ©cisif, un certain nombre de circonstances convergent en effet et posent opportunĂ©ment la question du lancement possible d’un programme nuclĂ©aire militaire proprement français :

‱ DiĂȘn BiĂȘn Phu : deux jours avant le dĂ©clenchement de l’offensive contre le camp retranchĂ© français, le ComitĂ© de la DĂ©fense nationale considĂšre le 11 mars 1954 que la question d’une intervention aĂ©rienne massive contre les Ă©lĂ©ments ViĂȘt-minh doit ĂȘtre posĂ©e aux autoritĂ©s amĂ©ricaines. Fin mars, un ComitĂ© de dĂ©fense restreint arrive Ă  la conclusion que seule une intervention militaire immĂ©diate, si possible nuclĂ©aire, est en mesure de sauver le contingent français. Du cĂŽtĂ© amĂ©ricain, on ne donne pas suite Ă  cette demande.

‱ La chute de DiĂȘn BiĂȘn Phu va produire un choc ; elle met en Ă©vidence les limites d’une alliance militaire incertaine avec Washington, mĂȘme s’il est exclu Ă  l’époque de mener une politique militaire indĂ©pendamment de l’alliĂ© amĂ©ricain.

‱ Dans une note adressĂ©e en mars 1954 Ă  RenĂ© PLEVEN, alors ministre de la DĂ©fense, le chef d’état-major gĂ©nĂ©ral des forces armĂ©es, le gĂ©nĂ©ral Paul ÉLY, souligne l’importance du potentiel nuclĂ©aire. Il estime que ce potentiel devient un critĂšre dĂ©terminant dans la dĂ©finition d’une « grande puissance ».
Les chefs d’état-major arrivent Ă  la conclusion que la France ne peut diffĂ©rer son effort dans le domaine des armes nuclĂ©aires sans risquer d’ĂȘtre devancĂ©e par d’autres puissances occidentales.

‱ « L’alerte CED » : le projet de traitĂ© relatif Ă  la CommunautĂ© europĂ©enne de dĂ©fense comporte une clause qui interdit aux États membres d’entreprendre en toute libertĂ© un programme atomique militaire. Pierre GUILLAUMAT s’emploie Ă  contrer vigoureusement la clause restrictive du projet de traitĂ© CED que le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres ne lui avait mĂȘme pas signalĂ©.

‱ Le gĂ©nĂ©ral De GAULLE sort de son silence et dĂ©clare en mars 1954 que si ce traitĂ© venait Ă  ĂȘtre ratifiĂ©, la France serait encore plus dĂ©pendante de ses alliĂ©s. Elle ne disposerait plus d’elle-mĂȘme, c’est-Ă -dire de sa propre armĂ©e et de l’accĂšs aux armements nuclĂ©aires. La menace tombe lorsque le Parlement rejette le traitĂ© CED en aoĂ»t 1954.

‱ Septembre-octobre 1954, le prĂ©sident du Conseil Pierre MENDES-FRANCE s’ingĂ©nie Ă  Ă©carter tous les obstacles juridiques et politiques qui prĂ©tendent encore interdire l’accĂšs de la France au « club atomique ». Ainsi, lors de la confĂ©rence de Londres, la France parvient Ă  obtenir un compromis qui ĂŽte toute contrainte dans ce domaine.




Programme militaire 
 Programme clandestin

Pierre MendĂšs France, prĂ©sident du Conseil de juin 1954 Ă  fĂ©vrier 1955, prend conscience du dĂ©calage existant dans les nĂ©gociations internationales (accords de Paris, nĂ©gociations sur le dĂ©sarmement Ă  l’ONU).

Six mois aprĂšs son arrivĂ©e au pouvoir, MendĂšs France va s’orienter rĂ©solument en direction d’un programme nuclĂ©aire militaire français en posant trĂšs vite la question de sa faisabilitĂ©. Il signe le 26 octobre 1954 un dĂ©cret secret crĂ©ant la Commission supĂ©rieure des applications militaires de l’énergie atomique CSAMEA, dont la mission est prĂ©cisĂ©ment de coordonner le futur programme nuclĂ©aire militaire. La prĂ©sidence du ComitĂ© des explosifs nuclĂ©aires CEN, crĂ©Ă© par un arrĂȘtĂ© secret le 4 novembre suivant, fut confiĂ©e au gĂ©nĂ©ral Jean CREPIN, alors secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral permanent de la DĂ©fense nationale.

Création du comité mixte armées-CEA
Yves ROCARD pour le CEA, et l’ingĂ©nieur en chef CHANSON pour les armĂ©es, sont chargĂ©s d’étudier le problĂšme du fonctionnement de l’arme nuclĂ©aire au plutonium suivant le programme arrĂȘtĂ© par le Gouvernement.

Le CEN (ComitĂ© des explosifs nuclĂ©aires) remet un projet au prĂ©sident du Conseil le 24 dĂ©cembre 1954, en expliquant que la rĂ©alisation d’un tel programme dĂ©pend :

‱ de la rĂ©alisation de deux rĂ©acteurs nuclĂ©aires susceptibles de produire 70 Ă  80 kg de plutonium par an,

‱ de la mise sur pied d’équipes scientifiques et techniques sous la responsabilitĂ© d’un Bureau d’études gĂ©nĂ©rales, BEG rattachĂ© au CEA,

‱ de la crĂ©ation d’un centre d’essais au Sahara, ainsi que d’un rĂ©seau de dĂ©tection permanente des essais.


DĂšs le 26 dĂ©cembre, Pierre MendĂšs France convoque une rĂ©union rassemblant une quarantaine d’experts pour faire le point. Les rĂ©vĂ©lations faites par le gĂ©nĂ©ral CREPIN lors d’un colloque en 1984 sont sans ambiguĂŻtĂ©s.
Il fallait prendre la décision :

‱ de lancer un programme de fabrication d’armes nuclĂ©aires et de sous-marins nuclĂ©aires ;

‱ la dĂ©cision serait gardĂ©e secrĂšte ;

‱ enfin le ministre de la DĂ©fense prĂ©senterait un projet de dĂ©cision devant le Conseil des ministres.


Mais, seule cette derniĂšre dĂ©cision n’allait pas avoir de suite, car le gouvernement MENDES-FRANCE fut renversĂ© quelques semaines plus tard. Toutefois, le 28 dĂ©cembre 1954, le BEG, ancĂȘtre de la Direction des applications militaires du CEA allait tracer la voie.



La propulsion navale nucléaire

Le Nautilus frappa les esprits en réussissant à parcourir, à des vitesses inconcevables pour un sous-marin conventionnel, une distance équivalente à deux fois et demie le tour de la terre tout en ne consommant que quelques kilogrammes du précieux uranium-235.

C'est à la suite de ce succÚs que furent conçus à partir des années 1955-1960 les premiers réacteurs à des fins civiles destinés à produire de l'électricité. Développés dans le cadre du programme Atoms for Peace du Président Eisenhower (1953), ils sont les héritiers des prototypes de réacteurs de propulsion navale.



Programme Q 244

Le sous-marin « atomique »Français devait ĂȘtre armĂ© de huit tubes et 20 torpilles de rĂ©serve et Ă©ventuellement de missiles aĂ©rodynamiques. La dĂ©finition du besoin militaire, Ă©tablissait alors l’étude de la faisabilitĂ© des missiles Ă  explosif « nuclĂ©aire ». Il Ă©tait question d’armes tactiques, dont la mise en Ɠuvre pourrait se faire par des rampes escamotables soit dans les superstructures soit sous le pont.
Lors de la mise en chantier, le nom Gymnote Ă©tait retenu. Sauf autre considĂ©ration de reconnaissance historique, ou d’alĂ©as techniques, le lancement aurait eu lieu sous cette appellation. Et encore rien de sĂ»r, car comme nous le verrons plus tard, le changement peut aussi ce faire aprĂšs lancement, en le rebaptisant. Nous pourrions citer bien des exemples, comme celui des sous-marins construits durant cette pĂ©riode :
*** lorsque le ministre a dĂ©cidĂ© de donner des noms aux deux premiers sous-marins de Type 400 t dĂ©signĂ©s alors par leurs numĂ©ros de coque Q 235 et Q 236, sans doute mal conseillĂ©, il les a appelĂ©s Argonaute et ArĂ©thuse. Quelqu'un a alors fait remarquer qu'il y avait dĂ©jĂ  un type Argonaute. En vertu de l’infaillibilitĂ© du pouvoir, une dĂ©cision complĂ©mentaire a Ă©tĂ© prise: les sous-marins seront du type ArĂ©thuse. Aujourd'hui encore, il existe une confusion entre les deux noms et l'histoire de ces bĂątiments. A la page 225 du livre de Henri Le Masson, on peut lire «avant que l'ArĂ©thuse n'entre en service en octobre 1958». Et bien non, ce n'Ă©tait pas l'ArĂ©thuse, mais l'Argonaute.


Le Type de Réacteur Nucléaire 
 un mauvais choix

Il y avait d’énormes problĂšmes Ă  rĂ©soudre sur le plan technique, l’option retenue pour la propulsion, par la force des choses afin de garder toute indĂ©pendance, Ă©tait un rĂ©acteur Ă  uranium naturel et Ă  eau lourde. Les amĂ©ricains dĂ©sireux de garder toute suprĂ©matie avec leur « Nautilus » refusait d’accorder la moindre coopĂ©ration, concernant les rĂ©acteurs Ă  uranium enrichi.

Le phénomÚne de réaction en chaßne est utilisé dans les réacteurs et les armes nucléaires pour générer un grand nombre de fissions. Dans un réacteur la propagation des fissions se fait d'une maniÚre contrÎlée, dans une arme nucléaire d'une façon incontrÎlée, explosive.

La fission de l'uranium 235 (U 5) produit 2,47 neutrons éjectés à grande énergie. Ils sont « Rapides ».
Le nombre de neutrons disponibles pour de nouvelles fissions dépend :
‱ de l'abondance des noyaux fissiles
‱ des pertes dues aux neutrons qui quittent le cƓur du rĂ©acteur
‱ d'autres noyaux (matĂ©riaux) « neutrophages et stĂ©riles ».

Le fonctionnement d'un rĂ©acteur utilisant l'uranium naturel est dĂ©licat, car ce dernier ne contient qu'une faible proportion - 0,70 % - d'uranium 235 le reste Ă©tant de l’uranium 238 (U 8).

