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> Du Gymnote au Cœlacanthe
<S639>AMAZ...
posté jeudi 01 fvrier 2018 à 22:10
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Du Gymnote au Coelacanthe


Exposé traitant des sujets suivants :
- Différents états d’un navire de guerre, de la construction, au service actif, et retrait
- Genèse du sous-marin nucléaire français
- Programme Coelacanthe

Les différents états d’un navire de la Marine Nationale

La vie d’un navire de guerre est marquée par une multitude d’étapes réglementaires, administratives et industrielles. Ce processus est caractérisé par son statut et son emploi.
S’agissant d’un bateau il est assujetti, pour parti aux règlements nationaux et internationaux de la navigation en mer.
Un navire de guerre est aussi un matériel d’armement. Les étapes de sa carrière, qui vont de l'expression du besoin au retrait du service, sont encadrées par une instruction générale.

Le navire de guerre se distingue de la plupart des matériels terrestres ou aériens par l’absence de prototype, le premier de la série joue ce rôle. Les durées significatives de réalisation et d’armement, des séries sont étalées dans le temps. Il devra disposer d'un équipage pendant l'armement et les essais.

Les Acteurs

Etat-Major des Armées : EMA
Acteur principal devant définir le format des armées, de leur cohérence et de programmation.
Ayant la charge des opérations d’armement naval, il délègue généralement cette tâche à l’état-major de la marine (EMM).

Etat-Major de la Marine : EMM
est en charge de la définition du besoin capacitaire, afin de correspondre aux nécessité des opérations d’armements navals.

Direction générale de l’armement : DGA
La DGA a pour mission d'équiper les forces armées. En tant que maître d’ouvrage, elle est responsable de la conception, de l’acquisition et de l’évaluation des systèmes navals qui équipent la marine.

Commission permanente des programmes et des essais : CPPE
Une commission indépendante, désignée dès 1938 comme « commission permanente d’essais » a pour nom aujourd’hui la commission permanente des programmes et des essais (CPPE).
Cette commission contrôle la conformité techniques et la correspondance au besoin militaire.


De la réflexion à l’élaboration du projet


L’instruction générale relative aux opérations d’armement
détaille les actions liées aux divers stades d’avancement de l’opération, de l’initialisation jusqu’au retrait du service. Ce processus doit être adapté à chaque type de bâtiment, en fonction de ses caractéristiques, de son mode de construction, de son emploi, voire de sa destinée en fin de vie.

EMM s’appuie sur un officier de cohérence opérationnelle (OCEM) pour rédiger un objectif d’état-major (OEM), document de première analyse qui permet de définir le besoin fonctionnel.
Une délégation générale de l’armement établit un coût prévisionnel, et propose une stratégie contractuelle.
Des chargés de programme (DGA et EMM) définissent une spécification technique de besoin.
Enfin une Notification de Marché Public et contracté avec l’Industrie.



Projet et Mise en Construction, du premier sous-marin à propulsion nucléaire français


L’idée avait été lancée en 1954, Pierre Mendès France y avait adhéré lors d’un conseil interministériel qu’il nous fallait l’arme nucléaire. A cette époque il ne s’agissait pas encore de dissuasion mais d’adapter dans un premier temps un sous-marin à la propulsion nucléaire. Les hauts responsables de la Défense étaient divisés, les patrons des armées de l’Air et de Terre ne cachaient pas leur hostilité au principe tandis qu’au Conseil Supérieur de la Marine l’amiral Lemonnier bataillait avec les amiraux Barjot et Ortoli qui disaient que le sous-marin conventionnel avait encore de beaux jours devant lui. Et c’est l’atome qui l’emporta. Le premier projet se matérialisa sous la forme du prototype Q.244 Gymnote - 2 en référence au premier du nom. Il fût mis sur cale à Cherbourg en 1956 et dépassait en dimensions tout ce que l’on pouvait imaginer même le « Surcouf » avec ses 3500 Tonnes.

Longueur : 109,5 mètres
Diamètre de la coque épaisse : 8,50 mètres
Déplacement : 4400 tonnes en surface et 5400 tonnes en plongée
Vitesse maxi : 23 noeuds
Immersion maxi : 250 mètres
Autonomie espérée à la mer : 90 jours à puissance nominale.

Autres chiffres :
Long de 113,75 m, large de 11,70m, Déplacement 6500 Tonnes

C’était le précurseur des sous-marins à venir. Ce sous-marin était destiné à être armé de torpilles (Huit Tubes et 20 torpilles de réserve) et éventuellement de missiles aérodynamiques. Il y eut aussi d’énormes problèmes à résoudre et sur le plan technique, l’option retenue, par la force des choses, d’un réacteur à uranium naturel et à eau lourde conduisit à une sorte d’aberration : la chaufferie réalisable ne rentrait pas dans le sous-marin.
La coque du Q.244 Gymnote - 2 resta donc à l’abandon à l’arsenal de Cherbourg avant qu’on ne l’utilise à des fins plus glorieuses.


Gymnote, Numéro de coque Q 244

Un numéro de coque correspond à un nom de projet. Ce nom est choisi bien en amont lors des expressions du besoin, des accords de principes et de la signature du programme naval.

Le début de la construction est généralement marqué par une succession d’événements particuliers :
Définition d’un nom de projet, qui en principe sera dans la plus part des cas, celui utilisé lors du « Lancement », et du Numéro de Coque suivant l’ordre du Maître d’Ouvrage : la Marine Nationale.
Le Maître d’œuvre est chargé du procédé industriel de fabrication choisi.
Symboliquement, le début de la construction peut-être la découpe de la première tôle.

Exemple :
Cartouches des plans de réalisations des sous-marin (M6) Conquérant- Sfax-Casabianca
Image attachée

Suivant un programme naval N°153
Les sous-marins Q-171, Q-182, Q-183 ont déjà leur nom attribué suivant les plans de réalisations du marché signé Avril 1927 et actes additionnels 1929 – 1931
Je rappelle que le lancement du premier de cette série (Chantier de La Loire-St Nazaire) sera lancé qu’en juin 1934
date du « Baptême ».

On peut Observer la même chose concernant « Archimède » Q-142 Programme Naval 61 tranche 1925.
Mise en construction Fev. 1927 le nom apparaît déjà sur les plans de réalisation.
Mise en cale Août 1927 et lancement seulement en Sept 1930. (CNF Caen)


Le Gymnote 2, numéro de coque Q-244, est mis sur cale le 2 juillet 1955 aux chantiers de la DCAN de Cherbourg. La construction est annulée ; faute de pouvoir fabriquer ou acheter de l'uranium enrichi en France. Le montage est arrêté en 1958. Le submersible devait recevoir un réacteur à uranium naturel et à eau lourde. Le projet est définitivement abandonné en 1959.
Par la Loi-programme du 6 décembre 1960, le submersible devient le sous-marin Gymnote 2 (Q-251), immatriculé S655
Autre source d’information :
Le Gymnote 2, numéro de coque Q-244, est mis sur cale en mars 1963 aux chantiers de la DCAN de Cherbourg.
Par la Loi-programme du 6 décembre 1960, le submersible devient le sous-marin Gymnote 2 (Q 251), immatriculé S655. Lancé le 17 mars 1964, il quitte Cherbourg en juin 1966 pour une période d'essais. Il est mis en service le 11 octobre 1966.
Sous-marin expérimental, il sert aux essais de lancement des missiles destinés aux futurs sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de la série du Redoutable. Pour ces essais, le Gymnote est équipé de 4 tubes verticaux lance-missiles. Après 4 tirs de missiles type M 12 entre février et juillet 1967, il subit des transformations jusqu'au printemps 1968 afin de pouvoir tester les missiles M 013.
Venant de Lorient (Morbihan), il fait son retour à Cherbourg le 26 mai 1971 pour un carénage de huit mois au cours duquel il subit des modifications profondes. Il reprend ses essais ensuite.
Il est désarmé le 1er octobre 1986. Sa coque est démolie à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) en 1990.

Que faut-il retenir ?

Sous-Marin Gymnote 2 Q-244 Projet d’un SM à propulsion nucléaire et mise en construction (cale) en juillet 1955.
Projet abandonné en 1958
Mais les tronçons conservent la même appellation de projet, de N° de coque, et restent répertoriés ainsi par la DCAN Cherbourg.
Pour les besoins d’opération Coelacanthe un nouveau projet se dessine : le bateau expérimental lance-missiles à propulsion classique, reprenant les tronçons inutilisés de l’ex sous-marin nucléaire.
Donc Re-mise en construction du Q-244 en Mars 1963.
Mais s’agissant d’un nouveau projet, il était normal de promulguer une Loi-Programme le 6 Déc 1960 afin de redéfinir le Nouveau N° de Coque tout en gardant l’appellation d’origine.

Le Gymnote Q-244, tel le Phoenix renaissant de ses cendres, revit en tant que Q-251.

J’ai découvert le projet Gymnote Q244 par hasard, alors que j’arpentais les bureaux d’études de la DCAN Cherbourg, concernant le suivi de construction et essais durant les années 70-80.

A suivre ...





Références :

Journal officiel (suivre les époques)
Loi-Programme Naval
Circulaires Marine Nationale
Archives DCAN (DCN)
commission permanente des programmes et des essais
Musée de la Mer
WikiManche (extrais Journal d’époque)
Plans service historique de la marine
Différent site Soumama, ColsBleus, NetMarine etc
Le sous-marin Archimède, 1932-1952, Axel Aboulker, Marines Eds.
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Ce message a été modifié par <S639>AMAZONE - lundi 05 mars 2018 à 18:45.
Raison de l'édition : Supprimé commentaires inappropriés


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DSM
posté jeudi 01 fvrier 2018 à 23:06
Message #2


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Merci pour cet article très bien documenté. smile.gif
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U 2518
posté vendredi 02 fvrier 2018 à 17:46
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<S639>AMAZ...
posté jeudi 08 fvrier 2018 à 08:46
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Les étapes de la vie d’un navire de guerre
Suite

Un bâtiment est dit « en construction » depuis sa mise en chantier jusqu'à la date du premier armement pour essais.
La réalisation d’un navire de guerre se distingue par l’absence de démonstrateur ou prototype, le premier de la série joue ce rôle.
Sauf cas de nécessité absolue, le projet devra être mené jusqu’à terme.



Première étape de la construction du bâtiment

La mise sur cale :


La construction est généralement liée au procédé de fabrication en fonction des moyens de mise à l’eau.
Durant les années cinquante, et plus tard aussi, dans les ateliers de la DCAN/ DCN, les tronçons formés de tôles cintrées puis soudées étaient calés sur une rampe inclinée.
Dans ce schéma de construction, la coque est assez peu remplie au lancement du sous-marin. On y rentre essentiellement, avant de la refermer définitivement par assemblage des tronçons, les gros ensembles qui ne pourraient pas pénétrer ultérieurement par les brèches. Ces ouvertures, rondes ou rectangulaires, effectuées dans la coque épaisse, permettent par la suite l’aménagement intérieur, et les entretiens ou réparations importants. Ces brèches sont obturées par des panneaux autoclaves boulonnés.

Image attachée
Un tronçon du Narval

Au cours de cette période, le navire reçoit un noyau d'équipage désigné pour leur qualification. Il a la charge de suivre les travaux. Suivant l’avancement du chantier, un officier de marine, désigné par le ministre de la défense prend la direction de cet équipage. En principe il sera appelé à exercer le commandement du navire lorsqu'il entrera en armement pour essais »

En fonction de l’avancement du chantier, certains travaux sont rendus plus malaisés, voire impossibles, par l’inclinaison permanente de la cale. Une des conséquences en est que l’on souhaite procéder au lancement dès que possible, afin de retrouver une position horizontale plus confortable.

Image attachée
Partie de coque épaisse et ballasts (Narval)

Pendant la construction, la mise à flot est le moment emblématique, qui consacre la naissance du navire. Cet instant étant lié au processus industriel, n’est pas détaillé par les textes officiels.
Cependant, il peut faire l’objet d’une cérémonie particulière (Invitation d’hommes politiques, champagne, marraine). Le nom est officialisé durant cette représentation.

Plus sérieusement, il permet d’appréhender sa flottabilité et son comportement afin d’ajuster le métacentre différentiel (Relation entre centre de gravité et centre de carène). Durant la pénétration dans l’eau et sa stabilisation il est filmé, photographié. Cette observation est facilitée par des marquages sur la coque.

En France, depuis les années quatre-vingt-dix, ce mode opératoire est définitivement abandonné.

Après son lancement, le navire est échoué dans un bassin, posé sur une ligne de tins horizontale. Cet aménagement permet d’y mener les travaux de montage et d’armement, ainsi que les essais préliminaires au départ à la mer.


Armement pour essais

Un bâtiment en construction passe dans la position « armé pour essais » lorsque les travaux sont assez avancés et permettent à l'équipage de vivre à bord.
Ceci n’est valable que pour les bâtiments de surface.
A ce stade, la viabilité est impossible à bord des sous-marins.
La base assure logement et bureaux pour l’équipage. L’équipe de service chargée de la sureté et de la sécurité, suit la bonne marche des travaux à bords, réalisés par le personnel de la l’arsenal.



Essais préliminaires

Les essais préliminaires se déroulent pendant la période d'armement pour essais.

- Des essais préliminaires de certaines installations s’effectuent dans les ateliers avant montage, puis à bords. Des vérifications et contrôles nécessitent des procédures particulières : Gammagraphie des soudures concernant les organes importants.
Les essais machines et chaufferie nucléaire s’effectuent dans un premier temps à l’aide d’une chaudière classique. Après embarquement du combustible, la première « Divergence » est suivie d’essais d’extraction de puissance.
- L’ensemble des appendices de la coque tel que le sas passerelle, schnorchel, les aériens, les tubes lance torpilles / missiles, de même l’appareillage sécurité plongée sont vérifiés étanches et fonctionnels.

Les procès-verbaux, signés par l’Arsenal et l’équipage en charge, sont consignés par la DGA et CPPE.
Ils se concluent par l'essai de présentation aux essais officiels qui est destiné à montrer que les essais officiels à la mer peuvent être entrepris.


Essais constructeurs à la mer,
• Ils sont effectués à l’issue d’une revue de sécurité maritime initiale (établissement du référentiel), et la délivrance d’un titre civil provisoire de navigation, par une autorité compétente, généralement les Affaires Maritimes. La sanction des essais constructeurs est de la responsabilité du maître d'œuvre industriel.
• Dans le cas d’un sous-marin, une plongée statique est réalisée afin de s’assurer de la concordance de la pesée avec la flottabilité calculée.


Essais réglementaires
• La sanction est de la responsabilité d’une société de classification. Du personnel étatique peut être présent comme observateur.

Essais contractuels
• Le service prescripteur est un organisme étatique DGA et/ou CPPE, en assure le contrôle, et notifie la réception.

Essais officiels

• comprenant notamment des épreuves d'endurance et de consommation de l'appareil propulsif, en particulier un essai à la puissance maximale.


Le bâtiment doit répondre, en plus des caractéristiques techniques, aux critères propres au besoin militaire. C’est l’objet de la vérification des caractéristiques militaires (VCM) par la CPPE, suivant un processus de qualification.
Le président de la CPPE, délégué du chef d'état-major de la marine (CEMM), délivre :
« L'octroi d’autorisation de naviguer des bâtiments de la Marine Nationale relevant du chef d'état-major de la marine, en tant qu'autorité du pavillon ».

Traversée de Longue Durée

A la fin de leur période d'armement, les bâtiments exécutent une période à la mer qui permet de vérifier la fiabilité et l'endurance des équipements dans des conditions variées, ainsi que la capacité d’intégration dans les forces.
« Traversée de Longue Durée depuis 2007 elle s’intitule « la phase 2 de la vérification des caractéristiques militaires » (VCM P2).
Une commission supérieure d'armement (CSA) se réunit en principe après cette période pour prononcer l’admission au service actif.



Après l’admission au service actif
Les positions des bâtiments de la marine après leur admission au service actif sont les suivantes :

• bâtiment en service :
• armé : bâtiment disponible, équipage au complet, prêt à remplir toute mission.
• Indisponibilité pour entretien : IE - (maintenance courante programmée)
• Indisponibilité pour entretien et réparation IPER - (à caractère plus important, curatifs ou prévisionnels)
• en grande réparation : bâtiment indisponible pour une durée limitée. (grand carénage ou refonte)
• en complément : le matériel est disponible (éventuellement avec des réserves). Il dispose d’un effectif en personnel suffisant pour assurer l’entretien courant. Il peut être réarmé rapidement si besoin.
• en réserve…
- normale » : Son utilisation n’est momentanément pas envisagée, mais son réarmement peut intervenir sans travaux importants, dans des délais déterminés. Un noyau d’équipage avec un commandant peut rester affecté.
- spéciale » : Bâtiment indisponible au matériel ; des travaux de longue durée (indéterminée), seraient nécessaires pour le rendre disponible. Il n’y a normalement plus de personnel affecté pour en assurer l’entretien.

• bâtiment condamné: Bâtiment reconnu impropre à toute utilisation militaire.





Retrait du service actif

Le « retrait du service actif » (RSA) marque l’arrêt de l’emploi opérationnel d’une unité. Cette étape se situe en pratique, entre la position « armé » d’un bâtiment admis au service actif, et d'autres positions possibles d’une unité en service que sont « en complément », « en réserve normale » et « en réserve spéciale ».



Retrait définitif du service

Le « retrait définitif du service » (RDS) est un jalon officiel, qui est mentionné en 2007 dans une instruction, n’apparaissant pas dans l’instruction générale sur le déroulement des opérations d’armement.
Tout au plus un arrêté précise : « Lors de leur retrait définitif du service, les bâtiments sont condamnés ».
Ce qui revient à dire que condamnation et RDS forme la même étape, au temps administratif près.



Condamnation

La condamnation implique le choix d’un mode d'élimination, dont le plus courant jusqu’au début du XXIème siècle était l’immersion du bâtiment en haute mer, après avoir servi de cible de tir. Cependant, pour des raisons de préservation de l’environnement, ce mode d’élimination désormais est interdit par des accords internationaux. Un nouveau numéro de coque caractérisant cet état est attribué.

Image attachée

La Déconstruction du Q 650, ex S655 Gymnote (Q 251)


Les navires reconnus impropres à la navigation, doivent donc être cédés, vendus ou démolis. la modification pour usage en cas de services spéciaux, peut-être envisagée.
(Navire ou tronçons, destinés à l’enseignement ou l’entrainement pour la lutte contre l’incendie etc).

Cession à une marine étrangère
Réutilisation au gré de l’acquéreur.

Remise au service des domaines
soit à des fins de vente sans réutilisation militaire,
soit avec obligation de déconstruction (depuis 2003 le terme démolition ou encore de ferraillage ne doit plus être utilisé).


La vie d’un bateau n’est pas toujours un long fleuve tranquille.
Le lancement qui symbolise la naissance du navire par l’adoption définitive d’un nom et d’une immatriculation Marine Nationale en fonction de son type, n’est qu’une étape dans l’ensemble des opérations menant de l’avant- projet à la réalisation, puis des essais au service opérationnel.

A suivre ...
.

Ce message a été modifié par <S639>AMAZONE - jeudi 08 fvrier 2018 à 17:24.


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<S639>AMAZ...
posté samedi 10 fvrier 2018 à 20:39
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Réflexion au sujet de la construction du Q 244


Il s’agit d’une réflexion personnelle, donc par nature partiale. Certains la trouveront discutable et abrupte, mais elle ne devrait pas être repoussée sans considération.


Image attachée
En prenant comme référence le colloque, « 1899 / 1999, un siècle de construction sous-marine »,
qui s’est tenu les 25 et 26 octobre 1999 à Cherbourg.
Lors d’une conférence :



l’intervenant, ancien responsable de l’ECAN Indret (Nantes), affecté au DPN (CEA) à partir de 1959 déclarait :

- « Le point fort de cette quête fut ma rencontre, courant juillet (ndr : année 1958 ou 1959 ???), à l'occasion d'un déjeuner à la cantine de Saclay, avec Jean-Louis Andrieu, commandant réputé de sous-marins, désigné pour commander le Q 244. Après quelques étincelles, le courant passa, ce qui permit de constituer un tandem d'une efficacité redoutable, en réalisant une alliance étroite et inédite entre les points de vue technique et opérationnel ».


Jean-Louis Andrieu : Commandant du sous-marin Marsouin en 1952.
En 1955, il était désigné pour suivre les travaux de construction du Q244, premier sous-marin nucléaire.

Instruit de la chose militaire, et rompu aux procédures en usage dans la Marine Nationale, il est aisé de comprendre qu’un équipage sera affecté à un bâtiment, et non pas à une coque numérotée.


Dans ce même colloque, un autre ancien responsable (DCAN) traitant de la « La reprise de la construction des Sous-Marins après 1945 », disait :


- « De l'aventure Q 244 et de ses répercussions à Cherbourg, je dirai peu de choses, car ce programme suivi par Devauchelle, qui y a laissé une partie de sa santé, était entouré d'un secret que je ne cherchais pas à percer, ayant d'autres préoccupations, pour moi prioritaires. Mes seules retombées ont été : - mon intervention en 1956 pour l'achat, tardif, d'une machine de cintrage des tôles, car j'étais chargé des bâtiments en fer, - une concurrence assez exacerbée pour l'affectation des dessinateurs et du personnel de chantier, entre le Q 244, les Daphné et les Aréthuse, heureusement et sagement arbitrée par Perrin, notre chef de section constructions neuves …».



On peut soupçonner le secret qui enveloppait sa construction. Secret bien relatif, si on considère que les locaux des dessinateurs avaient pignon sur les formes de construction, et que les ouvriers pouvaient circuler librement de l’une à l’autre.
Quand le projet fut abandonné, on déclara qu’il s’agissait d’un prototype, afin de justifier les fonds engloutis. On recouvrit ainsi d’un voile pudique ce chantier. Et pourtant, il n’y avait aucune honte à avoir. Le projet, certes avec délais supplémentaires, aurait pu aboutir à condition de disposer à ce moment-là de l’uranium enrichi. Nous aurions pu disposer de ce sous-marin expérimental à propulsion nucléaire dès les années soixante.



Image attachée
Le nom Narval apparaît sur cette photo datée de 1952 lors de la mise sur cale
Remarque : le N° de coque ne figure pas.


Image attachée
Sur ce cliché pris après la décision d'abandonner la construction, seul figure le N° de coque. Le lancement n'aura jamais lieu.
On remarquera l'état d'avancement, ce n'était pas un amas de ferraille oublié.


Le projet d’un « Sous-Marin Atomique », suivant la nomination de l’époque, était inscrit dans un programme global définissant l’utilisation du nucléaire pour la propulsion naval d’une part, mais aussi d’autre part, l’accession à la « bombe atomique ».
Le projet Gymnote-Q244 ne fut jamais achevé pour des raisons déjà évoquées. Les travaux cessèrent en cours d’année 1958. Probablement que le choix du nom Gymnote était dû à une volonté de confondre ce projet avec les constructions en cours. Pour la Marine Nationale, ce sous-marin n’a jamais existé car jamais armé ni basculé au service actif.


A l’étranger, dans certains ouvrages spécialisés, on n’hésite pas à citer Q 244 associé au nom Gymnote.
Die Politik der latenten Proliferation
Militärische Nutzung “friedlicher” Kerntechnik in Westeuropa © 1994 Auteur: Roland Kollert,
Tableau page 255
Image attachée



Probablement que le nom « Gymnote » aurait été changé lors du « lancement », pour un plus évocateur en terme de puissance ou de reconnaissance. On a pu observer par la suite, de tels changements, alors que les réalisations étaient en cours.
Ce navire d’ailleurs n’existait pas, il était gardé secret, on l’a caché aux yeux du parlement, le financement de celui-ci faisait l’objet d’une procédure particulière gouvernementale. Le budget alloué n’était pas soumis au Conseil économique ni à l’Assemblée ( 4ème république).



Ces derniers points seront détaillés dans le prochain chapitre : « Genèse du sous-marin nucléaire français ».


A suivre ...
.


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Lazuli
posté samedi 10 fvrier 2018 à 22:00
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Tempête

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Parfait me concernant !
Merci et vivement la suite. (Je ne connais que trop bien le travail que ça demande !)


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"On se rencontre, on se canonne, on se sépare et la mer n’en reste pas moins salée."
Comte de Maurepas, secrétaire d’État à la Marine de 1723 à 1749


Lazuli
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<S639>AMAZ...
posté dimanche 18 fvrier 2018 à 20:13
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Genèse du sous-marin nucléaire français



Si les Etats Unis ont été les premiers à accéder à l’énergie nucléaire, en produisant les premières « Bombes Atomique », c’est parce qu’elle a profité de certaines opportunités. Elle a su protéger et favoriser pour son compte, les recherches de brillants scientifiques fuyant la guerre, l’occupation, un régime dictatorial ou les persécutions à cause de leur origine.
Mais il ne faudrait pas oublier que les plus grandes pages de « l’Histoire de l’Atome au Nucléaire », ont été écrites par des savants européens, et certaines non des moindres par des Français.




De l’Atome antique à l’Atome quantique


Vers 450 avant J.-C., le philosophe grec Démocrite imagine que la matière est formée d'un assemblage de particules « insécables, impassibles et impérissables » : les atomes (du grec atomos : qui ne peut pas être coupé). Il faut pourtant attendre le tout début du XIXe siècle pour que la théorie atomique soit enfin scientifiquement formulée.

Aristote philosophe grec IIIème, siècle avant JC conteste cette existence par la théorie dite des quatre éléments selon laquelle toute matière est faite des 4 substances indestructibles : eau, feu, air, terre. Son prestige est tel qu’il faut attendre un vingtaine de siècles pour que l’idée atomiste soit évoquée à nouveau.
Au moyen-âge, l'alchimie née des progrès de la métallurgie et de l'insuffisance de la théorie des 4 éléments, représente la diversité de la matière. Le dessein de l'alchimie était d'obtenir la transmutation des métaux pauvre, le cuivre par exemple, en métaux nobles tels que l'or. La démarche de l'alchimie comme celle de l'astrologie établissait des liens symboliques qui unissaient le microcosme au macrocosme (monde des planètes). Par exemple, l'élément Plomb était associé à la planète Saturne. Les alchimistes développèrent l'observation, l'expérimentation, la mesure et la classification des éléments: l'alchimie donne naissance à la chimie.