La probabilité de fission est fonction de l'énergie du neutron capturé.
Pour l'uranium 235, elle est maximale avec des neutrons de trÚs basse énergie, dit neutrons thermiques. Il faut ralentir les neutrons le plus vite possible, pour éviter qu'ils soient capturés en route par d'autres noyaux et donc perdus. A cet effet, les matiÚres fissiles sont mises en présence d'un milieu ralentisseur (eau ou graphite), appelé «modérateur».
Pour les rĂ©acteurs Ă  U naturel, l’eau (H2O) a l’inconvĂ©nient d’avoir un rapport «Captures Neutrophages» et «Thermalisation», dĂ©favorable pour entretenir la criticitĂ©. L’Eau Lourde (D2O), ayant l’isotope deutĂ©rium favorise d’avantage le bilan neutronique.

‱ InconvĂ©nients du rĂ©acteur U naturel :
Le cƓur d’un tel rĂ©acteur nĂ©cessite un volume prohibitif pour une coque de sous-marin.
La conduite d’un tel rĂ©acteur ne correspond pas aux nĂ©cessitĂ©s militaires pour la propulsion.

‱ Avantages :
Combustible facile Ă  rĂ©aliser en Ă©vitant l’enrichissement en U 5.
U 8 (uranium 238 présent à 99,7 %), certes « non fissile », est « Fertile »




La transformation d'un noyau fertile en un noyau fissile : plutonium-239

L'uranium-238 constitue plus de 99 % de l'uranium prĂ©sent dans le cƓur des rĂ©acteurs Ă  U Nat. Il participe marginalement Ă  la rĂ©action en chaĂźne.
Par capture d'un neutron, il se transforme en noyau de plutonium 239 (Pu 9) qui subira une fission s'il capte Ă  son tour un neutron Rapide.
D'une certaine façon, l' U 8 fissionne à retardement avec intermédiaires. Il génÚre du combustible sous forme de noyaux fissiles : il est dit fertile.




Le fait de disposer ainsi du Plutonium, aprĂšs sĂ©paration et traitement du « combustible irradiĂ© », confortait ce choix de rĂ©acteur Ă  U Nat. On disposait alors d’une importante production de plutonium pour la fabrication des bombes.


Peut-on penser que les volontés « pacifistes » des sommités scientifiques, aient quelque peu embrouillé la recherche ?
Pourquoi avoir imposé la filiÚre uranium naturel ?

‱ Rappelons-nous, en 1934 l'Italien Enrico FERMI, constatait que les neutrons ralentis par un trajet dans la paraffine ont une efficacitĂ© beaucoup plus grande que les neutrons ordinaires (Rapides). RĂ©sultat, des matĂ©riaux ralentisseurs «modĂ©rateurs », seront donc Ă  prĂ©voir dans les futures installations.
‱ GrĂące Ă  l’uranium 235 isolĂ© par NIER, John DUNNING put en mesurer le 2 mars 1940 la section efficace de fission par neutrons lents, et confirmer qu’il Ă©tait le seul fissile comme l’avaient prĂ©vu BOHR et WHEELER.
‱ Les amĂ©ricains se sont donnĂ© la capacitĂ© industrielle d’enrichir l’uranium en U-5 pour leurs rĂ©acteurs, et cela en moins de dix ans aprĂšs la divergence de la premiĂšre pile de Chicago sous la direction de FERMI.




N’étions-nous pas les premiers dans ce domaine ?

En mai 1939, FrĂ©dĂ©ric JOLIOT, prix Nobel de Physique 1935 avec sa femme IrĂšne Curie (elle-mĂȘme fille des prix Nobel 1903 Pierre et Marie Curie), dĂ©pose, avec son Ă©quipe du CollĂšge de France trois brevets portant sur l’utilisation de l’énergie nuclĂ©aire. IntitulĂ©s :
‱ Dispositif de production d’énergie,
‱ ProcĂ©dĂ©s de stabilisation d’un dispositif de production d’énergie,
‱ Perfectionnement aux charges explosives.


Ces brevets reposent sur le mécanisme de fission nucléaire découvert quelques mois auparavant par des chercheurs autrichiens.
(Voir page prĂ©cĂ©dente 
 L’épopĂ©e nuclĂ©aire en France de 1932 Ă  1939 
 Lise MEITNER et Otto FRISCH)

Le contrĂŽle ou non de cette « rĂ©action en chaine », dont l’équipe du CollĂšge de France a l’intuition la premiĂšre, est le fondement des « brevets JOLIOT » qui portent sur l’exploitation de cette Ă©nergie d’origine nuclĂ©aire.

‱ Deux brevets supplĂ©mentaires sont dĂ©posĂ©s dĂ©but 1940, portant sur l’enrichissement de l’uranium U-5 et sur la gĂ©omĂ©trie des «modĂ©rateurs», matĂ©riaux permettant le contrĂŽle des rĂ©actions nuclĂ©aires.


Au dĂ©but de la guerre, deux collaborateurs de F. JOLIOT, codĂ©tenteurs des brevets fondamentaux, se rĂ©fugient Ă  Londres oĂč ils prennent contacts avec les autoritĂ©s gĂ©rant la question nuclĂ©aire sur fond d’exploitation offensive de la fission. Ils y dĂ©posent Ă©galement de nouveaux brevets en 1940 et 1942, et nĂ©gocient des accords avec les autoritĂ©s anglaises.
Au sortir de la guerre, la propriĂ©tĂ© des brevets initiaux est transfĂ©rĂ©e au CEA, crĂ©Ă© trois mois aprĂšs Hiroshima et Nagasaki, qui entreprend des nĂ©gociations avec les autoritĂ©s nuclĂ©aires anglaises. Si un accord partiel est courtoisement conclu dĂšs 1948, certains aspects ou prolongements des accords traineront encore jusqu’en 1960.

Aux États-Unis, la question prend une autre tournure.
Les brevets originaux sont rejetĂ©s en novembre 1941 pour insuffisance de description des dispositifs envisagĂ©s. La loi amĂ©ricaine enregistre des inventions exploitables, pas de simples idĂ©es. Dans un contexte de communication dĂ©jĂ  difficile avec la France occupĂ©e, la mise au secret Ă  partir de 1942 et jusqu’en 1949 de tout ce qui touche Ă  l’énergie nuclĂ©aire aux USA verrouille toute revendication française sur ces brevets. Plus encore en 1946 l’Atomic Energy Act interdit aux États-Unis tout brevet liĂ© Ă  des matiĂšres fissiles, et mĂȘme tout Ă©change d’information sur ce sujet.

Les dĂ©marches françaises ne reprennent qu’en 1954 avec l’assouplissement des rĂšgles amĂ©ricaines sur le nuclĂ©aire et l’ouverture par le CEA de deux procĂ©dures parallĂšles, potentiellement contradictoires, cherchant en mĂȘme temps Ă  faire reconnaĂźtre ses brevets et Ă  se faire indemniser de maniĂšre forfaitaire pour leur utilisation pendant la guerre. Jusqu’au dĂ©but des annĂ©es 60 la situation parait complĂštement bloquĂ©e, mais Ă  partir de 1963, les choses s’arrangent progressivement.


En 1968, l’antĂ©rioritĂ© française des dĂ©couvertes fondamentales dans les technologies nuclĂ©aires est reconnue officiellement lors d’une cĂ©rĂ©monie Ă  Washington Un «dĂ©dommagement» de 35 000 $ est consenti pour les inventeurs dont deux sont dĂ©cĂ©dĂ©s entretemps, somme dĂ©risoire sans aucune commune mesure avec les frais de justice engagĂ©s.

Le CEA n’avait pas assez de volontĂ© pour crĂ©er les structures nĂ©cessaires Ă  l’enrichissement en isotopes U-235, hĂ©las la seule voie possible, dans ce contexte technologique, d’aboutir Ă  une chaudiĂšre nuclĂ©aire acceptable pour la propulsion navale.


Quoi qu’il en soit, les ingĂ©nieurs français ont fait avec ce qu’ils disposaient.


Dans le gouvernement d’Edgar FAURE (FĂ©vrier 1955-FĂ©vrier 1956), afin d’assurer la pĂ©rennitĂ© de ce programme et la cohĂ©sion des travaux entre le CEA et les armĂ©es, des protocoles entre les diffĂ©rentes parties sont mis en place. Le premier est signĂ© le 20 Mai 1955 par Gaston PALEWSKI, le gĂ©nĂ©ral KƒNIG et le ministre des Finances.
Ce protocole qui couvre la pĂ©riode 1955-1957, donne au plan quinquennal de 1952 la connotation militaire qu’il n’avait pas jusque-lĂ .

Le sous-marin Q-244 (Gymnote) faisait bien partie d’un programme militaire, lui-mĂȘme inscrit dans un programme « nuclĂ©aire ».





A suivre 







*** Aréhuse Argonaute

.

Écrit par : U 2518 jeudi 01 mars 2018 Ă  18:28

Un dossier sur le "Nuc" passionnant, chaque chapitre est une découverte.

Écrit par : DSM jeudi 01 mars 2018 Ă  20:21

Toujours aussi passionnant, quel travail de recherche et documentation bien.gif , le résultat est clair, facile a comprendre et trÚs instructif. smile.gif

Écrit par : Lazuli samedi 03 mars 2018 Ă  14:36

ça c'est du doc. Quand Amaz' l'aura fini, il faudra le compiler sur un PDF.

Merci Amazone smile.gif

Écrit par : <S639>AMAZONE mardi 06 mars 2018 Ă  20:13

Equilibre Est-Ouest



AprĂšs le succĂšs en 1949 de la premiĂšre bombe atomique de l’U.R.S.S., KHROUCHTCHEV, successeur de STALINE Ă  partir de 1953, dĂ©cide de changer de tactique. Il propose la mise en place d'une coexistence pacifique. S'il s'agit de gagner du temps pour renforcer son pays, il veut Ă©galement sĂ©duire les pays du tiers-monde en leur donnant une image positive. Leader du bloc de l'Est, l'URSS deviendrait une rĂ©fĂ©rence pour les pays du Sud. Pour rĂ©ussir, KHROUCHTCHEV engage des rĂ©formes (la dĂ©stalinisation) et donne la prioritĂ© Ă  des projets prestigieux comme le programme des missiles balistiques, la conquĂȘte de l'espace.
Les Russes se montrent ainsi capables de faire mieux que les Américains.
La « coexistence pacifique » apaise les relations Est-Ouest. Les deux grands trouvent des terrains d'entente et jouent les arbitres dans de nombreux conflits.




La continuité sous la IVÚme République


La continuitĂ© du programme militaire dans l’instabilitĂ© de la IVĂšme RĂ©publique,
Pourrait-ĂȘtre un oxymore surprenant.


Mais la IVe RĂ©publique Ă©tait quelque peu tempĂ©rĂ©e par le faible renouvellement du personnel politique, quand ce n’était pas un jeu de «chaise musicale», dans la continuitĂ© des fonctions sous divers cabinets ministĂ©riels.
On citera notamment :

- Raoul DAUTRY, administrateur général du CEA de 1945 à 1951,
- Félix GAILLARD, chargé de suivre le dossier nucléaire sous trois gouvernements avant de diriger le sien,
- René PLEVEN, ministre de la Défense sous trois gouvernements successifs (de mars 1952 à juin 1954) et président du Conseil à deux reprises,
- Maurice BOURGES- MAUNOURY, secrĂ©taire d’État Ă  la prĂ©sidence du Conseil, ministre de l’Armement, ministre de la DĂ©fense Ă  plusieurs reprises et prĂ©sident du Conseil.


Il est Ă©tonnant de voir les contradictions, entre les discours fortement teintĂ©s de pacifisme de certains responsables politiques de la IVe RĂ©publique, au sujet de l’arme atomique et les actions qu’ils mĂšnent dans ce domaine lorsqu’ils accĂšdent au pouvoir. On vient de voir les actions entreprises sous le gouvernement Edgar Faure par PALEWSKi et KƒNIG, deux proches du gĂ©nĂ©ral de GAULLE. Il en va de mĂȘme de Guy MOLLET, prĂ©sident du Conseil de fĂ©vrier 1956 Ă  juin 1957, qui de surcroĂźt va bĂ©nĂ©ficier de la durĂ©e. Il prend acte de la situation internationale pour faire Ă©voluer sa position. Il s’efforce une fois arrivĂ© au pouvoir de faire respecter le rang de la France dans les nĂ©gociations internationales en donnant une nouvelle impulsion au programme atomique militaire.



Deux événements décisifs conduisirent à cette orientation politique :

‱ L’«Alerte EURATOM» : en juillet 1956, lors du dĂ©bat Ă  l’AssemblĂ©e nationale sur l’EURATOM (la CommunautĂ© europĂ©enne de l’énergie atomique).

‱ La crise de Suez (octobre-novembre 1956) va, comme pour DiĂȘn BiĂȘn PhĂ», prĂ©cipiter les dĂ©cisions, en dĂ©montrant une fois de plus les limites de l’alliance.



Alerte Euratom

Guy Mollet engage la France à ne pas faire exploser de bombe atomique avant 1961, le temps de constater les répercussions de ce moratoire sur le plan international.
Mais, il ajoute que rien, pas mĂȘme EURATOM, ne peut interdire Ă  la France «d’orienter au moment qu’elle jugerait opportun, avant mĂȘme la fin du moratoire, une partie de son plan national d’équipement atomique vers des rĂ©alisations susceptibles d’ĂȘtre affectĂ© ultĂ©rieurement Ă  des fins militaires».
Comme pour l’affaire de la CED, le gouvernement s’efforce de ne pas se lier les mains par des accords internationaux. GrĂące Ă  l’insistance de Maurice BOURGES-MAUNOURY, ministre de la DĂ©fense, et de Jacques CHABAN-DELMAS, ministre d’État (un proche Ă©galement du gĂ©nĂ©ral de Gaulle), un compromis est trouvĂ© spĂ©cifiant qu’à l’issue du moratoire, le dĂ©veloppement par un pays d’un programme nuclĂ©aire militaire serait sujet Ă  la simple consultation des États membres de l’EURATOM et non Ă  leur approbation.


La crise de Suez

Le Canal de Suez a Ă©tĂ© financĂ© par la France et le gouvernement Ă©gyptien. Le Royaume-Uni racheta ensuite la part de l'Égypte.
Durant l'annĂ©e 1956, la tension s'accroĂźt entre IsraĂ«l et l'Égypte avec les raids menĂ©s par les combattants Fedayin palestiniens sur le territoire israĂ©lien. L'Égypte, dirigĂ©e par Gamal Abdel NASSER, bloque le golfe d'Aqaba et ferme le canal de Suez aux navires israĂ©liens.
Lorsque NASSER dĂ©cide de reconnaĂźtre la Chine communiste, les États-Unis se retirent du financement du barrage d'Assouan, le 19 juillet.
En rĂ©ponse Ă  ce retrait, l'Égypte, unilatĂ©ralement, dĂ©cide de nationaliser le canal de Suez, voie commerciale vitale pour le pĂ©trole, alors dĂ©tenue Ă  45?% par l'Ă©conomie franco-britannique. La compagnie riposte par le retrait de ses techniciens britanniques et français.

La France et la Grande-Bretagne prĂ©parent une opĂ©ration militaire d’envergure, baptisĂ©e «Musketeer» (Mousquetaire), pour les Anglais et «OpĂ©ration 700» pour les Français. La mission est de reprendre le contrĂŽle du canal. Le plan prĂ©voit Ă©galement une offensive israĂ©lienne contre l’Égypte qui dĂ©bute le 29 octobre.

Les États-Unis, en pĂ©riode Ă©lectorale ne tiennent pas Ă  voir Ă©clater un nouveau conflit.

La menace soviétique :
Au moment oĂč l'armĂ©e israĂ©lienne s'empare de la presqu'Ăźle du SinaĂŻ et atteint le canal de Suez, une mise en garde trĂšs ferme de l'Union soviĂ©tique stoppe l'offensive. IsraĂ«l doit se replier sur ses frontiĂšres de 1949.
L'URSS menace la France, le Royaume-Uni et Israël d'une riposte nucléaire.
L'OTAN rappelle Ă  l'URSS qu'elle riposterait en ce cas.
Les États-Unis, passifs jusque-lĂ , exigent le retrait des forces occidentales pour dĂ©samorcer la crise.

En dĂ©montrant une fois de plus les limites de l’alliance avec les États-Unis, au moment crucial oĂč l’Union soviĂ©tique menace de recourir Ă  une frappe nuclĂ©aire si la France et la Grande-Bretagne ne se retirent pas d’Égypte, la garantie amĂ©ricaine vis-Ă -vis de ses deux alliĂ©s de l’OTAN se rĂ©vĂšle dĂ©faillante. L’annĂ©e suivante, la crĂ©dibilitĂ© du « parapluie amĂ©ricain » est de nouveau mise Ă  mal avec le lancement du premier missile intercontinental soviĂ©tique et la mise en orbite du premier satellite artificiel.




Confirmation du Programme Atomique Français

Dans ce contexte, un nouveau protocole est signĂ© le 30 novembre 1956 entre le ministre de la DĂ©fense, Maurice BOURGES-MAUNOURY et Georges GUILLE, alors secrĂ©taire d’État Ă  la prĂ©sidence du Conseil chargĂ© de l’énergie atomique, afin de rĂ©partir les tĂąches entre le CEA et les armĂ©es pour la pĂ©riode 1957-1961.
Le 18 mars 1957, une décision commune du ministre des Armées et du CEA créée un groupe mixte armées-CEA des expérimentations nucléaires.

Comme la rĂ©alisation de la chaufferie nuclĂ©aire du Q-244 ne semblait pas aboutir, il Ă©tait nĂ©cessaire de se concentrer sur le vecteur le plus probable d’une arme atomique : le Bombardier. Les premiĂšres commandes d’avion bombardier * Mirage IV * sont en effet passĂ©es aux Avions Marcel Dassault dĂšs avril 1957.

Le prĂ©sident du Conseil Maurice BOURGES-MAUNOURY, fervent partisan de l’arme nuclĂ©aire, fait voter par le Parlement le deuxiĂšme plan quinquennal de l’énergie atomique en juillet 1957. Ce plan va permettre au CEA de dĂ©velopper ses travaux dans le domaine de la sĂ©paration isotopique, avec comme objectif de doter le pays de combustibles, uranium enrichi en U-235 pour la propulsion de sous-marins et permettre Ă  la France l’accĂšs au domaine thermonuclĂ©aire. Le mĂȘme mois, il est dĂ©cidĂ© d’implanter dans le Sahara algĂ©rien, Ă  Reggane le centre d’expĂ©rimentation, Ă  environ 700 kilomĂštres au Sud de Colomb BĂ©chard. Les armĂ©es Ă©tant chargĂ©es de diriger sur le terrain la prĂ©paration et l’exĂ©cution des essais nuclĂ©aires. Puis, sous le gouvernement de FĂ©lix GAILLARD (novembre 1957-mai 1958), elles commencent Ă  amĂ©nager le site des expĂ©rimentations.




En tant que commandant interarmĂ©es des armes spĂ©ciales, le gĂ©nĂ©ral AILLERET devient, Ă  partir de fĂ©vrier 1958, le responsable de l’organisation de ces essais. Le mois prĂ©cĂ©dent, l’usine d’extraction du plutonium de Marcoule est entrĂ©e en service.





L’action des rĂ©seaux issus de la RĂ©sistance contribuent efficacement Ă  la continuitĂ© du programme, Ă  travers des hommes comme Albert BUCHALET, Maurice BOURGES-MAUNOURY, Jacques CHABAN-DELMAS, Jean CREPIN, FĂ©lix GAILLARD, Pierre GALLOIS, Bertrand GOLDSCHMIDT, Pierre GUILLAUMAT, Pierre KOENIG, RenĂ© MAYER, Pierre MENDES FRANCE, Guy MOLLET, Gaston PALEWSKI, RenĂ© PLEVEN, Yves ROCARD 




La tùche est considérable. Il faut tout à la fois :
‱ crĂ©er et Ă©quiper des centres d'Ă©tudes pour dĂ©velopper les recherches indispensables aux rĂ©alisations nuclĂ©aires
‱ construire et faire fonctionner des rĂ©acteurs capables de produire de l'Ă©lectricitĂ©
‱ ne pas perdre de vue les applications militaires.

Ce dernier point est le plus dĂ©licat. L'hypothĂšse de la possession de l’arme nuclĂ©aire a Ă©tĂ© implicitement retenue par les responsables, mais on usera d'une certaine ambiguĂŻtĂ© dans la prĂ©sentation des projets pour se frayer un chemin Ă  travers des majoritĂ©s politiques opposĂ©es
Tout un dispositif se mettait en place, soigneusement protégé par le Secret Défense. Il était recommandé la plus grande discrétion sur l'existence de ces activités et de ces sites.



Le 11 avril 1958, le prĂ©sident du Conseil, FĂ©lix GAILLARD, signe une dĂ©cision ordonnant de prendre toutes les mesures permettant de rĂ©aliser Ă  partir du premier trimestre 1960, sur ordre gouvernemental, la premiĂšre sĂ©rie d’explosions expĂ©rimentales d’engins atomiques. Cette dĂ©cision secrĂšte a Ă©tĂ© prise par celui qui avait initiĂ© le lancement du premier plan quinquennal de l’énergie atomique.