En 1805, John Dalton reprend l’hypothèse atomique. Il suppose que les atomes se combinent entre eux sans modification de leur nature : un atome d’oxygène associé à deux atomes d’hydrogène donne de l’eau tandis que deux atomes d’oxygène associés à un atome de carbone donnent du gaz carbonique. Contrairement à Démocrite, ce savant ne différencie plus les atomes par leur forme mais par leur masse. Il voit les atomes comme des sphères.


En 1869, le chimiste russe Dimitri Mendeleïev réalise un tableau qui classe tous les éléments chimiques alors connus d'après leurs propriétés chimiques. Ce tableau servira plus tard à classer méthodiquement tous les atomes naturels et artificiels, d'après leur numéro atomique, suivant leur nombre de protons.


1895 RÔNTGEN Conrad (Allemand), cherche l’origine de la lumière blafarde issue d’un tube cathodique. En interposant un carton entre le tube et l'écran fluorescent qui sert de détecteur, le squelette de sa main apparaît sur l’écran. Il venait de réaliser la première radiographie. Cette invention va connaître très vite des applications médicales.
Faute de comprendre encore la nature du phénomène, on parlera de rayons «X».


1896 BECQUEREL Henri (Français), cherche une explication à la fluorescence, propriété
de certains corps de restituer la lumière. Les sels d'uranium font apparaître les corps, comme les rayons X, alors que nulle électricité ni lumière ne sont appliquées. Il les appelle modestement «rayons uraniques».


en 1897 Thompson, découvre le premier composant de l'atome: l'électron, particule de charge électrique négative.
En 1904, il propose un premier modèle d'atome, surnommé depuis "le pudding de Thompson" :
l’atome est une sphère remplie d'une substance électriquement positive et fourrée d'électrons négatifs "comme des raisins dans un cake".


1898 CURIE Pierre et marie (Français), Marie (SKLODOWSKA origine polonaise) effectue des recherches sur le rayonnement « X » de Becquerel. En manipulant du minerai d’uranium provenant de Bohème, elle découvre que le thorium a les mêmes propriétés que l’uranium. Mais ce minerai d'uranium est plus actif que l'uranium lui-même. En compagnie de Pierre, ils vont isoler un premier élément, auquel ils donneront le nom de polonium, puis un second encore plus actif : le radium. Parallèlement, ils étudient les différents types de rayonnements rencontrés. Pierre et Marie CURIE ont ainsi mis en évidence la propriété particulière de certains éléments : « la radioactivité ».


1903 Pierre et Marie Curie ainsi que Henri Becquerel reçoivent le prix Nobel de physique.


En 1912, Rutherford physicien néo-zélandais, découvre le noyau atomique. Son nouveau modèle d'atome montre que sa charge électrique est positive, et que l'essentiel de sa masse est concentré en un noyau quasi-ponctuel.
Les électrons de l'atome se déplacent autour de ce noyau tels des planètes autour du Soleil, d'où le nom de modèle d'atome planétaire.
Rutherford comprend que le noyau est lui-même composé de nucléons. Ces nucléons sont de deux sortes:
- de charge positive, c'est un proton.
- de charge neutre, c'est un neutron
Le neutron sera effectivement découvert en 1932 par Chadwick.
Le modèle planétaire de l'atome a un gros défaut. Les électrons peuvent émettre de la lumière sous certaines conditions, dans une ampoule électrique par exemple. Ils perdent alors de l'énergie et devraient donc se rapprocher du noyau jusqu'à s'y écraser. Un tel atome n’est donc pas stable.


en 1913 Niels Bohr crée un nouveau modèle d'atome: les orbites des électrons ne sont pas quelconques mais "quantifiées". Seules certaines orbites particulières sont permises. Ce n'est que lorsque l’électron saute d'une orbite à l'autre qu'il peut émettre ou absorber de la lumière (Photon).

Image attachée Image attachée


Albert Einstein s'intéresse à cette théorie dès sa publication. Il cherche en vain, le lien traitant à la fois
mécanique classique et mécanique quantique. Le modèle de Bohr est confirmé expérimentalement quelques années plus tard.

Anecdote :
En octobre 1927, Bohr rencontre pour la première fois Albert Einstein avec qui il aura de très fréquents entretiens jusqu'en 1935. Einstein défend le caractère provisoire de la théorie quantique et ne la considère pas satisfaisante. Bohr, au contraire, considère qu'il s'agit d'une théorie achevée. Lors d'un débat, Bohr se disputait avec Einstein à propos de la réalité de la physique quantique. À un moment donné Einstein, excédé, jeta à Niels Bohr :
- « Dieu ne joue pas aux dés ! », ce à quoi Bohr répondit :
- « Qui êtes-vous, Einstein, pour dire à Dieu ce qu'il doit faire ? ».



VERS LA PHYSIQUE QUANTIQUE

Le modèle de Bohr est le dernier modèle obéissant à la physique classique, c'est-à-dire la physique qui explique les mouvements et les phénomènes existant à notre échelle humaine. Ces modèles d'atomes sont donc faciles à comprendre et à se représenter. Ce modèle est toujours proposé pour le grand public.

Eh bien ce modèle est faux !

A partir de 1925 un nouveau formalisme mathématique démontre qu'il est impossible de connaître en même temps la vitesse et la position de l'électron. On ne considère plus l'électron comme une petite boule, mais comme quelque chose qui serait à l'origine d'un nuage appelé nuage électronique.
En 1932, la composition de l'atome sera définitivement établie. Le noyau apparaît comme un assemblage de "grains de matière" positifs et neutres, appelés respectivement "protons" et "neutrons", le tout baignant dans un nuage électronique.
A l'échelle atomique, de nouvelles lois s'appliquent. Ces lois appartiennent à une physique très éloignée de nos concepts courant: la physique quantique.


La continuité scientifique

On peut s'étonner que les idées émergent, tantôt dans un pays, tantôt dans un autre, dans une continuité apparente. Il s'agissait de petits labos comprenant une poignée de chercheurs, installés dans des locaux modestes avec des équipements très légers. La seule manière de préserver l'antériorité d'une expérience, à des fins de récompense pour la découverte, est de publier un article dans une revue scientifique, dont s'emparent aussitôt les concurrents pour tenter d'aller plus loin.



A suivre : L’épopée nucléaire en France de 1932 à 1939 ...


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Lazuli
posté mardi 20 fvrier 2018 à 18:26
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posté jeudi 22 fvrier 2018 à 20:12
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L’épopée nucléaire en France de 1932 à 1939



Avec les neutrons, les scientifiques disposent d'un «nouveau jouet », d'un nouveau projectile, qui présente le grand avantage de ne pas être repoussé par la charge électrique du noyau, quand on essaie de l'atteindre.


La Physique Nucléaire va pouvoir commencer.

Les noms d'Irène et de Frédéric JOLIOT-CURIE resteront attachés à la radioactivité artificielle.
(Irène Curie, fille de Pierre et Marie Curie et mariée à F. Joliot)
Fin 1933, à partir d'une expérience de bombardement d'une feuille d'aluminium par une source intense de polonium, ils mettent en évidence la production de phosphore 30 radioactif, isotope du phosphore 30 naturel. Cela signifie que l'on est capable de fabriquer par irradiation des éléments ayant les mêmes propriétés que les éléments naturels, plus une : la radioactivité. L'isotope radioactif pourra être repéré, là où l'élément naturel est indétectable. On voit rapidement toutes les applications qu'il est possible d'en tirer, notamment dans le domaine médical. La scintigraphie de la thyroïde, par exemple, est possible grâce à une injection d'iode radioactif, qui va, comme l'iode ordinaire, se concentrer dans la glande.

En 1935 la famille Curie complète sa collection de Prix Nobel par une distinction supplémentaire en 1935.


1938 : La Fission :
Lise MEITNER et Otto FRISCH, deux Autrichiens-Allemands exilés en SUEDE, qui trouvent en décembre 1938 l'explication capitale de l'énergie nucléaire : le phénomène de la Fission. Un neutron lancé contre 'un noyau d'uranium le fractionne en deux parties (Produits de Fission), en dégageant une quantité considérable d'énergie.

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Défaut de masse = Energie Nucléaire (énergie de liaison des nucléons)
La fission du noyau entraîne une perte de masse de 1 % environ et l'on calcule que 50 milligrammes d’uranium produisent autant d’énergie que 1 tonne de TNT.



Trois Découvertes capitales


1934 Celle de l'Italien Enrico FERMI, constatant que les neutrons ralentis par un trajet dans la paraffine par exemple ont une efficacité beaucoup plus grande que les neutrons ordinaires. Résultat paradoxal qui s'explique par la physique quantique. Des matériaux ralentisseurs, «modérateurs », comme l'eau lourde, seront donc à prévoir dans les futures installations.

1939 (Février) Celle de Niels BOHR, en février, qui met en évidence le fait que sur les deux isotopes contenus dans l'uranium naturel : U238 et U235, seul le second se prête à la fission, on dit qu'il est «fissible». C'est hélas le plus rare (0,72 % de l'uranium) ; d'où l'intérêt d'augmenter cette proportion pour obtenir un combustible plus réactif par des procédés d' « enrichissement » de l'uranium.


1939 (Avril) Celle enfin, et la plus essentielle, de Frédéric JOLIOT, Francis PERRIN, Lew KOWARSKI et Hans HALBAN, les quatre «Mousquetaires» français, qui publient, très peu de temps avant leurs concurrents américains, un article dans la revue «NATURE» démontrant que la fission du noyau de l'uranium s'accompagne de l'émission de 3,5 neutrons (nombre ramené plus tard à 2,4) qui peuvent à leur tour fragmenter d'autres noyaux et ainsi de suite, par un phénomène de «réaction en chaîne».

Cette réaction en chaîne exponentielle pourrait générer en une fraction de seconde des énergies colossales.

Leó Szilárd scientifique hongrois, ayant travaillé avec Einstein et connaissant les travaux des français, écrivit une lettre à Joliot le 2 février 1939, pour lui signifier que la réalisation de telles bombes était « extrêmement dangereuse, plus particulièrement entre les mains de certains gouvernements », et il demanda à Joliot de cesser toute publication ouverte sur ce sujet. Quelques jours plus tard, le 14 février, le physicien français adressa au ministère de l’Armement une note secrète de cinq pages dans laquelle il expliqua comment réaliser un engin explosif sur la base d’une réaction en chaîne et traitant du « perfectionnement des charges explosives » classé secret défense.

Début mai 1939, pour protéger la propriété de ses travaux, Joliot, avec son équipe, déposa les trois célèbres brevets. Ces brevets couvrent deux domaines importants qui touchent à la réalisation :
• des réacteurs nucléaires électrogènes
• d'armes nucléaires
On peut regretter que la guerre nous ait privés des retombées économiques de ces brevets.
Tout a été trouvé et tout reste à faire. La course à la réaction en chaîne est engagée.



LE TEMPS DE LA GUERRE 1939 – 1945

1939 (Eté)
L'Europe subit menaces et conflits. Les physiciens, habités par leur enthousiasme alors qu'ils se sentent si près du but, veulent croire encore que la science poursuivra sa route selon ses propres critères. La guerre va tout emporter dans une autre logique.
Le 2 août, A. EINSTEIN écrit au Président ROOSEVELT pour alerter son attention sur les efforts déployés par l'Allemagne, pour la mise au point d'une arme nucléaire. Le 1er septembre, la guerre éclate on frémit à l'idée,
que les nazis peuvent ouvrir les hostilités en possession de la bombe.

En France, les «quatre mousquetaires» et leurs associés se mettent pourtant à l'ouvrage. Il s'agit d'abord de rassembler les éléments indispensables à la réalisation d'une installation expérimentale de réaction en chaîne :
une «pile atomique».
L'uranium est trouvé auprès de l'Union Minière du Haut Katanga au Congo sous forme d'un prêt de 7 tonnes d'oxyde. Quant au modérateur, l'eau lourde, production exclusive de la Sté Norsk Hydro en Norvège, il fait l'objet d'une âpre compétition entre l’Allemagne et la France qui finira par l'emporter de haute lutte en s'appropriant le stock existant de 167 litres.

L'avance allemande vient bousculer tous les plans. Le Ministre de l'armement, Raoul DAUTRY demande à l'équipe française de se replier sur l'Angleterre, HALBAN et KOWARSKI la rejoignent le 18 juin 1940 avec le stock d'eau lourde. Joliot-Curie préfère rester au chevet de sa femme malade. Il tente de poursuivre ses recherches sur place ; il militera dans la résistance. Ainsi doit s'interrompre une entreprise que les Français avaient les meilleures chances de réussir les premiers.


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Il revient à la Grande-Bretagne de prendre le relais, pour une courte période cependant. Des Physiciens allemands réfugiés en Angleterre démontrent la possibilité de fabriquer une bombe avec 5 kg d'U235 et le Comité MAUD chargé des applications militaires de la fission évalue à trois ans le temps nécessaire pour y parvenir. La réalisation d'un tel projet s'avère impossible dans un pays exposé à des bombardements incessants et qui doit consacrer toute son énergie à résister à un éventuel débarquement. L'initiative passe de l'autre côté de l'Atlantique.