A suivre :
Politique d’indĂ©pendance nationale et Officialisation du programme




*** Mirage IV ***

Suite Ă  la crise de Suez d’octobre 1956, la France dĂ©cide d’étudier la mise en place d’une « Force stratĂ©gique d’intervention », dotĂ©e d’armes atomiques :
l’avion d’abord, un engin balistique ensuite.
En effet, en dehors de l’effet d’échelle, l’échauffement cinĂ©tique est trĂšs diffĂ©rent. Le Mirage IV est choisi. Alors que le Mirage III ne peut soutenir Mach 2 que pendant quelques minutes, le Mirage IV doit s’y maintenir environ plus de la trentaine nĂ©cessaire Ă  la stabilisation des tempĂ©ratures sur l’ensemble de la structure externe et dans les caissons internes qui renferment les Ă©quipements et les fluides : pĂ©trole et liquide hydraulique. Une Ă©tude thermique complĂšte de chaque composant doit donc ĂȘtre entreprise. L’industrie française des Ă©quipements fait face Ă  la quasi-totalitĂ© des demandes. Les caractĂ©ristiques du bombardier, dĂ©finies conjointement par les services officiels et la sociĂ©tĂ© Dassault, sont approuvĂ©es le 20 mars 1957.


Le Mirage IV 01 est un prototype expĂ©rimental destinĂ© Ă  dĂ©couvrir les problĂšmes liĂ©s au vol supersonique prolongĂ©. L’allure gĂ©nĂ©rale du Mirage IV 01 est trĂšs voisine de celle du Mirage III A mais Ă  Ă©chelle 2 pour sa surface, sa motorisation et son poids Ă  vide. En revanche, il emporte trois fois plus de pĂ©trole interne.


Écrit par : DSM mercredi 07 mars 2018 Ă  08:13

Merci pour la technicitĂ© et l’impartialitĂ© de tes articles.

Écrit par : motrius mercredi 07 mars 2018 Ă  08:24

Merci pour cette documentation extrĂȘmement dĂ©taillĂ©e !! wink.gif

Écrit par : U 2518 mercredi 07 mars 2018 Ă  18:19

Amazone t'as fait un travail de recherche fouillé, traduit de façon dynamique, bravo
bien.gif

Écrit par : NoLive jeudi 08 mars 2018 Ă  11:22

Excellent ! 20/20 ! bien.gif
Merci pour ce poste fort d'Histoire, d'informations, de précisions !
Encore beer.gif ! J'ai pas fini mon paquet de chips wink.gif

Écrit par : L'Apache jeudi 08 mars 2018 Ă  21:38

On découvre comment se fait l'Histoire, c'est innatendu et passionnant !!! Merci et bravo pour cette narration vraiment unique

icon_boire.gif icon_boire.gif

on attend avec soif un autre Ă©pisode, tu nous as mis l'eau Ă  la bouche lĂ  wink.gif

Écrit par : <S639>AMAZONE mercredi 21 mars 2018 Ă  20:03

Programme Nucléaire et Force Stratégique


Si la France veut tenir son rang dans le monde, elle se doit d’accĂ©der au statut de puissance atomique et de s’équiper de façon autonome, de sa propre «force de frappe». Celle-ci devra, si possible, comprendre les trois composantes Air, Terre et Mer dont ont entrepris de se doter les deux «Grands Pays» USA et URSS.



La Ve RĂ©publique

Charles De GAULLE dernier prĂ©sident du conseil de la IVe RĂ©publique le 1er juin 1958, puis Ă©lu comme premier prĂ©sident de la Ve RĂ©publique le 21 dĂ©cembre de cette mĂȘme annĂ©e, va donner en quelques annĂ©es les impulsions fondamentales. Il bĂ©nĂ©ficie de l’entreprise politique menĂ©e depuis 1954 au sujet du programme atomique et rĂ©alisĂ©e dans l’extrĂȘme discrĂ©tion, par les gouvernements successifs de la IVe RĂ©publique.

Le «retour aux affaires» du GĂ©nĂ©ral DE GAULLE donne une dynamique nouvelle au nuclĂ©aire, auquel il a toujours prĂȘtĂ© une grande attention. Elle coĂŻncide avec le moment oĂč les investissements en Ă©quipements et en recherches commencent Ă  porter leurs fruits.
Trois évÚnements importants marquent cette période :

‱ la maütrise de l'arme atomique ...
‱ la construction de l'usine d'enrichissement d'uranium de PIERRELATTE
‱ le dĂ©but du programme Ă©lectronuclĂ©aire EDF ; Sans oublier les activitĂ©s de recherche et dĂ©veloppement.




Officialisation du Programme Nucléaire


Les orientations du programme militaire

Le Général «veut la bombe» et toutes les pressions internationales n'entameront pas sa détermination. Les recherches militaires, qui avançaient à pas feutrés, deviennent une «ambition nationale», clairement affichée. Il confirme la décision de Félix GAILLARD.

Composante aérienne
Concernant le vecteur, le choix de l’avion Mirage IV, projet de bombardier dĂ©jĂ  en cours d’étude chez Dassault, doit entrer en service en 1964.


Les Missiles Balistiques pour les composantes terrestre et navale
Les deux composantes sont concernées par ces décisions, suivant les études menées par les commissions relevant du ministÚre de la défense telles que CEA et LRBA (Laboratoire de Recherche Balistique et Aérodynamique).


Composante navale : La propulsion nuclĂ©aire pour sous-marin lanceur d’engin
Construction du Centre de recherche et d’expĂ©rimentation de Cadarache avec la crĂ©ation du DPN :
Département Propulsion Navale dépendant du CEA.



FusĂ©e 
 Missiles 
 L’HERITAGE DU CONFLIT


L’ingĂ©nieur gĂ©nĂ©ral et polytechnicien Jean-Jacques BARRE (1901-1978), entrĂ© dans l’artillerie en 1924, peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme l’un des pionniers de l’astronautique française. Entre 1935 et 1940, il conçoit pour la commission des poudres Ă  Versailles des obus propulsĂ©s par du peroxyde d'azote.
En 1941, pendant le conflit, alors qu’il travaille pour le colonel DUBOULOZ chef de la Section technique de l’artillerie, le commandant BarrĂ© rĂ©alise clandestinement Ă  Lyon une fusĂ©e propulsĂ©e par un mĂ©lange d’oxygĂšne liquide et d’essence : l’EA41 (engin autopropulsĂ© modĂšle 1941).
Il parvient Ă  la tester en point fixe le 15 novembre 1941 au camp militaire du Larzac.

AprĂšs la LibĂ©ration Ă  l’automne 1944, c’est l’intĂ©rĂȘt que porte le professeur Henri MOUREU Ă  rĂ©cupĂ©rer la technologie des engins autopropulsĂ©s allemands qui pousse la France Ă  s’intĂ©resser Ă  ces armes secrĂštes. Ce docteur en chimie, directeur du laboratoire municipal de la ville de Paris, ancien assistant du professeur FrĂ©dĂ©ric Joliot-Curie, mĂšne durant l’Occupation des actions de rĂ©sistance et agissant en qualitĂ© de conseiller technique de la dĂ©fense passive, il travaille Ă©galement sur le dĂ©samorçage des bombes non explosĂ©es lors des bombardements.

DĂšs la LibĂ©ration, c’est donc avec le professeur MOUREU que le commandant Jean -Jacques BARRE se rend du 9 au 17 mai 1945 en Allemagne Ă  Oberaderrach au bord du lac de Constance pour examiner les prises de guerre des Français. Le site d’Oberaderrach est une usine de rĂ©ception et d’essais de V2.

En juin, les deux hommes se rendent en zone amĂ©ricaine, Ă  Nordhausen. Neuf wagons contenant quatre V1 et de quoi assembler quatre V2 s’y trouvent. Ils parviennent Ă  les expĂ©dier en France.
L’étude des V2 est ensuite effectuĂ©e sur le site de la SociĂ©tĂ© pour l’application gĂ©nĂ©rale de l’électricitĂ© et de la mĂ©canique (SAGEM) Ă  Argenteuil, mais Ă©galement dans certains arsenaux comme celui de Puteaux.
En France, le professeur MOUREU initie le Centre d’études des projectiles autopropulsĂ©s (CEPA), alors que la Direction des Ă©tudes et fabrication de l’armement (DEFA) qui fixe les orientations, crĂ©e Ă  Vernon un nouvel organisme, le Laboratoire de recherches balistiques et aĂ©rodynamiques LRBA suite au dĂ©cret du 17 mai 1946.

LĂ , une soixantaine d’ingĂ©nieurs allemands (TAP ou techniciens anciens de PeenemĂŒnde) encadrĂ©s d’ingĂ©nieurs militaires français, permettent des avancĂ©es significatives dans le domaine de l’autopropulsion et du guidage.

AprÚs les échecs des fusées Eole durant le années 1950-1952, ce programme est définitivement abandonnée.
D’autres Ă©tudes sont menĂ©es pour l’armĂ©e, aboutissant Ă  la mise en service du missile Parca.



RĂ©alisation du LRBA
L'engin "Parca"
(Projectile auto - propulsé radioguidé contre avion)
sur la base de Colomb Béchar (Algérie) 1958


C’est la fusĂ©e-sonde VĂ©ronique, qui est retenue pour la poursuite des expĂ©rimentations. TestĂ©e avec succĂšs dĂšs 1950 sur le camp de Suippes (Marne), sa derniĂšre version, baptisĂ©e VĂ©ronique 61 dĂ©veloppe 6 tonnes de poussĂ©e. La fusĂ©e Vesta la remplacera en 1965.



Décision du Missile Stratégique

Ainsi, quand Pierre GUILLAUMAT fut nommé ministre des Armées au début du mois de juin 1958, aucune des techniques majeures (propulsion, guidage, rentrée dans l'atmosphÚre) indispensables pour la réalisation des missiles balistiques ne semblait accessible en France avant plusieurs années d'efforts.
Un temps de réflexion préalable aux travaux des bureaux d'études industriels était sans doute d'autant plus nécessaire qu'aux incertitudes propres aux techniques des missiles s'ajoutaient des incertitudes majeures quant aux possibilités de coopération internationale ou à la masse de la charge à transporter, selon qu'elle serait américaine (de l'ordre de 300 kg) ou française (1 500 kg environ).

Au plan politique, la finalitĂ© du projet Ă©tait, sans le moindre doute, anti dĂ©mographique, d'oĂč le caractĂšre impĂ©ratif de la portĂ©e du missile, d'autant plus que la possibilitĂ© de tirer Ă  partir de l'Afrique du Nord n'Ă©tait pas encore exclue. D'oĂč aussi la nĂ©cessitĂ© d'une charge thermonuclĂ©aire, seule capable de produire l'effet attendu compte tenu de la prĂ©cision que l'on pouvait attendre d'un tir Ă  3 000 km ou davantage (environ un milliĂšme de la portĂ©e). La mĂ©connaissance des tĂȘtes nuclĂ©aires futures ne devait cependant pas empĂȘcher la France d'Ă©tudier l'engin.