Les États-Unis étaient déjà préparés à cette éventualité. Dès octobre 1941, la fusion des recherches anglaises et américaines est proposée. Elle connaîtra des soubresauts, mais se maintiendra toujours. Le 7 décembre 1941, les Japonais attaquent Pearl Harbor précipitant les États-Unis dans la guerre. L'énorme machine américaine se met en route et va à marche forcée. L'Europe reste présente à travers l'équipe anglaise transférée à Montréal, elle-même renforcée par les physiciens français passés en Angleterre, auxquels se sont joints des éléments de la France libre Bertrand GOLDSCHMIDT, qui en faisait partie, a retracé cet épisode dans «l'Aventure Atomique».



MANHATTAN PROJECT


Ce n’est qu’au début de l’année 1942 que les États-Unis initièrent un programme visant à développer l’arme atomique. Cette décision, notifiée par une instruction présidentielle, fut prise peu après l’entrée en guerre du pays suite à l’attaque surprise de Pearl Harbour le 7 décembre 1941. L’engagement du gouvernement américain dans le développement de la bombe atomique se traduisit par le lancement le 16 août 1942 d’un vaste programme : le projet Manhattan, dont Robert OPPEHEIMER prendra la direction scientifique.

• Eté 1942 : lancement d'études sur l'enrichissement de l'uranium.

• 2 décembre 1942 : divergence (démarrage de la réaction en chaîne) de la première pile atomique à Chicago,
Sous la direction de Enrico FERMI.

• Les années 1943 et 44
voient la création et le développement de 3 grands sites :
- OAK RIDGE, dans le TENNESSEE, pour la production d'uranium,
- HANFORD, dans l'Etat de Washington, pour la production de plutonium,
- LOS ALAMOS, dans le Nouveau Mexique, pour la fabrication des armes et les essais nucléaires.

Les travaux menés dans ce cadre aboutirent à l’explosion du premier engin le 16 juillet 1945 dans le désert du Nouveau Mexique.


Les Français au Canada

Dans une semi-clandestinité les Français évoluent à Montréal et sont tenus au secret le plus absolu sur leurs activités, y compris vis-à-vis de leur gouvernement.

le 11 juillet 1944 à Ottawa, dans une arrière-salle isolée du siège de la délégation de la France libre, le français Jules GUERON, accompagné de deux autres compatriotes, Bertrand GOLDSCHMIDT et Pierre AUGER, révélèrent au Général De GAULLE les perspectives de la fission et surtout les développements en cours aux États-Unis pour la mise au point d’une bombe atomique, dont ils estimaient le succès quasi certain. L’entretien dura seulement trois minutes. Le Général n’oubliera pas.

La présence des scientifiques français au Canada permettra de rester dans la course et d'acquérir une expérience qui se révèlera précieuse par la suite. La participation de L. KOWARSKI à la construction de la grande pile canadienne à eau lourde de Chalk River, apportera toute l’expertise nécessaire à la réalisation de la pile française ZOE, de même concernant les travaux de B. GOLDCHMIDT sur l'extraction du plutonium.



L’aboutissement du programme américain conduira à la fabrication des bombes:

• 16 juillet 1945 : première explosion nucléaire expérimentale à ALAMOGORDO

• 6 août 1945 : destruction d'HIROSHIMA par une bombe à l'uranium 235

• 8 août 1945 : destruction de NAGASAKI par une bombe au plutonium




La Renaissance de l’activité nucléaire en France


PARIS est libéré en août 1944.
La FRANCE reprend peu à peu possession de son territoire. Dès le mois de décembre 1944, HALBAN fait un aller et retour Montréal - Paris pour prendre contact avec JOLIOT à propos des brevets français. Fin 1945, la guerre terminée, les «Canadiens» retrouvent la « Mère Patrie » et l'équipe se reconstitue tout naturellement autour de Frédéric JOLIOT-CURIE, dont le prestige demeure incontesté. Il a été nommé Directeur du CNRS.

A la tête de la France, le Général De GAULLE préside le gouvernement provisoire. L'une des premières décisions est la création d'un organisme spécifique chargé de développer les applications de l'énergie atomique. Cela met en évidence l'enjeu stratégique du nucléaire et les potentialités qu'il laisse espérer dans le domaine de l'énergie.

L'Ordonnance du 18 octobre 1945 instituant le COMMISSARIAT A L' ENERGIE ATOMIQUE en fait une structure très originale parmi les établissements publics français. Il est très proche du Gouvernement et pour ainsi dire mêlé à lui. Son Comité, équivalent d'un Conseil d'Administration, est présidé par le Chef du Gouvernement lui-même. Mais il dispose en même temps d'une grande liberté d'action et sa gestion est régie par le droit privé. Autre particularité : deux responsables se partagent la direction du CEA :

• Le Haut-Commissaire pour les questions scientifiques et techniques.

• L'Administrateur Général, délégué du Gouvernement, pour les attributions d'ordre administratif et financier.

Les deux premiers titulaires ne nous sont pas inconnus, puisqu'il s'agit de Frédéric JOLIOT-CURIE en qualité de Haut-Commissaire et de Raoul DAUTRY, l'ancien Ministre de l'Armement, pour le poste d'Administrateur Général. Ce sont, pourrait-on dire, des hommes du sérail. La route est libre pour reprendre l'entreprise interrompue.



A suivre ...






Références :

l’énergie nucléaire en France de 1895 à nos jours - Conférence tenue en Mars 2007. Alain MALLEVRE
Direction des applications militaires – C.E.A.
.

Ce message a été modifié par <S639>AMAZONE - mardi 27 fvrier 2018 à 19:15.


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DSM
posté jeudi 22 fvrier 2018 à 22:25
Message #10


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<S639>AMAZ...
posté mercredi 28 fvrier 2018 à 23:35
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La reconstruction de la France et le Programme Nucléaire



En 1945, Raoul DAUTRY, ministre de la reconstruction et de l'urbanisme informe le général De GAULLE, alors président du Gouvernement provisoire, que le nucléaire bénéficierait à la reconstruction ainsi qu'à la Défense Nationale.
Et de même déclarait Fréderic JOLIOT-CURIE :
- « je vous la ferai, mon général, votre bombe !»

L’euphorie de la victoire étant passée, les réalités financières pour relever le pays, et les tiraillements politiques conduisirent à une certaine amnésie concernant les engagements prononcés en faveur d’une France indépendante.
Le nucléaire militaire n’est plus une priorité :
- « je suis ministre de la reconstruction, pas de la destruction » dira Dautry.
Sous l’influence de JOLIOT, un mouvement pacifiste s’instaure au sein du CEA.
Le 28 avril 1950, JOLIOT-CURIE est révoqué de son poste de haut-commissaire du CEA par Georges BIDAULT, président du Conseil. Il lui fut reproché sa forte implication dans la diffusion de « l’Appel de Stockholm » et aussi ses sympathies envers le P.C.F. alors caisse de résonnance de l’U.R.S.S. en plein contexte de guerre froide. Il avait déclaré au cours d'un meeting d'avril 1950 :
- « Les savants communistes et progressistes ne donneront pas une miette de leur savoir pour la bombe atomique ».




Premier Plan Quinquennal

Dans ce contexte, la France réalise un programme nucléaire civil. La divergence en 1948 de la première pile atomique expérimentale française (baptisée « Zoé » va permettre d’envisager désormais le passage à un stade industriel. Les travaux du CEA reçoivent alors une impulsion décisive au niveau politique en la personne d’un jeune député, Félix GAILLARD, que Bertrand GOLDCHMIDT a sensibilisé aux questions nucléaires. Nommé en août 1951, très vite, il impose l’idée d’un plan nucléaire à long terme. Ce plan quinquennal qui est voté par le Parlement en 1952, sous le gouvernement d’Antoine PINAY prévoit la construction de deux piles atomiques au graphite ainsi que l’usine d’extraction de plutonium correspondante, la priorité allant à l’époque à la voie de l’uranium naturel.
Si la finalité de ce plan est alors essentiellement civile, on a à l’esprit que l’extraction du plutonium est sans préjuger de la décision finale, la volonté de laisser ouverte la voie menant au programme militaire. Succédant en 1951 à DAUTRY comme administrateur général, Pierre GUILLAUMAT tient fermement le cap dans cette direction en faisant front l’année suivante à une campagne de presse hostile à « la dérive militariste » du CEA, puis en 1954 à une manifestation pacifiste de grande ampleur au sein même du Commissariat.



L’année 1954 marque un tournant décisif, un certain nombre de circonstances convergent en effet et posent opportunément la question du lancement possible d’un programme nucléaire militaire proprement français :

• Diên Biên Phu : deux jours avant le déclenchement de l’offensive contre le camp retranché français, le Comité de la Défense nationale considère le 11 mars 1954 que la question d’une intervention aérienne massive contre les éléments Viêt-minh doit être posée aux autorités américaines. Fin mars, un Comité de défense restreint arrive à la conclusion que seule une intervention militaire immédiate, si possible nucléaire, est en mesure de sauver le contingent français. Du côté américain, on ne donne pas suite à cette demande.

• La chute de Diên Biên Phu va produire un choc ; elle met en évidence les limites d’une alliance militaire incertaine avec Washington, même s’il est exclu à l’époque de mener une politique militaire indépendamment de l’allié américain.

• Dans une note adressée en mars 1954 à René PLEVEN, alors ministre de la Défense, le chef d’état-major général des forces armées, le général Paul ÉLY, souligne l’importance du potentiel nucléaire. Il estime que ce potentiel devient un critère déterminant dans la définition d’une « grande puissance ».
Les chefs d’état-major arrivent à la conclusion que la France ne peut différer son effort dans le domaine des armes nucléaires sans risquer d’être devancée par d’autres puissances occidentales.

• « L’alerte CED » : le projet de traité relatif à la Communauté européenne de défense comporte une clause qui interdit aux États membres d’entreprendre en toute liberté un programme atomique militaire. Pierre GUILLAUMAT s’emploie à contrer vigoureusement la clause restrictive du projet de traité CED que le ministère des Affaires étrangères ne lui avait même pas signalé.

• Le général De GAULLE sort de son silence et déclare en mars 1954 que si ce traité venait à être ratifié, la France serait encore plus dépendante de ses alliés. Elle ne disposerait plus d’elle-même, c’est-à-dire de sa propre armée et de l’accès aux armements nucléaires. La menace tombe lorsque le Parlement rejette le traité CED en août 1954.

• Septembre-octobre 1954, le président du Conseil Pierre MENDES-FRANCE s’ingénie à écarter tous les obstacles juridiques et politiques qui prétendent encore interdire l’accès de la France au « club atomique ». Ainsi, lors de la conférence de Londres, la France parvient à obtenir un compromis qui ôte toute contrainte dans ce domaine.




Programme militaire … Programme clandestin

Pierre Mendès France, président du Conseil de juin 1954 à février 1955, prend conscience du décalage existant dans les négociations internationales (accords de Paris, négociations sur le désarmement à l’ONU).

Six mois après son arrivée au pouvoir, Mendès France va s’orienter résolument en direction d’un programme nucléaire militaire français en posant très vite la question de sa faisabilité. Il signe le 26 octobre 1954 un décret secret créant la Commission supérieure des applications militaires de l’énergie atomique CSAMEA, dont la mission est précisément de coordonner le futur programme nucléaire militaire. La présidence du Comité des explosifs nucléaires CEN, créé par un arrêté secret le 4 novembre suivant, fut confiée au général Jean CREPIN, alors secrétaire général permanent de la Défense nationale.

Création du comité mixte armées-CEA
Yves ROCARD pour le CEA, et l’ingénieur en chef CHANSON pour les armées, sont chargés d’étudier le problème du fonctionnement de l’arme nucléaire au plutonium suivant le programme arrêté par le Gouvernement.

Le CEN (Comité des explosifs nucléaires) remet un projet au président du Conseil le 24 décembre 1954, en expliquant que la réalisation d’un tel programme dépend :

• de la réalisation de deux réacteurs nucléaires susceptibles de produire 70 à 80 kg de plutonium par an,

• de la mise sur pied d’équipes scientifiques et techniques sous la responsabilité d’un Bureau d’études générales, BEG rattaché au CEA,

• de la création d’un centre d’essais au Sahara, ainsi que d’un réseau de détection permanente des essais.


Dès le 26 décembre, Pierre Mendès France convoque une réunion rassemblant une quarantaine d’experts pour faire le point. Les révélations faites par le général CREPIN lors d’un colloque en 1984 sont sans ambiguïtés.
Il fallait prendre la décision :

• de lancer un programme de fabrication d’armes nucléaires et de sous-marins nucléaires ;

• la décision serait gardée secrète ;

• enfin le ministre de la Défense présenterait un projet de décision devant le Conseil des ministres.


Mais, seule cette dernière décision n’allait pas avoir de suite, car le gouvernement MENDES-FRANCE fut renversé quelques semaines plus tard. Toutefois, le 28 décembre 1954, le BEG, ancêtre de la Direction des applications militaires du CEA allait tracer la voie.



La propulsion navale nucléaire

Le Nautilus frappa les esprits en réussissant à parcourir, à des vitesses inconcevables pour un sous-marin conventionnel, une distance équivalente à deux fois et demie le tour de la terre tout en ne consommant que quelques kilogrammes du précieux uranium-235.

C'est à la suite de ce succès que furent conçus à partir des années 1955-1960 les premiers réacteurs à des fins civiles destinés à produire de l'électricité. Développés dans le cadre du programme Atoms for Peace du Président Eisenhower (1953), ils sont les héritiers des prototypes de réacteurs de propulsion navale.



Programme Q 244

Le sous-marin « atomique »Français devait être armé de huit tubes et 20 torpilles de réserve et éventuellement de missiles aérodynamiques. La définition du besoin militaire, établissait alors l’étude de la faisabilité des missiles à explosif « nucléaire ». Il était question d’armes tactiques, dont la mise en œuvre pourrait se faire par des rampes escamotables soit dans les superstructures soit sous le pont.
Lors de la mise en chantier, le nom Gymnote était retenu. Sauf autre considération de reconnaissance historique, ou d’aléas techniques, le lancement aurait eu lieu sous cette appellation. Et encore rien de sûr, car comme nous le verrons plus tard, le changement peut aussi ce faire après lancement, en le rebaptisant. Nous pourrions citer bien des exemples, comme celui des sous-marins construits durant cette période :
*** lorsque le ministre a décidé de donner des noms aux deux premiers sous-marins de Type 400 t désignés alors par leurs numéros de coque Q 235 et Q 236, sans doute mal conseillé, il les a appelés Argonaute et Aréthuse. Quelqu'un a alors fait remarquer qu'il y avait déjà un type Argonaute. En vertu de l’infaillibilité du pouvoir, une décision complémentaire a été prise: les sous-marins seront du type Aréthuse. Aujourd'hui encore, il existe une confusion entre les deux noms et l'histoire de ces bâtiments. A la page 225 du livre de Henri Le Masson, on peut lire «avant que l'Aréthuse n'entre en service en octobre 1958». Et bien non, ce n'était pas l'Aréthuse, mais l'Argonaute.


Le Type de Réacteur Nucléaire … un mauvais choix

Il y avait d’énormes problèmes à résoudre sur le plan technique, l’option retenue pour la propulsion, par la force des choses afin de garder toute indépendance, était un réacteur à uranium naturel et à eau lourde. Les américains désireux de garder toute suprématie avec leur « Nautilus » refusait d’accorder la moindre coopération, concernant les réacteurs à uranium enrichi.

Le phénomène de réaction en chaîne est utilisé dans les réacteurs et les armes nucléaires pour générer un grand nombre de fissions. Dans un réacteur la propagation des fissions se fait d'une manière contrôlée, dans une arme nucléaire d'une façon incontrôlée, explosive.

La fission de l'uranium 235 (U 5) produit 2,47 neutrons éjectés à grande énergie. Ils sont « Rapides ».
Le nombre de neutrons disponibles pour de nouvelles fissions dépend :
• de l'abondance des noyaux fissiles
• des pertes dues aux neutrons qui quittent le cœur du réacteur
• d'autres noyaux (matériaux) « neutrophages et stériles ».

Le fonctionnement d'un réacteur utilisant l'uranium naturel est délicat, car ce dernier ne contient qu'une faible proportion - 0,70 % - d'uranium 235 le reste étant de l’uranium 238 (U 8).

La probabilité de fission est fonction de l'énergie du neutron capturé.
Pour l'uranium 235, elle est maximale avec des neutrons de très basse énergie, dit neutrons thermiques. Il faut ralentir les neutrons le plus vite possible, pour éviter qu'ils soient capturés en route par d'autres noyaux et donc perdus. A cet effet, les matières fissiles sont mises en présence d'un milieu ralentisseur (eau ou graphite), appelé «modérateur».
Pour les réacteurs à U naturel, l’eau (H2O) a l’inconvénient d’avoir un rapport «Captures Neutrophages» et «Thermalisation», défavorable pour entretenir la criticité. L’Eau Lourde (D2O), ayant l’isotope deutérium favorise d’avantage le bilan neutronique.

• Inconvénients du réacteur U naturel :
Le cœur d’un tel réacteur nécessite un volume prohibitif pour une coque de sous-marin.
La conduite d’un tel réacteur ne correspond pas aux nécessités militaires pour la propulsion.

• Avantages :
Combustible facile à réaliser en évitant l’enrichissement en U 5.
U 8 (uranium 238 présent à 99,7 %), certes « non fissile », est « Fertile »




La transformation d'un noyau fertile en un noyau fissile : plutonium-239

L'uranium-238 constitue plus de 99 % de l'uranium présent dans le cœur des réacteurs à U Nat. Il participe marginalement à la réaction en chaîne.
Par capture d'un neutron, il se transforme en noyau de plutonium 239 (Pu 9) qui subira une fission s'il capte à son tour un neutron Rapide.
D'une certaine façon, l' U 8 fissionne à retardement avec intermédiaires. Il génère du combustible sous forme de noyaux fissiles : il est dit fertile.

Image attachée


Le fait de disposer ainsi du Plutonium, après séparation et traitement du « combustible irradié », confortait ce choix de réacteur à U Nat. On disposait alors d’une importante production de plutonium pour la fabrication des bombes.


Peut-on penser que les volontés « pacifistes » des sommités scientifiques, aient quelque peu embrouillé la recherche ?
Pourquoi avoir imposé la filière uranium naturel ?

• Rappelons-nous, en 1934 l'Italien Enrico FERMI, constatait que les neutrons ralentis par un trajet dans la paraffine ont une efficacité beaucoup plus grande que les neutrons ordinaires (Rapides). Résultat, des matériaux ralentisseurs «modérateurs », seront donc à prévoir dans les futures installations.
• Grâce à l’uranium 235 isolé par NIER, John DUNNING put en mesurer le 2 mars 1940 la section efficace de fission par neutrons lents, et confirmer qu’il était le seul fissile comme l’avaient prévu BOHR et WHEELER.
• Les américains se sont donné la capacité industrielle d’enrichir l’uranium en U-5 pour leurs réacteurs, et cela en moins de dix ans après la divergence de la première pile de Chicago sous la direction de FERMI.




N’étions-nous pas les premiers dans ce domaine ?

En mai 1939, Frédéric JOLIOT, prix Nobel de Physique 1935 avec sa femme Irène Curie (elle-même fille des prix Nobel 1903 Pierre et Marie Curie), dépose, avec son équipe du Collège de France trois brevets portant sur l’utilisation de l’énergie nucléaire. Intitulés :
• Dispositif de production d’énergie,
• Procédés de stabilisation d’un dispositif de production d’énergie,
• Perfectionnement aux charges explosives.


Ces brevets reposent sur le mécanisme de fission nucléaire découvert quelques mois auparavant par des chercheurs autrichiens.
(Voir page précédente … L’épopée nucléaire en France de 1932 à 1939 … Lise MEITNER et Otto FRISCH)

Le contrôle ou non de cette « réaction en chaine », dont l’équipe du Collège de France a l’intuition la première, est le fondement des « brevets JOLIOT » qui portent sur l’exploitation de cette énergie d’origine nucléaire.

• Deux brevets supplémentaires sont déposés début 1940, portant sur l’enrichissement de l’uranium U-5 et sur la géométrie des «modérateurs», matériaux permettant le contrôle des réactions nucléaires.


Au début de la guerre, deux collaborateurs de F. JOLIOT, codétenteurs des brevets fondamentaux, se réfugient à Londres où ils prennent contacts avec les autorités gérant la question nucléaire sur fond d’exploitation offensive de la fission. Ils y déposent également de nouveaux brevets en 1940 et 1942, et négocient des accords avec les autorités anglaises.
Au sortir de la guerre, la propriété des brevets initiaux est transférée au CEA, créé trois mois après Hiroshima et Nagasaki, qui entreprend des négociations avec les autorités nucléaires anglaises. Si un accord partiel est courtoisement conclu dès 1948, certains aspects ou prolongements des accords traineront encore jusqu’en 1960.

Aux États-Unis, la question prend une autre tournure.
Les brevets originaux sont rejetés en novembre 1941 pour insuffisance de description des dispositifs envisagés. La loi américaine enregistre des inventions exploitables, pas de simples idées. Dans un contexte de communication déjà difficile avec la France occupée, la mise au secret à partir de 1942 et jusqu’en 1949 de tout ce qui touche à l’énergie nucléaire aux USA verrouille toute revendication française sur ces brevets. Plus encore en 1946 l’Atomic Energy Act interdit aux États-Unis tout brevet lié à des matières fissiles, et même tout échange d’information sur ce sujet.

Les démarches françaises ne reprennent qu’en 1954 avec l’assouplissement des règles américaines sur le nucléaire et l’ouverture par le CEA de deux procédures parallèles, potentiellement contradictoires, cherchant en même temps à faire reconnaître ses brevets et à se faire indemniser de manière forfaitaire pour leur utilisation pendant la guerre. Jusqu’au début des années 60 la situation parait complètement bloquée, mais à partir de 1963, les choses s’arrangent progressivement.


En 1968, l’antériorité française des découvertes fondamentales dans les technologies nucléaires est reconnue officiellement lors d’une cérémonie à Washington Un «dédommagement» de 35 000 $ est consenti pour les inventeurs dont deux sont décédés entretemps, somme dérisoire sans aucune commune mesure avec les frais de justice engagés.

Le CEA n’avait pas assez de volonté pour créer les structures nécessaires à l’enrichissement en isotopes U-235, hélas la seule voie possible, dans ce contexte technologique, d’aboutir à une chaudière nucléaire acceptable pour la propulsion navale.


Quoi qu’il en soit, les ingénieurs français ont fait avec ce qu’ils disposaient.


Dans le gouvernement d’Edgar FAURE (Février 1955-Février 1956), afin d’assurer la pérennité de ce programme et la cohésion des travaux entre le CEA et les armées, des protocoles entre les différentes parties sont mis en place. Le premier est signé le 20 Mai 1955 par Gaston PALEWSKI, le général KŒNIG et le ministre des Finances.
Ce protocole qui couvre la période 1955-1957, donne au plan quinquennal de 1952 la connotation militaire qu’il n’avait pas jusque-là.

Le sous-marin Q-244 (Gymnote) faisait bien partie d’un programme militaire, lui-même inscrit dans un programme « nucléaire ».





A suivre …






*** Aréhuse Argonaute
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U 2518
posté jeudi 01 mars 2018 à 18:28
Message #12


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Vent frais

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Un dossier sur le "Nuc" passionnant, chaque chapitre est une découverte.


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DSM
posté jeudi 01 mars 2018 à 20:21
Message #13


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Toujours aussi passionnant, quel travail de recherche et documentation bien.gif , le résultat est clair, facile a comprendre et très instructif. smile.gif
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Lazuli
posté samedi 03 mars 2018 à 14:36
Message #14


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Tempête

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ça c'est du doc. Quand Amaz' l'aura fini, il faudra le compiler sur un PDF.

Merci Amazone smile.gif


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Lazuli
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<S639>AMAZ...
posté mardi 06 mars 2018 à 20:13
Message #15


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Fort coup de vent

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Equilibre Est-Ouest



Après le succès en 1949 de la première bombe atomique de l’U.R.S.S., KHROUCHTCHEV, successeur de STALINE à partir de 1953, décide de changer de tactique. Il propose la mise en place d'une coexistence pacifique. S'il s'agit de gagner du temps pour renforcer son pays, il veut également séduire les pays du tiers-monde en leur donnant une image positive. Leader du bloc de l'Est, l'URSS deviendrait une référence pour les pays du Sud. Pour réussir, KHROUCHTCHEV engage des réformes (la déstalinisation) et donne la priorité à des projets prestigieux comme le programme des missiles balistiques, la conquête de l'espace.
Les Russes se montrent ainsi capables de faire mieux que les Américains.
La « coexistence pacifique » apaise les relations Est-Ouest. Les deux grands trouvent des terrains d'entente et jouent les arbitres dans de nombreux conflits.




La continuité sous la IVème République


La continuité du programme militaire dans l’instabilité de la IVème République,
Pourrait-être un oxymore surprenant.


Mais la IVe République était quelque peu tempérée par le faible renouvellement du personnel politique, quand ce n’était pas un jeu de «chaise musicale», dans la continuité des fonctions sous divers cabinets ministériels.
On citera notamment :
- Raoul DAUTRY, administrateur général du CEA de 1945 à 1951,
- Félix GAILLARD, chargé de suivre le dossier nucléaire sous trois gouvernements avant de diriger le sien,
- René PLEVEN, ministre de la Défense sous trois gouvernements successifs (de mars 1952 à juin 1954) et président du Conseil à deux reprises,
- Maurice BOURGES- MAUNOURY, secrétaire d’État à la présidence du Conseil, ministre de l’Armement, ministre de la Défense à plusieurs reprises et président du Conseil.