La Marine Ă©tudiait l'utilisation du Polaris (IRBM – Intermediate Range Ballistic Missile).
La Direction Technique Interarmées (DTIA), estimait qu'un bombardier était indispensable pour porter les premiÚres bombes françaises et l'étude d'un missile purement français lui paraissait hors de notre portée en raison de son coût (400 milliards d'anciens francs).

Une aide amĂ©ricaine Ă©tait donc Ă  rechercher activement, mais une coopĂ©ration avec les Britanniques pouvait ĂȘtre Ă©galement envisagĂ©e. La capacitĂ© Ă  rĂ©aliser la propulsion Ă  poudre constituait l'incertitude principale.
Sur ce point, la DTIA attendait beaucoup de la mission d'un groupe d'experts amĂ©ricains qui devaient, dans le courant du mois de novembre 1958, faire une sĂ©rie d'exposĂ©s sur les problĂšmes des IRBM Ă  propulsion Ă  poudre. Les experts confirmĂšrent que leur gouvernement Ă©tait prĂȘt, pour les projets approuvĂ©s, Ă  faciliter la conclusion d'accords industriels entre des firmes amĂ©ricaines et des firmes europĂ©ennes, mais que la fourniture Ă  des pays de l'OTAN d'engins IRBM amĂ©ricains n'Ă©tait pas envisagĂ©e.
Le cabinet du ministre, enfin, considĂ©rait que la DTIA, par inclination naturelle, vu sa mission, prĂ©fĂ©rait les bombardiers aux IRBM, mais que le ministre ne pouvait s'engager sur un programme de bombardiers sans ĂȘtre assurĂ© de l'impossibilitĂ© de la solution IRBM. En la matiĂšre, l'avis du directeur des poudres sur les offres amĂ©ricaines et la faisabilitĂ© des missiles apparaissait primordial.

Les travaux menés aprÚs la guerre par le LRBA et l'Institut franco-allemand de Saint-Louis, avec la participation d'ingénieurs allemands, avaient permis d'acquérir une premiÚre expérience de la propulsion à propergols liquides.
Cependant, lorsqu'en 1963 le choix de la propulsion des missiles stratĂ©giques dut ĂȘtre fait, la propulsion Ă  poudre s'imposa. Les propergols liquides ne semblaient pas pouvoir ĂȘtre stockĂ©s pendant de longues durĂ©es sans difficultĂ©s importantes, et seuls les propergols solides rĂ©pondaient Ă  la contrainte fondamentale de disponibilitĂ© immĂ©diate des engins en cas de dĂ©cision de lancement. Les incidents rencontrĂ©s lors des tirs au banc de propulseurs Ă  liquides de dimensions accrues montraient que la mise au point de ces moteurs serait plus dĂ©licate que prĂ©vu. Enfin, les États-Unis, qui avaient utilisĂ© la propulsion Ă  liquide pour leur premiĂšre gĂ©nĂ©ration de missiles, avaient retenu la propulsion Ă  poudre pour la deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration (Polaris et Minuteman).

La décision de fabriquer en Europe l'engin américain Hawk accéléra les choses : le Service des poudres avait été choisi comme l'un des deux fabricants des moteurs, sous licence américaine. Les premiÚres fabrications furent réalisées en 1962 dans une installation spécifique. Le chargement du Hawk était un bloc bi-composition cylindrique : une composition rapide située au centre du bloc assurait la phase de démarrage et une composition à vitesse lente la phase de croisiÚre. Malgré le caractÚre assez rustique de cet engin de dimension modeste et les imperfections du propergol, l'exercice permit aux poudriers français de se familiariser avec les isorgols et les chargements bi-composition, dont le principe était retenu pour certains étages des missiles stratégiques.

C'est en 1963 que fut réalisé le premier chargement moulé-collé de 1 500 mm de diamÚtre, bloc bi-composition du 1er étage SSBS (Sol Sol Balistique Stratégique).


Eude et RĂ©alisation du Missile

La rĂ©alisation du chargement n'est pas la seule, ni peut-ĂȘtre la plus grande difficultĂ© rencontrĂ©e dans la conception et la rĂ©alisation des propulseurs Ă  poudre de grandes dimensions destinĂ©s Ă  ĂȘtre Ă  tout moment disponibles pendant une longue vie opĂ©rationnelle. D'autres dĂ©fis durent ĂȘtre relevĂ©s.
L'enveloppe du propulseur, dont la masse influence considérablement les performances du missile, doit, tout en étant aussi légÚre que possible, supporter les charges auxquelles elle est soumise en tant qu'élément structural de l'engin en cours de stockage ou en vol, contenir la pression de combustion durant le fonctionnement et résister aux sollicitations thermiques provenant de l'intérieur (combustion du propergol) ou de l'extérieur (échauffement aérodynamique lors de la traversée des couches denses de l'atmosphÚre ou échauffement dû aux conditions particuliÚres du lancement, dans le cas des engins lancés de silo).
En fait, la solution retenue a été de séparer les difficultés.
‱ L'enveloppe a pour mission de rĂ©sister Ă  l'ensemble des charges mĂ©caniques, d'oĂč son appellation de structure,
‱ la tenue aux effets thermiques externes et surtout internes Ă©tant dĂ©volue Ă  des protections thermiques adaptĂ©es, qui sont dĂ©posĂ©es ou collĂ©es dans les zones exposĂ©es.

Une des principales difficultĂ©s fut sans doute la conception des tuyĂšres. Ce sous-ensemble essentiel, qui transforme l'Ă©nergie thermique en Ă©nergie cinĂ©tique et dĂ©livre ainsi la poussĂ©e propulsive, constitue la vĂ©ritable partie chaude du moteur – trĂšs chaude mĂȘme, puisque travaillant dans une gamme thermique de 3 000 Ă  1 500° C environ, du col convergent au divergent. En plus des efforts thermomĂ©caniques auxquels doit rĂ©sister la tuyĂšre, elle subit un choc thermique initial violent lors de la mise Ă  feu, ainsi qu'une Ă©rosion intense au cours du fonctionnement. La tuyĂšre se trouve donc pendant tout le tir en configuration extrĂȘme : les piĂšces se dilatent, les collages se dĂ©gradent, l'intĂ©rieur de la tuyĂšre s'Ă©rode.




L'arrĂȘt de la combustion du moteur peut ĂȘtre nĂ©cessaire pour ajuster les caractĂ©ristiques du propulseur Ă  la mission recherchĂ©e. On savait qu'il pouvait ĂȘtre obtenu par une dĂ©compression brutale de la chambre. L'Ă©tude de dispositifs d'arrĂȘt de poussĂ©e (DAP) par ouverture d'orifices dans le fond avant communiquant avec la cheminĂ©e centrale du bloc en combustion permit leur application sur les deuxiĂšmes Ă©tages des missiles stratĂ©giques de la premiĂšre gĂ©nĂ©ration. La mise au point et l'expĂ©rimentation au sol de ces dispositifs d'arrĂȘt de poussĂ©e s'annonçait dĂ©licate. Il convenait en effet de concevoir et d'obtenir une trĂ©panation franche et fiable d'orifices dans des structures Ă  hautes performances, voire fragiles ou hĂ©tĂ©rogĂšnes.



Autre fonction fondamentale dans un propulseur : L'allumage.

On la passe souvent sous silence dans l'histoire de la propulsion des missiles balistiques, sans doute parce que son dĂ©veloppement, son utilisation en vol et son comportement en service se dĂ©roulĂšrent comme prĂ©vu. Pourtant, quoi de plus essentiel que l’assurance de l'allumage, tout particuliĂšrement pour les Ă©tages supĂ©rieurs :
une seule tentative autorisée.
Une fiabilité particuliÚre est exigée pour la sécurité pyrotechnique des sites de stockage et de lancement, tout particuliÚrement à bord des sous-marins.
Une procĂ©dure exemplaire prĂ©sida au choix des spĂ©cifications, des concepts, des qualifications, des transports, stockages et interventions tout au long des programmes, sous le contrĂŽle vigilant des commissions de sĂ©curitĂ©. On choisit un dispositif Ă  trois Ă©tages pyrotechniques mĂ©caniquement isolĂ©s. InstallĂ©e en tĂȘte du propulseur, dans un canal pratiquĂ© dans le chargement, une micro-roquette avait pour mission d'allumer le moteur. Elle Ă©tait elle-mĂȘme mise Ă  feu par une charge-relais de pastilles pyrotechniques rangĂ©es dans une capsule mĂ©tallique soudĂ©e et parfaitement Ă©tanche.
Le relais Ă©tait lui-mĂȘme allumĂ© par la charge primaire, placĂ©e en amont, aprĂšs armement mĂ©canique et ordre de mise Ă  feu. RĂ©duction au minimum de la pyrotechnie pulvĂ©rulente sensible, installation de barriĂšres mĂ©caniques solides, dĂ©clenchement Ă©lectrique dans des conditions trĂšs protĂ©gĂ©es : tels sont les principes de garantie de la sĂ©curitĂ©, la redondance des chaĂźnes et des charges assurant la fiabilitĂ©. La mise au point de l'allumage fut largement empirique, les calculs pour des phĂ©nomĂšnes brefs et brutaux de ce genre Ă©tant peu connus et les donnĂ©es physiques principales assez incertaines.