Il est étonnant de voir les contradictions, entre les discours fortement teintés de pacifisme de certains responsables politiques de la IVe République, au sujet de l’arme atomique et les actions qu’ils mènent dans ce domaine lorsqu’ils accèdent au pouvoir. On vient de voir les actions entreprises sous le gouvernement Edgar Faure par PALEWSKi et KŒNIG, deux proches du général de GAULLE. Il en va de même de Guy MOLLET, président du Conseil de février 1956 à juin 1957, qui de surcroît va bénéficier de la durée. Il prend acte de la situation internationale pour faire évoluer sa position. Il s’efforce une fois arrivé au pouvoir de faire respecter le rang de la France dans les négociations internationales en donnant une nouvelle impulsion au programme atomique militaire.



Deux événements décisifs conduisirent à cette orientation politique :

• L’«Alerte EURATOM» : en juillet 1956, lors du débat à l’Assemblée nationale sur l’EURATOM (la Communauté européenne de l’énergie atomique).

• La crise de Suez (octobre-novembre 1956) va, comme pour Diên Biên Phû, précipiter les décisions, en démontrant une fois de plus les limites de l’alliance.



Alerte Euratom

Guy Mollet engage la France à ne pas faire exploser de bombe atomique avant 1961, le temps de constater les répercussions de ce moratoire sur le plan international.
Mais, il ajoute que rien, pas même EURATOM, ne peut interdire à la France «d’orienter au moment qu’elle jugerait opportun, avant même la fin du moratoire, une partie de son plan national d’équipement atomique vers des réalisations susceptibles d’être affecté ultérieurement à des fins militaires».
Comme pour l’affaire de la CED, le gouvernement s’efforce de ne pas se lier les mains par des accords internationaux. Grâce à l’insistance de Maurice BOURGES-MAUNOURY, ministre de la Défense, et de Jacques CHABAN-DELMAS, ministre d’État (un proche également du général de Gaulle), un compromis est trouvé spécifiant qu’à l’issue du moratoire, le développement par un pays d’un programme nucléaire militaire serait sujet à la simple consultation des États membres de l’EURATOM et non à leur approbation.


La crise de Suez

Le Canal de Suez a été financé par la France et le gouvernement égyptien. Le Royaume-Uni racheta ensuite la part de l'Égypte.
Durant l'année 1956, la tension s'accroît entre Israël et l'Égypte avec les raids menés par les combattants Fedayin palestiniens sur le territoire israélien. L'Égypte, dirigée par Gamal Abdel NASSER, bloque le golfe d'Aqaba et ferme le canal de Suez aux navires israéliens.
Lorsque NASSER décide de reconnaître la Chine communiste, les États-Unis se retirent du financement du barrage d'Assouan, le 19 juillet.
En réponse à ce retrait, l'Égypte, unilatéralement, décide de nationaliser le canal de Suez, voie commerciale vitale pour le pétrole, alors détenue à 45?% par l'économie franco-britannique. La compagnie riposte par le retrait de ses techniciens britanniques et français.

La France et la Grande-Bretagne préparent une opération militaire d’envergure, baptisée «Musketeer» (Mousquetaire), pour les Anglais et «Opération 700» pour les Français. La mission est de reprendre le contrôle du canal. Le plan prévoit également une offensive israélienne contre l’Égypte qui débute le 29 octobre.

Les États-Unis, en période électorale ne tiennent pas à voir éclater un nouveau conflit.

La menace soviétique :
Au moment où l'armée israélienne s'empare de la presqu'île du Sinaï et atteint le canal de Suez, une mise en garde très ferme de l'Union soviétique stoppe l'offensive. Israël doit se replier sur ses frontières de 1949.
L'URSS menace la France, le Royaume-Uni et Israël d'une riposte nucléaire.
L'OTAN rappelle à l'URSS qu'elle riposterait en ce cas.
Les États-Unis, passifs jusque-là, exigent le retrait des forces occidentales pour désamorcer la crise.

En démontrant une fois de plus les limites de l’alliance avec les États-Unis, au moment crucial où l’Union soviétique menace de recourir à une frappe nucléaire si la France et la Grande-Bretagne ne se retirent pas d’Égypte, la garantie américaine vis-à-vis de ses deux alliés de l’OTAN se révèle défaillante. L’année suivante, la crédibilité du « parapluie américain » est de nouveau mise à mal avec le lancement du premier missile intercontinental soviétique et la mise en orbite du premier satellite artificiel.




Confirmation du Programme Atomique Français

Dans ce contexte, un nouveau protocole est signé le 30 novembre 1956 entre le ministre de la Défense, Maurice BOURGES-MAUNOURY et Georges GUILLE, alors secrétaire d’État à la présidence du Conseil chargé de l’énergie atomique, afin de répartir les tâches entre le CEA et les armées pour la période 1957-1961.
Le 18 mars 1957, une décision commune du ministre des Armées et du CEA créée un groupe mixte armées-CEA des expérimentations nucléaires.

Comme la réalisation de la chaufferie nucléaire du Q-244 ne semblait pas aboutir, il était nécessaire de se concentrer sur le vecteur le plus probable d’une arme atomique : le Bombardier. Les premières commandes d’avion bombardier * Mirage IV * sont en effet passées aux Avions Marcel Dassault dès avril 1957.

Le président du Conseil Maurice BOURGES-MAUNOURY, fervent partisan de l’arme nucléaire, fait voter par le Parlement le deuxième plan quinquennal de l’énergie atomique en juillet 1957. Ce plan va permettre au CEA de développer ses travaux dans le domaine de la séparation isotopique, avec comme objectif de doter le pays de combustibles, uranium enrichi en U-235 pour la propulsion de sous-marins et permettre à la France l’accès au domaine thermonucléaire. Le même mois, il est décidé d’implanter dans le Sahara algérien, à Reggane le centre d’expérimentation, à environ 700 kilomètres au Sud de Colomb Béchard. Les armées étant chargées de diriger sur le terrain la préparation et l’exécution des essais nucléaires. Puis, sous le gouvernement de Félix GAILLARD (novembre 1957-mai 1958), elles commencent à aménager le site des expérimentations.

Image attachée



En tant que commandant interarmées des armes spéciales, le général AILLERET devient, à partir de février 1958, le responsable de l’organisation de ces essais. Le mois précédent, l’usine d’extraction du plutonium de Marcoule est entrée en service.



Image attachée


L’action des réseaux issus de la Résistance contribuent efficacement à la continuité du programme, à travers des hommes comme Albert BUCHALET, Maurice BOURGES-MAUNOURY, Jacques CHABAN-DELMAS, Jean CREPIN, Félix GAILLARD, Pierre GALLOIS, Bertrand GOLDSCHMIDT, Pierre GUILLAUMAT, Pierre KOENIG, René MAYER, Pierre MENDES FRANCE, Guy MOLLET, Gaston PALEWSKI, René PLEVEN, Yves ROCARD …



La tâche est considérable. Il faut tout à la fois :
• créer et équiper des centres d'études pour développer les recherches indispensables aux réalisations nucléaires
• construire et faire fonctionner des réacteurs capables de produire de l'électricité
• ne pas perdre de vue les applications militaires.

Ce dernier point est le plus délicat. L'hypothèse de la possession de l’arme nucléaire a été implicitement retenue par les responsables, mais on usera d'une certaine ambiguïté dans la présentation des projets pour se frayer un chemin à travers des majorités politiques opposées
Tout un dispositif se mettait en place, soigneusement protégé par le Secret Défense. Il était recommandé la plus grande discrétion sur l'existence de ces activités et de ces sites.



Le 11 avril 1958, le président du Conseil, Félix GAILLARD, signe une décision ordonnant de prendre toutes les mesures permettant de réaliser à partir du premier trimestre 1960, sur ordre gouvernemental, la première série d’explosions expérimentales d’engins atomiques. Cette décision secrète a été prise par celui qui avait initié le lancement du premier plan quinquennal de l’énergie atomique.






A suivre :
Politique d’indépendance nationale et Officialisation du programme




*** Mirage IV ***

Suite à la crise de Suez d’octobre 1956, la France décide d’étudier la mise en place d’une « Force stratégique d’intervention », dotée d’armes atomiques :
l’avion d’abord, un engin balistique ensuite.
En effet, en dehors de l’effet d’échelle, l’échauffement cinétique est très différent. Le Mirage IV est choisi. Alors que le Mirage III ne peut soutenir Mach 2 que pendant quelques minutes, le Mirage IV doit s’y maintenir environ plus de la trentaine nécessaire à la stabilisation des températures sur l’ensemble de la structure externe et dans les caissons internes qui renferment les équipements et les fluides : pétrole et liquide hydraulique. Une étude thermique complète de chaque composant doit donc être entreprise. L’industrie française des équipements fait face à la quasi-totalité des demandes. Les caractéristiques du bombardier, définies conjointement par les services officiels et la société Dassault, sont approuvées le 20 mars 1957.

Image attachée

Le Mirage IV 01 est un prototype expérimental destiné à découvrir les problèmes liés au vol supersonique prolongé. L’allure générale du Mirage IV 01 est très voisine de celle du Mirage III A mais à échelle 2 pour sa surface, sa motorisation et son poids à vide. En revanche, il emporte trois fois plus de pétrole interne.



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DSM
posté mercredi 07 mars 2018 à 08:13
Message #16


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Ouragan

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Merci pour la technicité et l’impartialité de tes articles.
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motrius
posté mercredi 07 mars 2018 à 08:24
Message #17


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Tempête

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Merci pour cette documentation extrêmement détaillée !! wink.gif


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U 2518
posté mercredi 07 mars 2018 à 18:19
Message #18


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Amazone t'as fait un travail de recherche fouillé, traduit de façon dynamique, bravo
bien.gif


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NoLive
posté jeudi 08 mars 2018 à 11:22
Message #19


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Excellent ! 20/20 ! bien.gif
Merci pour ce poste fort d'Histoire, d'informations, de précisions !
Encore beer.gif ! J'ai pas fini mon paquet de chips wink.gif

Ce message a été modifié par NoLive - jeudi 08 mars 2018 à 11:23.


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Plus ca rate, plus ca a de chance de reussir!
Pour faire le moins de mécontents possible, il faut toujours taper sur les mêmes!

Quand Chuck Norris s’est mis au judo, David Douillet s’est mis aux pièces jaunes.
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L'Apache
posté jeudi 08 mars 2018 à 21:38
Message #20


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On découvre comment se fait l'Histoire, c'est innatendu et passionnant !!! Merci et bravo pour cette narration vraiment unique

icon_boire.gif icon_boire.gif

on attend avec soif un autre épisode, tu nous as mis l'eau à la bouche là wink.gif


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Les balles traçantes sont efficaces dans les deux sens.... . . . . . . . . ....Le bruit tue
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<S639>AMAZ...
posté mercredi 21 mars 2018 à 20:03
Message #21


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Programme Nucléaire et Force Stratégique


Si la France veut tenir son rang dans le monde, elle se doit d’accéder au statut de puissance atomique et de s’équiper de façon autonome, de sa propre «force de frappe». Celle-ci devra, si possible, comprendre les trois composantes Air, Terre et Mer dont ont entrepris de se doter les deux «Grands Pays» USA et URSS.



La Ve République

Charles De GAULLE dernier président du conseil de la IVe République le 1er juin 1958, puis élu comme premier président de la Ve République le 21 décembre de cette même année, va donner en quelques années les impulsions fondamentales. Il bénéficie de l’entreprise politique menée depuis 1954 au sujet du programme atomique et réalisée dans l’extrême discrétion, par les gouvernements successifs de la IVe République.

Le «retour aux affaires» du Général DE GAULLE donne une dynamique nouvelle au nucléaire, auquel il a toujours prêté une grande attention. Elle coïncide avec le moment où les investissements en équipements et en recherches commencent à porter leurs fruits.
Trois évènements importants marquent cette période :
• la maîtrise de l'arme atomique ...
• la construction de l'usine d'enrichissement d'uranium de PIERRELATTE
• le début du programme électronucléaire EDF ; Sans oublier les activités de recherche et développement.




Officialisation du Programme Nucléaire


Les orientations du programme militaire

Le Général «veut la bombe» et toutes les pressions internationales n'entameront pas sa détermination. Les recherches militaires, qui avançaient à pas feutrés, deviennent une «ambition nationale», clairement affichée. Il confirme la décision de Félix GAILLARD.

Composante aérienne
Concernant le vecteur, le choix de l’avion Mirage IV, projet de bombardier déjà en cours d’étude chez Dassault, doit entrer en service en 1964.


Les Missiles Balistiques pour les composantes terrestre et navale
Les deux composantes sont concernées par ces décisions, suivant les études menées par les commissions relevant du ministère de la défense telles que CEA et LRBA (Laboratoire de Recherche Balistique et Aérodynamique).


Composante navale : La propulsion nucléaire pour sous-marin lanceur d’engin
Construction du Centre de recherche et d’expérimentation de Cadarache avec la création du DPN :
Département Propulsion Navale dépendant du CEA.



Fusée … Missiles … L’HERITAGE DU CONFLIT…

L’ingénieur général et polytechnicien Jean-Jacques BARRE (1901-1978), entré dans l’artillerie en 1924, peut être considéré comme l’un des pionniers de l’astronautique française. Entre 1935 et 1940, il conçoit pour la commission des poudres à Versailles des obus propulsés par du peroxyde d'azote.
En 1941, pendant le conflit, alors qu’il travaille pour le colonel DUBOULOZ chef de la Section technique de l’artillerie, le commandant Barré réalise clandestinement à Lyon une fusée propulsée par un mélange d’oxygène liquide et d’essence : l’EA41 (engin autopropulsé modèle 1941).
Il parvient à la tester en point fixe le 15 novembre 1941 au camp militaire du Larzac.

Après la Libération à l’automne 1944, c’est l’intérêt que porte le professeur Henri MOUREU à récupérer la technologie des engins autopropulsés allemands qui pousse la France à s’intéresser à ces armes secrètes. Ce docteur en chimie, directeur du laboratoire municipal de la ville de Paris, ancien assistant du professeur Frédéric Joliot-Curie, mène durant l’Occupation des actions de résistance et agissant en qualité de conseiller technique de la défense passive, il travaille également sur le désamorçage des bombes non explosées lors des bombardements.

Dès la Libération, c’est donc avec le professeur MOUREU que le commandant Jean -Jacques BARRE se rend du 9 au 17 mai 1945 en Allemagne à Oberaderrach au bord du lac de Constance pour examiner les prises de guerre des Français. Le site d’Oberaderrach est une usine de réception et d’essais de V2.

En juin, les deux hommes se rendent en zone américaine, à Nordhausen. Neuf wagons contenant quatre V1 et de quoi assembler quatre V2 s’y trouvent. Ils parviennent à les expédier en France.
L’étude des V2 est ensuite effectuée sur le site de la Société pour l’application générale de l’électricité et de la mécanique (SAGEM) à Argenteuil, mais également dans certains arsenaux comme celui de Puteaux.
En France, le professeur MOUREU initie le Centre d’études des projectiles autopropulsés (CEPA), alors que la Direction des études et fabrication de l’armement (DEFA) qui fixe les orientations, crée à Vernon un nouvel organisme, le Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques LRBA suite au décret du 17 mai 1946.

Là, une soixantaine d’ingénieurs allemands (TAP ou techniciens anciens de Peenemünde) encadrés d’ingénieurs militaires français, permettent des avancées significatives dans le domaine de l’autopropulsion et du guidage.

Après les échecs des fusées Eole durant le années 1950-1952, ce programme est définitivement abandonnée.
D’autres études sont menées pour l’armée, aboutissant à la mise en service du missile Parca.

Image attachée


Réalisation du LRBA
L'engin "Parca"
(Projectile auto - propulsé radioguidé contre avion)
sur la base de Colomb Béchar (Algérie) 1958


C’est la fusée-sonde Véronique, qui est retenue pour la poursuite des expérimentations. Testée avec succès dès 1950 sur le camp de Suippes (Marne), sa dernière version, baptisée Véronique 61 développe 6 tonnes de poussée. La fusée Vesta la remplacera en 1965.



Décision du Missile Stratégique

Ainsi, quand Pierre GUILLAUMAT fut nommé ministre des Armées au début du mois de juin 1958, aucune des techniques majeures (propulsion, guidage, rentrée dans l'atmosphère) indispensables pour la réalisation des missiles balistiques ne semblait accessible en France avant plusieurs années d'efforts.
Un temps de réflexion préalable aux travaux des bureaux d'études industriels était sans doute d'autant plus nécessaire qu'aux incertitudes propres aux techniques des missiles s'ajoutaient des incertitudes majeures quant aux possibilités de coopération internationale ou à la masse de la charge à transporter, selon qu'elle serait américaine (de l'ordre de 300 kg) ou française (1 500 kg environ).

Au plan politique, la finalité du projet était, sans le moindre doute, anti démographique, d'où le caractère impératif de la portée du missile, d'autant plus que la possibilité de tirer à partir de l'Afrique du Nord n'était pas encore exclue. D'où aussi la nécessité d'une charge thermonucléaire, seule capable de produire l'effet attendu compte tenu de la précision que l'on pouvait attendre d'un tir à 3 000 km ou davantage (environ un millième de la portée). La méconnaissance des têtes nucléaires futures ne devait cependant pas empêcher la France d'étudier l'engin.

La Marine étudiait l'utilisation du Polaris (IRBM – Intermediate Range Ballistic Missile).
La Direction Technique Interarmées (DTIA), estimait qu'un bombardier était indispensable pour porter les premières bombes françaises et l'étude d'un missile purement français lui paraissait hors de notre portée en raison de son coût (400 milliards d'anciens francs).

Une aide américaine était donc à rechercher activement, mais une coopération avec les Britanniques pouvait être également envisagée. La capacité à réaliser la propulsion à poudre constituait l'incertitude principale.
Sur ce point, la DTIA attendait beaucoup de la mission d'un groupe d'experts américains qui devaient, dans le courant du mois de novembre 1958, faire une série d'exposés sur les problèmes des IRBM à propulsion à poudre. Les experts confirmèrent que leur gouvernement était prêt, pour les projets approuvés, à faciliter la conclusion d'accords industriels entre des firmes américaines et des firmes européennes, mais que la fourniture à des pays de l'OTAN d'engins IRBM américains n'était pas envisagée.
Le cabinet du ministre, enfin, considérait que la DTIA, par inclination naturelle, vu sa mission, préférait les bombardiers aux IRBM, mais que le ministre ne pouvait s'engager sur un programme de bombardiers sans être assuré de l'impossibilité de la solution IRBM. En la matière, l'avis du directeur des poudres sur les offres américaines et la faisabilité des missiles apparaissait primordial.

Les travaux menés après la guerre par le LRBA et l'Institut franco-allemand de Saint-Louis, avec la participation d'ingénieurs allemands, avaient permis d'acquérir une première expérience de la propulsion à propergols liquides.
Cependant, lorsqu'en 1963 le choix de la propulsion des missiles stratégiques dut être fait, la propulsion à poudre s'imposa. Les propergols liquides ne semblaient pas pouvoir être stockés pendant de longues durées sans difficultés importantes, et seuls les propergols solides répondaient à la contrainte fondamentale de disponibilité immédiate des engins en cas de décision de lancement. Les incidents rencontrés lors des tirs au banc de propulseurs à liquides de dimensions accrues montraient que la mise au point de ces moteurs serait plus délicate que prévu. Enfin, les États-Unis, qui avaient utilisé la propulsion à liquide pour leur première génération de missiles, avaient retenu la propulsion à poudre pour la deuxième génération (Polaris et Minuteman).

La décision de fabriquer en Europe l'engin américain Hawk accéléra les choses : le Service des poudres avait été choisi comme l'un des deux fabricants des moteurs, sous licence américaine. Les premières fabrications furent réalisées en 1962 dans une installation spécifique. Le chargement du Hawk était un bloc bi-composition cylindrique : une composition rapide située au centre du bloc assurait la phase de démarrage et une composition à vitesse lente la phase de croisière. Malgré le caractère assez rustique de cet engin de dimension modeste et les imperfections du propergol, l'exercice permit aux poudriers français de se familiariser avec les isorgols et les chargements bi-composition, dont le principe était retenu pour certains étages des missiles stratégiques.

C'est en 1963 que fut réalisé le premier chargement moulé-collé de 1 500 mm de diamètre, bloc bi-composition du 1er étage SSBS (Sol Sol Balistique Stratégique).


Eude et Réalisation du Missile

La réalisation du chargement n'est pas la seule, ni peut-être la plus grande difficulté rencontrée dans la conception et la réalisation des propulseurs à poudre de grandes dimensions destinés à être à tout moment disponibles pendant une longue vie opérationnelle. D'autres défis durent être relevés.
L'enveloppe du propulseur, dont la masse influence considérablement les performances du missile, doit, tout en étant aussi légère que possible, supporter les charges auxquelles elle est soumise en tant qu'élément structural de l'engin en cours de stockage ou en vol, contenir la pression de combustion durant le fonctionnement et résister aux sollicitations thermiques provenant de l'intérieur (combustion du propergol) ou de l'extérieur (échauffement aérodynamique lors de la traversée des couches denses de l'atmosphère ou échauffement dû aux conditions particulières du lancement, dans le cas des engins lancés de silo).
En fait, la solution retenue a été de séparer les difficultés.
• L'enveloppe a pour mission de résister à l'ensemble des charges mécaniques, d'où son appellation de structure,
• la tenue aux effets thermiques externes et surtout internes étant dévolue à des protections thermiques adaptées, qui sont déposées ou collées dans les zones exposées.

Une des principales difficultés fut sans doute la conception des tuyères. Ce sous-ensemble essentiel, qui transforme l'énergie thermique en énergie cinétique et délivre ainsi la poussée propulsive, constitue la véritable partie chaude du moteur – très chaude même, puisque travaillant dans une gamme thermique de 3 000 à 1 500° C environ, du col convergent au divergent. En plus des efforts thermomécaniques auxquels doit résister la tuyère, elle subit un choc thermique initial violent lors de la mise à feu, ainsi qu'une érosion intense au cours du fonctionnement. La tuyère se trouve donc pendant tout le tir en configuration extrême : les pièces se dilatent, les collages se dégradent, l'intérieur de la tuyère s'érode.


Image attachée


L'arrêt de la combustion du moteur peut être nécessaire pour ajuster les caractéristiques du propulseur à la mission recherchée. On savait qu'il pouvait être obtenu par une décompression brutale de la chambre. L'étude de dispositifs d'arrêt de poussée (DAP) par ouverture d'orifices dans le fond avant communiquant avec la cheminée centrale du bloc en combustion permit leur application sur les deuxièmes étages des missiles stratégiques de la première génération. La mise au point et l'expérimentation au sol de ces dispositifs d'arrêt de poussée s'annonçait délicate. Il convenait en effet de concevoir et d'obtenir une trépanation franche et fiable d'orifices dans des structures à hautes performances, voire fragiles ou hétérogènes.



Autre fonction fondamentale dans un propulseur : L'allumage.

On la passe souvent sous silence dans l'histoire de la propulsion des missiles balistiques, sans doute parce que son développement, son utilisation en vol et son comportement en service se déroulèrent comme prévu. Pourtant, quoi de plus essentiel que l’assurance de l'allumage, tout particulièrement pour les étages supérieurs :
une seule tentative autorisée.
Une fiabilité particulière est exigée pour la sécurité pyrotechnique des sites de stockage et de lancement, tout particulièrement à bord des sous-marins.
Une procédure exemplaire présida au choix des spécifications, des concepts, des qualifications, des transports, stockages et interventions tout au long des programmes, sous le contrôle vigilant des commissions de sécurité. On choisit un dispositif à trois étages pyrotechniques mécaniquement isolés. Installée en tête du propulseur, dans un canal pratiqué dans le chargement, une micro-roquette avait pour mission d'allumer le moteur. Elle était elle-même mise à feu par une charge-relais de pastilles pyrotechniques rangées dans une capsule métallique soudée et parfaitement étanche.
Le relais était lui-même allumé par la charge primaire, placée en amont, après armement mécanique et ordre de mise à feu. Réduction au minimum de la pyrotechnie pulvérulente sensible, installation de barrières mécaniques solides, déclenchement électrique dans des conditions très protégées : tels sont les principes de garantie de la sécurité, la redondance des chaînes et des charges assurant la fiabilité. La mise au point de l'allumage fut largement empirique, les calculs pour des phénomènes brefs et brutaux de ce genre étant peu connus et les données physiques principales assez incertaines.



ASSURER LE PILOTAGE

Tant que !a trajectoire de l'engin s'effectue dans l'atmosphère et dès lors que sa vitesse est suffisante, des gouvernes aérodynamiques peuvent être utilisées pour modifier la direction de son mouvement. Cependant, si une partie de la trajectoire s'effectue en haute altitude ou hors de l'atmosphère, si les vitesses atteintes sont importantes ou si l'efficacité du pilotage doit être effective pour assurer l'équilibre de l'engin dès le début du mouvement, dans la phase à vitesse quasi nulle, d'autres solutions doivent être recherchées. C'est par action directe sur l'orientation du vecteur poussée, et donc du jet, que le vol de l'engin est dirigé.
Dans une fusée à propergols liquides, la chambre de combustion est relativement petite et sa rotation d'ensemble par rapport au reste de l'engin peut être utilisée à cet effet. Cette solution fut étudiée et mise au point et se substitua progressivement aux gouvernes et aux déflecteurs de jet, seules méthodes utilisées en 1955. Pour mémoire, rappelons que la fusée Véronique était en outre stabilisée au départ par des filins fixés au sol jusqu'à ce que le moteur ait atteint son régime. Le pilotage en roulis, lui, nécessite le recours à des gouvernes, dans la phase de la trajectoire dans l'atmosphère, ou à des fusées auxiliaires orientables.
Le propulseur à propergol solide est au contraire de grande dimension ; il est partie intégrante de la structure de l'engin. L'orientation du vecteur poussée ne peut être obtenue que par action directe sur le jet. Les déflecteurs employés en 1955, des volets de carbone placés à demeure dans le jet (dispositif dérivé du V 2), ou les déflecteurs semi-escamotables placés à la périphérie du divergent (dispositif utilisé sur l'engin antichar SS 10) n'étaient pas envisageables pour les propulseurs en projet, en raison des durées de fonctionnement envisagées et des pertes de performance provoquées par ces dispositifs.
D'autres procédés durent être recherchés. Les tuyères à veine coudée et à articulation plane furent le premier moyen étudié. Pour éviter de devoir réaliser une tuyère orientable dans toutes les directions donc nécessairement liée à la chambre par une rotule sphérique, pour laquelle l'étanchéité est très difficile à réaliser, la déviation du jet est obtenue par un ensemble de quatre tuyères mobiles par rapport à l'axe du propulseur. Chaque tuyère a une partie fixe liée au propulseur, qui constitue le convergent, et une partie mobile, qui comprend le col légèrement dissymétrique et le divergent. Ainsi, ce divergent peut, par rotation, décrire un cône. En combinant quatre tuyères de ce type, on peut orienter la direction moyenne du jet. Le pilotage en tangage et en lacet est obtenu en faisant tourner deux tuyères diamétralement opposées, du même angle mais de sens opposés. Le pilotage en roulis est obtenu en faisant tourner ces tuyères dans le même sens.