ASSURER LE PILOTAGE

Tant que !a trajectoire de l'engin s'effectue dans l'atmosphĂšre et dĂšs lors que sa vitesse est suffisante, des gouvernes aĂ©rodynamiques peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour modifier la direction de son mouvement. Cependant, si une partie de la trajectoire s'effectue en haute altitude ou hors de l'atmosphĂšre, si les vitesses atteintes sont importantes ou si l'efficacitĂ© du pilotage doit ĂȘtre effective pour assurer l'Ă©quilibre de l'engin dĂšs le dĂ©but du mouvement, dans la phase Ă  vitesse quasi nulle, d'autres solutions doivent ĂȘtre recherchĂ©es. C'est par action directe sur l'orientation du vecteur poussĂ©e, et donc du jet, que le vol de l'engin est dirigĂ©.
Dans une fusĂ©e Ă  propergols liquides, la chambre de combustion est relativement petite et sa rotation d'ensemble par rapport au reste de l'engin peut ĂȘtre utilisĂ©e Ă  cet effet. Cette solution fut Ă©tudiĂ©e et mise au point et se substitua progressivement aux gouvernes et aux dĂ©flecteurs de jet, seules mĂ©thodes utilisĂ©es en 1955. Pour mĂ©moire, rappelons que la fusĂ©e VĂ©ronique Ă©tait en outre stabilisĂ©e au dĂ©part par des filins fixĂ©s au sol jusqu'Ă  ce que le moteur ait atteint son rĂ©gime. Le pilotage en roulis, lui, nĂ©cessite le recours Ă  des gouvernes, dans la phase de la trajectoire dans l'atmosphĂšre, ou Ă  des fusĂ©es auxiliaires orientables.
Le propulseur Ă  propergol solide est au contraire de grande dimension ; il est partie intĂ©grante de la structure de l'engin. L'orientation du vecteur poussĂ©e ne peut ĂȘtre obtenue que par action directe sur le jet. Les dĂ©flecteurs employĂ©s en 1955, des volets de carbone placĂ©s Ă  demeure dans le jet (dispositif dĂ©rivĂ© du V 2), ou les dĂ©flecteurs semi-escamotables placĂ©s Ă  la pĂ©riphĂ©rie du divergent (dispositif utilisĂ© sur l'engin antichar SS 10) n'Ă©taient pas envisageables pour les propulseurs en projet, en raison des durĂ©es de fonctionnement envisagĂ©es et des pertes de performance provoquĂ©es par ces dispositifs.
D'autres procĂ©dĂ©s durent ĂȘtre recherchĂ©s. Les tuyĂšres Ă  veine coudĂ©e et Ă  articulation plane furent le premier moyen Ă©tudiĂ©. Pour Ă©viter de devoir rĂ©aliser une tuyĂšre orientable dans toutes les directions donc nĂ©cessairement liĂ©e Ă  la chambre par une rotule sphĂ©rique, pour laquelle l'Ă©tanchĂ©itĂ© est trĂšs difficile Ă  rĂ©aliser, la dĂ©viation du jet est obtenue par un ensemble de quatre tuyĂšres mobiles par rapport Ă  l'axe du propulseur. Chaque tuyĂšre a une partie fixe liĂ©e au propulseur, qui constitue le convergent, et une partie mobile, qui comprend le col lĂ©gĂšrement dissymĂ©trique et le divergent. Ainsi, ce divergent peut, par rotation, dĂ©crire un cĂŽne. En combinant quatre tuyĂšres de ce type, on peut orienter la direction moyenne du jet. Le pilotage en tangage et en lacet est obtenu en faisant tourner deux tuyĂšres diamĂ©tralement opposĂ©es, du mĂȘme angle mais de sens opposĂ©s. Le pilotage en roulis est obtenu en faisant tourner ces tuyĂšres dans le mĂȘme sens.




La coopération entre la Direction des poudres et la SEPR pour le propulseur à poudre du SSBT se développa dans les programmes d'engins balistiques. Les centrales inertielles commandées pour le missile Casseur furent utilisées dans le programme EBB. Les premiÚres discussions avec l'industriel Kearfott débouchÚrent sur l'acquisition d'une licence par la SAGEM, dont les centrales inertielles équipÚrent ensuite tous les engins balistiques français.



DĂ©cisions Techniques Militaires

Le STCAN, dans une lettre au ministre du 28 juillet 1960, aprÚs l'inscription dans le projet de loi d'un sous-marin nucléaire lance-engins et l'annonce du lancement d'une étude d'engin balistique naval, soulignait fortement que, dans un sous-marin aussi spécialisé qu'un SNLE, il y a une trÚs forte imbrication entre les caractéristiques du missile et celles du sous-marin.

À la fin d'octobre 1960, le STCAN prĂ©senta Ă  la DTIA46 un planning« Marine » du programme SNLE et missile. Le premier tir de l'engin prototype MSBS Ă©tait prĂ©vu en 1966 et la livraison des engins opĂ©rationnels en 1970. La DTIA constata que ce planning Ă©tait identique Ă  celui de l'engin SSBS. Elle estima nĂ©anmoins que ce programme «Marine», qui n'altĂ©rait en rien le programme fixĂ© Ă  la SEREB jusqu'Ă  la fin de 1961, imposait que l'on poursuivĂźt activement les Ă©tudes de propulseurs Ă  poudre.

L'interdiction faite Ă  la sociĂ©tĂ© Kearfott, par le gouvernement amĂ©ricain, en dĂ©cembre 1960, de poursuivre ses exportations de matĂ©riel inertiel de guidage constituait une gĂȘne, mais la SAGEM, qui pensait disposer de 90 % des informations nĂ©cessaires, s'estimait capable de fabriquer une centrale inertielle pour engin.
Une charge nuclĂ©aire de 1 500 kg conduisait Ă  une tĂȘte de 2 200 kg. Il Ă©tait important de disposer de bons matĂ©riaux ablatifs pour diminuer la masse de la tĂȘte.

La limitation de la masse de la charge nucléaire à 700 kg semble avoir été acceptée par le CEA à l'été 1961, mais dans une formule non thermonucléaire dont l'énergie était trÚs inférieure à la mégatonne.
La faveur que marquaient la SEREB et le DĂ©partement engins pour des charges de l'ordre de 700 kg au deuxiĂšme semestre 1961, masse qui semblait exclure pour un temps les charges thermonuclĂ©aires dont le CEA n'avait pas encore trouvĂ© la formule, demandait une certaine audace, car la recherche de trĂšs fortes Ă©nergies Ă©tait dans l'air du temps et l'on connaissait l'intĂ©rĂȘt personnel qu’y portait le gĂ©nĂ©ral de GAULLE. En octobre 1961, l'URSS fit exploser dans l'atmosphĂšre une charge de 25 mĂ©gatonnes et une autre d'une Ă©nergie gigantesque de 58 mĂ©gatonnes, record inĂ©galĂ© et qui le restera sans doute encore longtemps.

Le Département organisation de la DMA relevait pour sa part le caractÚre paradoxal du systÚme de missiles balistiques terrestres préconisé dans l'étude de la SEREB : systÚme qui, tout en étant doté de charges nucléaires d'énergie inférieure à la mégatonne, voyait la vulnérabilité de son déploiement en silos évaluée vis-à-vis d'une attaque par des charges de 20 mégatonnes.
-« C'est peut-ĂȘtre nous qui avons raison et l'ennemi qui Ă  tort, mais il conviendrait de voir pourquoi. »
Finalement, en février 1962, un Conseil de défense accepta la poursuite des projets de missiles de 3 000 km de portée munis d'une charge de moins d'une tonne de masse.


LE DEVELOPPEMENT DE LA PREMIERE GENERATION DE PROPULSEURS

C'est en 1963 que furent arrĂȘtĂ©es les caractĂ©ristiques des systĂšmes SSBS et MSBS. Initialement, il Ă©tait prĂ©vu de rĂ©aliser un engin « S » (sol), constituĂ© de deux Ă©tages Ă  poudre Ă  structure mĂ©tallique extrapolĂ©s du 2e Ă©tage du
VE 231. L'engin « M » (marine), lui, serait constitué du premier étage du S et d'un second étage de propergol à structure filamentaire bobinée. Ces dispositions semblaient permettre des économies, puisqu'il n'y aurait à mettre au point que des propulseurs aux techniques proches.
En fait, les incertitudes sur la masse de la tĂȘte militaire qui apparurent et les performances des propulseurs Ă  poudre, qui se rĂ©vĂ©lĂšrent plus faibles qu'attendu, imposĂšrent de modifier le projet. L'engin « M » restait constituĂ© d'un 1er Ă©tage de 10 t du second Ă©tage de 4 t, « Rita ».

Les rĂ©sultats finalement positifs des essais en vol des engins VE 100 et VE 231 et des premiers tirs au banc de chargements rĂ©alisĂ©s entre aoĂ»t 1964 - avril 1965, dont le dernier effectuĂ© avec activation des tuyĂšres, laissaient espĂ©rer une rĂ©ussite rapide. Mais l'Ă©chec Ă  la 13e seconde du premier tir au banc le 27 septembre 1965, et la perte des deux premiers tirs en vol de la sĂ©rie des huit « S » prĂ©vus, commencĂ©e le 20 octobre 1965 Ă  Hammaguir(AlgĂ©rie), ils devaient ĂȘtre accompagnĂ©s de neuf « M », vinrent refroidir l'enthousiasme et l'optimisme des responsables. Il s'agissait d'engins expĂ©rimentaux mono Ă©tage.

L'expérimentation du « M » fut réalisée quasi simultanément, de la fin de 1966 à 1971. Une premiÚre série d'essais fut effectuée avec des engins comportant un deuxiÚme étage maquette, afin de qualifier le systÚme de chasse et la sortie de l'eau.
Le projet de construire un sous-marin expĂ©rimental pour valider les systĂšmes d’armes du futur SNLE, Ă©tait une nĂ©cessitĂ© dĂ©finie par la loi de programmation entĂ©rinant les Forces OcĂ©aniques StratĂ©giques : FOST.
Le Gymnote, sous-marin expĂ©rimental fut construit en reprenant les tronçons avant et arriĂšre de l’ancien Q244.
La tranche milieu dut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e suivant le diamĂštre du futur SNLE avec quatre tubes lance-missiles pour les essais en immersion. Le tronçon milieu du Q244 servi de caisson pour « essais de choc » au GERSM Toulon.

Les essais tirs missiles furent réalisés à Toulon depuis un caisson immergé, ou depuis le sous-marin Le Gymnote en Méditerranée. Les essais en vol du missile complet comportÚrent, entre 1968 et 1971, quatre tirs à partir du socle au CEL et 15 tirs à partir du sous-marin expérimental Le Gymnote et du sous-marin SNLE Le Redoutable.
On observa quatre Ă©checs.
La mise en service fut réalisée le 1er janvier 1972, avec le départ en patrouille du SNLE Le Redoutable muni de seize missiles.




A suivre ...
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Écrit par : DSM mercredi 21 mars 2018 Ă  23:44

Toujours aussi passionnant et détaillé.
merci cool.gif cool.gif

Écrit par : L'Apache jeudi 22 mars 2018 Ă  13:38

J'aurais bien aimé avoir des profs d'Histoire comme toi, c'est génial cet exposé bien.gif victory.gif

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Écrit par : <S639>AMAZONE dimanche 16 septembre 2018 Ă  19:19

Le choix de l’énergie nuclĂ©aire et de certaines filiĂšres est le sujet de quelques questionnements.

http://www.mille-sabords.com/forum/index.php?showtopic=58305&hl=

Certaines voix s’élĂšvent pour dĂ©clarer que si certaines filiĂšres, s’emblant au premier abord trĂšs prometteuses, ont Ă©tĂ© Ă©cartĂ©es c’est parce qu’elles ne correspondaient pas Ă  la volontĂ© militaire ou aux lobbies des industriels.

Donc voici une parenthÚse concernant le sujet principal : « Du Gymnote au Coelacanthe »,
mais qui a du sens et un rapport direct.



Concernant la filiĂšre actuelle Uranium 235 ou Plutonium 239 Dans R.E.P. (ou R.E.B.)
Pour rappel :
Pechblende : minerai d’uranium naturel, composition isotope U-238 = 99,3% et isotope U-235 = 0,7%

U-235 : Fissible par neutron lent (ralenti jusqu’au domaine thermique) ===> Fission
U-238 : Non fissible mais fertile, transmutation en Plutonium (Pu-239) par capture neutronique
Pu-239 : Fissible par neutron rapide (directement issus d’une fission sans modĂ©rateur) ===> Fission

Nous devons l’utilisation des RĂ©acteurs Ă  Eau PressurisĂ©e (ou eau bouillante) des filiĂšres actuelles U et/ou Pu, aux recherches fondamentales du programme Manhattan ayant abouti aux bombes atomiques.
Les recherches et les applications en laboratoires durant les annĂ©es quarante, ont permis de rĂ©soudre les problĂšmes rencontrĂ©s pour dĂ©velopper l’énergie nuclĂ©aire.
La dĂ©cennie suivante, grĂące aux moyens mis en jeu dans le domaine militaire, de recherche appliquĂ©e Ă  la physique nuclĂ©aire, au contrĂŽle neutronique et la maĂźtrise du cycle du combustible : minerai – enrichissement – production – utilisation - traitement –stockage, ont permis de dĂ©velopper le programme civile.
La mise en application de cette filiĂšre, Ă©tait la suite logique du besoin militaire vers le dĂ©veloppement industriel civile, et non l’inverse. L’emploi de l’uranium ou plutonium dans les centrales Ă©lectriques seraient mĂȘme un manque pour l’armement.


Informations FiliĂšre Thorium et sels fondus

RĂ©flexion sur la filiĂšre Thorium
Il n’est pas question de dĂ©nigrer cette filiĂšre, mais de rĂ©tablir la vĂ©ritĂ© sur celle-ci.

L’Asie est riche en gisement de Thorium, mais l’extraction et la conversion pour utiliser cet Ă©lĂ©ment en Ă©nergie nuclĂ©aire est plus difficile et onĂ©reuse que pour l’uranium.

Actuellement, seules la Chine, l’Inde et l’IndonĂ©sie travaillent sur les rĂ©acteurs de thorium Ă  sels fondus.
L’Inde a quelques projets sur le papier, mais aucun ne reçoit beaucoup d’attention. Les scientifiques indiens s’intĂ©ressent davantage Ă  un rĂ©acteur avancĂ© Ă  eau lourde alimentĂ© par le thorium (Advanced Heavy Water Reactor) tandis le premier ministre indien envisage de conclure des contrats sur des rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre (uranium) en provenance de Russie.

L’expĂ©rience de NRG & SALIENT permet Ă  l’Europe d’ĂȘtre en tĂȘte dans la quĂȘte de l’énergie Ă  base de thorium aprĂšs des dĂ©cennies de retard. Un succĂšs Ă  Petten pourrait inciter des pays comme l’Inde Ă  accĂ©lĂ©rer le dĂ©veloppement de leur technologie. Cela peut aussi booster les startups amĂ©ricaines qui ont des idĂ©es intĂ©ressantes, mais qui ont dĂ» mal Ă  obtenir des financements.

Quoiqu’il en soit, la France n’est plus dans cette logique d’exploitation des gisements et renouvellement, elle peut se permettre de travailler en circuit fermĂ© grĂące au traitement du combustible irradiĂ© qui assure encore pour plus d’un siĂšcle de consommation d’uranium, auquel on rajoutera plus de deux siĂšcles suivant la filiĂšre surgĂ©nĂ©rateur U238 - neutrons rapides – plutonium.
Le programme PhĂ©nix et SuperPhĂ©nix (Caloporteur = Sel de Sodium Fondu) ont dĂ©montrĂ© l’exploitation industrielle de cette filiĂšre, malgrĂ© le manque de prĂ©paration de la part des ingĂ©nieurs chargĂ©s de rĂ©aliser ce projet. La ministre de l’environnement du gouvernement JupĂ© puis Jospin, obtint l’arrĂȘt dĂ©finitif de ce rĂ©acteur, ce qui valut dans la rĂ©gion RhĂŽne-Alpes, une virulente controverse. Astrid Projet actuellement menĂ© par les CEA Areva EDF reprendra les bases acquises.



Le mythe sur le réacteur de thorium

Étant donnĂ© que l’uranium a trĂšs mauvaise rĂ©putation, on a Ă©normĂ©ment de mythes qui circulent sur le rĂ©acteur au thorium.


- 1 - Les rĂ©acteurs de thorium Ă  sels fondus ont Ă©tĂ© Ă©cartĂ©s parce qu’ils ne pouvaient pas faire de bombes nuclĂ©aires

C’est faux. Le rĂ©acteur de thorium peut faire des bombes et ce n’est pas ce qui a motivĂ© son annulation au dĂ©but du dĂ©veloppement des rĂ©acteurs nuclĂ©aires. La conclusion Ă  l’époque est que mĂȘme si le rĂ©acteur de thorium pourrait ĂȘtre moins cher, on ignore ses performances, le bilan neutronique, et la maĂźtrise sur le long terme.
De plus, l’industrie avait dĂ©jĂ  investi Ă©normĂ©ment sur les rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre, Ă  trĂšs haute tempĂ©rature et le rĂ©acteur rapide Ă  mĂ©tal liquide. L’industrie rechignait Ă©galement Ă  crĂ©er les services pour le cycle de combustible et la recherche en physique nuclĂ©aire s’était beaucoup concentrĂ©e sur les rĂ©acteurs Ă  combustible solide. En gros, le monde avait trop investi sur les rĂ©acteurs Ă  l’uranium pour tout jeter Ă  la poubelle et choisir le thorium.
De plus, il y a une autre hypothĂšse pour laquelle les AmĂ©ricains auraient pu prĂ©fĂ©rer l’uranium et le plutonium elle est dĂ©veloppĂ©e ci-aprĂ©s.

Rappel sur les armes nucléaires

L’uranium est le seul Ă©lĂ©ment qu’on trouve dans la nature qu’on peut utiliser comme un explosif nuclĂ©aire. Mais tous les types d’uranium ne peuvent pas faire de bombes. Vous ne pouvez pas utiliser l’uranium naturel ou l’uranium Ă  faible enrichissement comme combustible dans les rĂ©acteurs nuclĂ©aires. La raison est qu’il contient trop d’Uranium 238 qui n’est pas un explosif nuclĂ©aire et trop peu d’uranium 235 qui lui est un explosif nuclĂ©aire.
L’enrichissement de l’uranium est un long processus pour augmenter la concentration de l’uranium 235 en sĂ©parant l’uranium 238. Le produit final est connu comme l’uranium enrichi qui contient une forte concentration d’U- 235 par rapport Ă  celui qu’on trouve dans l’uranium naturel.
L’uranium qui possĂšde une concentration supĂ©rieure Ă  20 % d’U- 235, est Uranium Hautement Enrichi (HEU). L’HEU peut ĂȘtre utilisĂ© comme un explosif nuclĂ©aire si on en dispose suffisamment. Les fabricants d’armes nuclĂ©aires prĂ©fĂšrent de l’HEU qui est enrichi Ă  plus 90 %. Ce type de HEU est connu comme l’uranium de qualitĂ© militaire.
La plupart des rĂ©acteurs nuclĂ©aires commerciaux utilisent de l’Uranium faiblement enrichi (LEU) de 5 Ă  9% d’U-235 comme combustible. Le combustible LEU ne peut pas servir d’explosif nuclĂ©aire, car il contient trop d’U-238.

Concernant le plutonium, il n’existe pas dans la nature, mais il est crĂ©Ă© dans chaque rĂ©acteur qui utilise de l’uranium naturel ou de l’uranium faiblement enrichi. Certains des atomes de l’uranium 238 vont absorber des neutrons et ces atomes vont se transformer en plutonium (U-238 + n° ===> Pu-239). Le plutonium est un explosif plus puissant que l’uranium de qualitĂ© militaire. Pour obtenir du plutonium, il faut un processus d’extraction chimique qui nĂ©cessite de dissoudre du “combustible nuclĂ©aire irradiĂ©â€ hautement radioactif dans de l’acide nitrique bouillant. C’est trĂšs difficile et compliquĂ© d’avoir du plutonium Ă  partir d’un rĂ©acteur nuclĂ©aire civil.

Et le thorium, alors ?

Les premiers Ă  se pencher sur la question du rĂ©acteur Ă  sels fondus furent les AmĂ©ricains du Laboratoire National d’Oak Ridge avec Alvin M. Weinberg, directeur du laboratoire pendant le projet Manhattan.
Toutes les pistes furent explorĂ©es pour aboutir Ă  la bombe. Le rĂ©acteur Ă  sel fondu expĂ©rimental MSRE fonctionna dans un premier temps comme « pile atomique » pour produire de l’uranium de qualitĂ© militaire Ă  partir du thorium bombardĂ© par des neutrons.

Le thorium n’est pas fissible,
mais étant fertile il peut donner des éléments fissibles, tout comme U-238 ===> Pu239.
Les transmutations du Th-232 obtenues sont :

Th232 + n° ===> Th233 avec gamma ===> Pa(Protactinium)233 émission béta- ===> U233
U-233, ce fameux Uranium233 fissible, de qualitĂ© militaire comme l’Uranium 235.
Et pour des prĂ©sentations Ă©lĂ©gantes on Ă©vite de parler de l’ensemble des transmutations du Th.

Mais dans sa globalité :
U-233 obtenu devient U-232 par capture d’un neutron (n°) et en relñchant deux n°.
Ou aussi : Th-232 ===> 
 ===> Pa-233 ===> 
 ===> U-232
U232 est fissible aussi mais il est Ă©metteur d’un rayonnement gamma de trĂšs haute Ă©nergie.
Bien sĂ»r, il est nĂ©cessaire en cours de fonctionnement de traiter le caloporteur afin d’extraire l’U-233,
Mais alors la tĂ©lĂ©opĂ©ration avec de lourds boucliers rend la tĂąche trĂšs compliquĂ©. L’intense rayonnement gamma dĂ©tĂ©riore tout matĂ©riel Ă©lectronique et l’utilisation de robotique inappropriĂ©e.

De ce fait, si l’U-233 est trop contaminĂ© avec de l’uranium 232, alors ce sera difficile d’en faire une bombe. Mais cette contamination peut ĂȘtre Ă©vitĂ©e en sĂ©parant le protactinium 233 en amont, il suffit d’une simple sĂ©paration chimique plus facile Ă  obtenir que par la sĂ©paration isotopique comme dans la filiĂšre U/Pu. En sĂ©parant le Pa-233, alors on obtiendra un Uranium 233 quasiment pur.
Donc, c’est un mensonge de dire que le rĂ©acteur de thorium ne peut pas faire de bombe nuclĂ©aire, en fait c’est mĂȘme le contraire.

Alvin Weinberg, Ă  qui on accorde la paternitĂ© du rĂ©acteur thorium et sels fondus, aprĂšs le projet Manhattan subit quelques dĂ©ceptions lors de l’abandon des recherches sur l’avion Ă  propulsion nuclĂ©aire, il ne renonça pas Ă  porter son projet Ă  bout de bras. En plein guerre froide, entre 1965 et 1969, son rĂ©acteur fonctionnait d’abord avec de l’uarium-235 puis avec l’uranium-233 par transmutation du thorium 232 et du plutonium la derniĂšre annĂ©e, prouvant alors la faisabilitĂ© et la viabilitĂ© d’un tel concept.

Il faut se rappeler qu’à l’époque des premiers rĂ©acteurs, tous les pays voulaient les bombes nuclĂ©aires. Et donc, si un pays a dĂ©jĂ  cette bombe, alors il est de son intĂ©rĂȘt Ă  ce que les autres ne puissent pas les fabriquer. L’avantage de l’uranium 235 et du plutonium est qu’ils sont trĂšs difficiles Ă  fabriquer et donc, la technologie ne serait dans les mains que de quelques pays. Mais si le thorium s’était gĂ©nĂ©ralisĂ©, alors tout le monde aurait pu mettre la main sur de l’uranium 233 prĂȘt Ă  l’emploi avec un risque plus grand de prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires.

De plus, l’industrie avait dĂ©jĂ  investi Ă©normĂ©ment sur les rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre, et le rĂ©acteur rapide Ă  mĂ©tal liquide Ă  trĂšs haute tempĂ©rature. L’industrie rechignait Ă©galement Ă  crĂ©er filiĂšres de traitement diffĂ©rentes pour le cycle de combustible et la recherche en physique nuclĂ©aire s’était beaucoup concentrĂ©e sur les rĂ©acteurs Ă  combustible solide. En gros, le monde avait trop investi sur les rĂ©acteurs Ă  l’uranium pour tout jeter Ă  la poubelle et choisir le thorium, car cela ne valait pas le coup. Cela aurait doublĂ© les investissements sans aucune valeur ajoutĂ©e, tout en compliquant la standardisation de fabrication, d’exploitation, et des procĂ©dures de sĂ©curitĂ©.



- 2 - Les rĂ©acteurs de thorium sont surgĂ©nĂ©rateurs et n’ont pas besoin d’enrichissement.

Le concept des rĂ©acteurs surgĂ©nĂ©rateurs qu’ils soient Ă  base de thorium ou d’uranium, est qu’ils vont surgĂ©nĂ©rer au fur et Ă  mesure. Ils vont produire de la matiĂšre fissile Ă©gale ou supĂ©rieure par rapport Ă  leur consommation de dĂ©part ce qui permet d’avoir une Ă©nergie en abondance sur le long terme.

On peut dire que ce n’est pas un vrai mythe, mais l’absence d’enrichissement est valable pour tous les types de rĂ©acteur surgĂ©nĂ©rateur. C’est mĂȘme pour ça qu’on les a inventĂ©s. Toutefois, le rĂ©acteur de thorium peut utiliser la surgĂ©nĂ©ration thermique. Cela signifie qu’on a besoin de beaucoup moins de matĂ©riaux fissiles au dĂ©part par rapport Ă  un rĂ©acteur de surgĂ©nĂ©ration rapide. Mais le rĂ©acteur rapide Ă  mĂ©tal liquide peut faire la mĂȘme chose avec U-238 ===> Pu239 et donc, ce n’est pas exclusif au thorium.


- 3 - Ils sont indépendant de la filiÚre Uranium

La fission dans ce type de rĂ©acteur va produire plus d’uranium 233 que sa consommation et donc, on a une fission nuclĂ©aire autonome.
Mais les neutrons pour dĂ©clencher la premiĂšre rĂ©action, d’oĂč les sort-on ?
Et bien, c’est lĂ  que ça se complique un peu. Il est nĂ©cessaire d’avoir de la matiĂšre fissile pour produire des neutrons dans un rĂ©acteur.
Neutrons issus de l’uranium 233 ? Impossible il n’est pas formĂ© en dĂ©but de vie

De l’uranium 235 ou du plutonium 239
 C’est un dĂ©tail que les partisans du thorium passent sous silence.
Il faut obligatoirement de l’uranium ou du plutonium dans un rĂ©acteur de thorium, mais Ă©videmment, la quantitĂ© est bien moindre.


- 4 - Il y a plus de Thorium que d’Uranium sur Terre

C’est vrai, mais il faut nuancer :
La concentration moyenne de thorium dans la croute terrestre est de 0,00060 % comparĂ©e au 0,00018 % de l’uranium. Mais on a Ă©galement du thorium et de l’uranium dans l’ocĂ©an.
Pour un pourcentage en masse, on a
4×10-12% de Thorium et 3.3×10-7 % d’Uranium.
Cela donne 56 000 tonnes de thorium et 4,62 milliards de tonnes d’uranium.
Cependant, l’exploitation de l’uranium en mer coute 4 fois plus cher donc, aujourd’hui non Ă©conomiquement viable. Mais, si comme en France les taxes de l’électricitĂ© nuclĂ©aire augmentent afin de subventionner l’énergie renouvelable dans des limites insupportables, le contribuable pourrait exiger de chercher dans les ocĂ©ans l’Uranium devenu alors compĂ©titif. Donc, ce mythe est vrai si on se base uniquement sur la concentration dans la croute terrestre.
Mais on doit prendre en compte la rĂ©partition des gisements. L’Inde ne possĂšde aucun gisement d’uranium exploitable, mais elle est assise sur des tonnes de thorium. La Chine possĂšde 50 % de thorium par rapport Ă  l’uranium. Donc oui, le rĂ©acteur de thorium est trĂšs intĂ©ressant pour ces pays puisqu’ils n’ont pas besoin de faire d’aller chercher l’uranium Ă  l’autre bout du monde en corrompant des gouvernements locaux.

L’Europe n’a que de trĂšs faible gisement Ă  part au Groenland. Concernant la France, le pays possĂšde environ 8 500 tonnes de thorium ce qui est Ă©quivalent Ă  190 ans en se basant sur une consommation de 489 Twh au niveau national (moyenne 2010 Ă  2015). C’est vraiment gigantesque, mais encore une fois, cela nĂ©cessitera pas mal d’investissement sur l’infrastructure sans oublier que tout cela se base sur le fait qu’on puisse commercialiser le rĂ©acteur Ă  sels fondus de thorium. Des Ă©tudes sont menĂ©es par le CEA et CNRS.
De plus, l’extraction du thorium dans les minerais est beaucoup plus coĂ»teuse que celle de l’uranium.


- 5 - Les déchets du réacteur de Thorium ne durent que quelques siÚcles

On entend Ă©galement ce mythe. ComparĂ©s au cycle de dĂ©gradation de l’uranium sur des milliers d’annĂ©es, les dĂ©chets provenant du rĂ©acteur de thorium ne dureraient que quelques siĂšcles. Il est vrai que le rĂ©acteur de thorium ne produit que quelques Ă©lĂ©ments transuraniens. Les Ă©lĂ©ments transuraniens comme le Neptunium, le Plutonium, l’AmĂ©ricium et le Curium sont les plus dangereux nuclĂ©ides dans une pĂ©riode de 10 000 ans. Donc, oui le rĂ©acteur Ă  thorium produit moins de dĂ©chets nocifs sur le long terme, mais ce n’est pas le seul. Les rĂ©acteurs Uranium Plutonium Ă  neutrons rapides produisent Ă©galement peu d’élĂ©ments transuraniens.
Attention, Ă  ne pas nĂ©gliger l’intĂ©rĂȘt du rĂ©acteur de thorium, mais il n’est pas la solution idĂ©ale qui nous est proposĂ©e par certains acteurs de l’industrie. Et cette expĂ©rience aux Pays-Bas est assez intĂ©ressante, car elle concerne un rĂ©acteur de prochaine gĂ©nĂ©ration qui est moins nocif et moins gourmand que ce soit sur le combustible ou l’impact environnemental. Pour certains pays comme la Chine ou l’Inde, le thorium pourrait ĂȘtre une vraie alternative, car ils en ont une grande quantitĂ© devant leur porte, mais au niveau mondial, c’est plus compliquĂ©.


En conclusion

Est-ce que les rĂ©acteurs au thorium sont l’énergie du futur ?
Ces derniĂšres annĂ©es, des Startups ont investi sur le thorium et comme toute startup qui se respecte, la communication est plus importante que la rĂ©alitĂ© du terrain. L’énergie au thorium ne concerne pas seulement le fait d’avoir un rĂ©acteur plus sĂ»r et plus propre. Cela implique aussi de nouveaux projets d’extraction de thorium et nous devons plutĂŽt abandonner l’industrie de l’extraction puisqu’on a dĂ©jĂ  l’uranium en trĂšs grande quantitĂ©. L’énergie idĂ©ale du futur devra ĂȘtre abondante, aussi propre que possible, abordable avec le minimum de dommages collatĂ©raux. Et si on regarde les rĂ©alitĂ©s de l’énergie au thorium, elle ne rĂ©pond pas Ă  nombreux de ces critĂšres.

Nous pourrions mieux utiliser l’énergie nuclĂ©aire si en fin de cycle, nous valorisons les dĂ©chets issus du retraitement des combustibles irradiĂ©s, comme source de chaleur. Cela permettrait de mieux les contrĂŽler au lieu de les stocker bĂȘtement.
L’économie des ressources est de mise, car l’énergie la plus Ă©cologique qui soit est celle 
 que nous ne consommons pas !

L’énergie renouvelable n’est pas la panacĂ©e universelle, contrairement Ă  ce que l’on veut nous faire croire.
Soit il s’agit de production d’énergie intermittente souvent relayĂ©e par du « fossile carbonĂ© », soit par des productions agraires pouvant provoquer un dĂ©sĂ©quilibre alimentaire Ă  cause des spĂ©culations, mettant en danger de famine des peuples entiers, si ce n’est encore la crĂ©ation d‘immenses zones arides par extractions des terres rares pour des besoins toujours grandissant de Lithium silicium, afin de stocker de l’énergie de façon utopique.
Tout cela a un coĂ»t, et la planĂšte ne pourra pas l’encaisser ad vitam aeternam.
Mais rassurez-vous, la Terre non plus n’est pas ad vitam aeternam, et l’homme encore moins !

...

Écrit par : Lazuli jeudi 12 novembre 2020 Ă  09:16

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