Image attachée


La coopération entre la Direction des poudres et la SEPR pour le propulseur à poudre du SSBT se développa dans les programmes d'engins balistiques. Les centrales inertielles commandées pour le missile Casseur furent utilisées dans le programme EBB. Les premières discussions avec l'industriel Kearfott débouchèrent sur l'acquisition d'une licence par la SAGEM, dont les centrales inertielles équipèrent ensuite tous les engins balistiques français.



Décisions Techniques Militaires

Le STCAN, dans une lettre au ministre du 28 juillet 1960, après l'inscription dans le projet de loi d'un sous-marin nucléaire lance-engins et l'annonce du lancement d'une étude d'engin balistique naval, soulignait fortement que, dans un sous-marin aussi spécialisé qu'un SNLE, il y a une très forte imbrication entre les caractéristiques du missile et celles du sous-marin.

À la fin d'octobre 1960, le STCAN présenta à la DTIA46 un planning« Marine » du programme SNLE et missile. Le premier tir de l'engin prototype MSBS était prévu en 1966 et la livraison des engins opérationnels en 1970. La DTIA constata que ce planning était identique à celui de l'engin SSBS. Elle estima néanmoins que ce programme «Marine», qui n'altérait en rien le programme fixé à la SEREB jusqu'à la fin de 1961, imposait que l'on poursuivît activement les études de propulseurs à poudre.

L'interdiction faite à la société Kearfott, par le gouvernement américain, en décembre 1960, de poursuivre ses exportations de matériel inertiel de guidage constituait une gêne, mais la SAGEM, qui pensait disposer de 90 % des informations nécessaires, s'estimait capable de fabriquer une centrale inertielle pour engin.
Une charge nucléaire de 1 500 kg conduisait à une tête de 2 200 kg. Il était important de disposer de bons matériaux ablatifs pour diminuer la masse de la tête.

La limitation de la masse de la charge nucléaire à 700 kg semble avoir été acceptée par le CEA à l'été 1961, mais dans une formule non thermonucléaire dont l'énergie était très inférieure à la mégatonne.
La faveur que marquaient la SEREB et le Département engins pour des charges de l'ordre de 700 kg au deuxième semestre 1961, masse qui semblait exclure pour un temps les charges thermonucléaires dont le CEA n'avait pas encore trouvé la formule, demandait une certaine audace, car la recherche de très fortes énergies était dans l'air du temps et l'on connaissait l'intérêt personnel qu’y portait le général de GAULLE. En octobre 1961, l'URSS fit exploser dans l'atmosphère une charge de 25 mégatonnes et une autre d'une énergie gigantesque de 58 mégatonnes, record inégalé et qui le restera sans doute encore longtemps.

Le Département organisation de la DMA relevait pour sa part le caractère paradoxal du système de missiles balistiques terrestres préconisé dans l'étude de la SEREB : système qui, tout en étant doté de charges nucléaires d'énergie inférieure à la mégatonne, voyait la vulnérabilité de son déploiement en silos évaluée vis-à-vis d'une attaque par des charges de 20 mégatonnes.
-« C'est peut-être nous qui avons raison et l'ennemi qui à tort, mais il conviendrait de voir pourquoi. »
Finalement, en février 1962, un Conseil de défense accepta la poursuite des projets de missiles de 3 000 km de portée munis d'une charge de moins d'une tonne de masse.


LE DEVELOPPEMENT DE LA PREMIERE GENERATION DE PROPULSEURS

C'est en 1963 que furent arrêtées les caractéristiques des systèmes SSBS et MSBS. Initialement, il était prévu de réaliser un engin « S » (sol), constitué de deux étages à poudre à structure métallique extrapolés du 2e étage du
VE 231. L'engin « M » (marine), lui, serait constitué du premier étage du S et d'un second étage de propergol à structure filamentaire bobinée. Ces dispositions semblaient permettre des économies, puisqu'il n'y aurait à mettre au point que des propulseurs aux techniques proches.
En fait, les incertitudes sur la masse de la tête militaire qui apparurent et les performances des propulseurs à poudre, qui se révélèrent plus faibles qu'attendu, imposèrent de modifier le projet. L'engin « M » restait constitué d'un 1er étage de 10 t du second étage de 4 t, « Rita ».

Les résultats finalement positifs des essais en vol des engins VE 100 et VE 231 et des premiers tirs au banc de chargements réalisés entre août 1964 - avril 1965, dont le dernier effectué avec activation des tuyères, laissaient espérer une réussite rapide. Mais l'échec à la 13e seconde du premier tir au banc le 27 septembre 1965, et la perte des deux premiers tirs en vol de la série des huit « S » prévus, commencée le 20 octobre 1965 à Hammaguir(Algérie), ils devaient être accompagnés de neuf « M », vinrent refroidir l'enthousiasme et l'optimisme des responsables. Il s'agissait d'engins expérimentaux mono étage.

L'expérimentation du « M » fut réalisée quasi simultanément, de la fin de 1966 à 1971. Une première série d'essais fut effectuée avec des engins comportant un deuxième étage maquette, afin de qualifier le système de chasse et la sortie de l'eau.
Le projet de construire un sous-marin expérimental pour valider les systèmes d’armes du futur SNLE, était une nécessité définie par la loi de programmation entérinant les Forces Océaniques Stratégiques : FOST.
Le Gymnote, sous-marin expérimental fut construit en reprenant les tronçons avant et arrière de l’ancien Q244.
La tranche milieu dut être réalisée suivant le diamètre du futur SNLE avec quatre tubes lance-missiles pour les essais en immersion. Le tronçon milieu du Q244 servi de caisson pour « essais de choc » au GERSM Toulon.

Les essais tirs missiles furent réalisés à Toulon depuis un caisson immergé, ou depuis le sous-marin Le Gymnote en Méditerranée. Les essais en vol du missile complet comportèrent, entre 1968 et 1971, quatre tirs à partir du socle au CEL et 15 tirs à partir du sous-marin expérimental Le Gymnote et du sous-marin SNLE Le Redoutable.
On observa quatre échecs.
La mise en service fut réalisée le 1er janvier 1972, avec le départ en patrouille du SNLE Le Redoutable muni de seize missiles.




A suivre ...
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Ce message a été modifié par <S639>AMAZONE - jeudi 22 mars 2018 à 07:19.


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DSM
posté mercredi 21 mars 2018 à 23:44
Message #22


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Ouragan

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Toujours aussi passionnant et détaillé.
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L'Apache
posté jeudi 22 mars 2018 à 13:38
Message #23


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Grand-frais

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J'aurais bien aimé avoir des profs d'Histoire comme toi, c'est génial cet exposé bien.gif victory.gif

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<S639>AMAZ...
posté dimanche 16 septembre 2018 à 19:19
Message #24


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Fort coup de vent

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Le choix de l’énergie nucléaire et de certaines filières est le sujet de quelques questionnements.

[b]En écho de ceci


Certaines voix s’élèvent pour déclarer que si certaines filières, s’emblant au premier abord très prometteuses, ont été écartées c’est parce qu’elles ne correspondaient pas à la volonté militaire ou aux lobbies des industriels.

Donc voici une parenthèse concernant le sujet principal : « Du Gymnote au Coelacanthe »,
mais qui a du sens et un rapport direct.



Concernant la filière actuelle Uranium 235 ou Plutonium 239 Dans R.E.P. (ou R.E.B.)
Pour rappel :
Pechblende : minerai d’uranium naturel, composition isotope U-238 = 99,3% et isotope U-235 = 0,7%

U-235 : Fissible par neutron lent (ralenti jusqu’au domaine thermique) ===> Fission
U-238 : Non fissible mais fertile, transmutation en Plutonium (Pu-239) par capture neutronique
Pu-239 : Fissible par neutron rapide (directement issus d’une fission sans modérateur) ===> Fission

Nous devons l’utilisation des Réacteurs à Eau Pressurisée (ou eau bouillante) des filières actuelles U et/ou Pu, aux recherches fondamentales du programme Manhattan ayant abouti aux bombes atomiques.
Les recherches et les applications en laboratoires durant les années quarante, ont permis de résoudre les problèmes rencontrés pour développer l’énergie nucléaire.
La décennie suivante, grâce aux moyens mis en jeu dans le domaine militaire, de recherche appliquée à la physique nucléaire, au contrôle neutronique et la maîtrise du cycle du combustible : minerai – enrichissement – production – utilisation - traitement –stockage, ont permis de développer le programme civile.
La mise en application de cette filière, était la suite logique du besoin militaire vers le développement industriel civile, et non l’inverse. L’emploi de l’uranium ou plutonium dans les centrales électriques seraient même un manque pour l’armement.


Informations Filière Thorium et sels fondus

Réflexion sur la filière Thorium
Il n’est pas question de dénigrer cette filière, mais de rétablir la vérité sur celle-ci.

L’Asie est riche en gisement de Thorium, mais l’extraction et la conversion pour utiliser cet élément en énergie nucléaire est plus difficile et onéreuse que pour l’uranium.

Actuellement, seules la Chine, l’Inde et l’Indonésie travaillent sur les réacteurs de thorium à sels fondus.
L’Inde a quelques projets sur le papier, mais aucun ne reçoit beaucoup d’attention. Les scientifiques indiens s’intéressent davantage à un réacteur avancé à eau lourde alimenté par le thorium (Advanced Heavy Water Reactor) tandis le premier ministre indien envisage de conclure des contrats sur des réacteurs à eau légère (uranium) en provenance de Russie.

L’expérience de NRG & SALIENT permet à l’Europe d’être en tête dans la quête de l’énergie à base de thorium après des décennies de retard. Un succès à Petten pourrait inciter des pays comme l’Inde à accélérer le développement de leur technologie. Cela peut aussi booster les startups américaines qui ont des idées intéressantes, mais qui ont dû mal à obtenir des financements.

Quoiqu’il en soit, la France n’est plus dans cette logique d’exploitation des gisements et renouvellement, elle peut se permettre de travailler en circuit fermé grâce au traitement du combustible irradié qui assure encore pour plus d’un siècle de consommation d’uranium, auquel on rajoutera plus de deux siècles suivant la filière surgénérateur U238 - neutrons rapides – plutonium.
Le programme Phénix et SuperPhénix (Caloporteur = Sel de Sodium Fondu) ont démontré l’exploitation industrielle de cette filière, malgré le manque de préparation de la part des ingénieurs chargés de réaliser ce projet. La ministre de l’environnement du gouvernement Jupé puis Jospin, obtint l’arrêt définitif de ce réacteur, ce qui valut dans la région Rhône-Alpes, une virulente controverse. Astrid Projet actuellement mené par les CEA Areva EDF reprendra les bases acquises.



Le mythe sur le réacteur de thorium

Étant donné que l’uranium a très mauvaise réputation, on a énormément de mythes qui circulent sur le réacteur au thorium.


- 1 - Les réacteurs de thorium à sels fondus ont été écartés parce qu’ils ne pouvaient pas faire de bombes nucléaires

C’est faux. Le réacteur de thorium peut faire des bombes et ce n’est pas ce qui a motivé son annulation au début du développement des réacteurs nucléaires. La conclusion à l’époque est que même si le réacteur de thorium pourrait être moins cher, on ignore ses performances, le bilan neutronique, et la maîtrise sur le long terme.
De plus, l’industrie avait déjà investi énormément sur les réacteurs à eau légère, à très haute température et le réacteur rapide à métal liquide. L’industrie rechignait également à créer les services pour le cycle de combustible et la recherche en physique nucléaire s’était beaucoup concentrée sur les réacteurs à combustible solide. En gros, le monde avait trop investi sur les réacteurs à l’uranium pour tout jeter à la poubelle et choisir le thorium.
De plus, il y a une autre hypothèse pour laquelle les Américains auraient pu préférer l’uranium et le plutonium elle est développée ci-aprés.

Rappel sur les armes nucléaires

L’uranium est le seul élément qu’on trouve dans la nature qu’on peut utiliser comme un explosif nucléaire. Mais tous les types d’uranium ne peuvent pas faire de bombes. Vous ne pouvez pas utiliser l’uranium naturel ou l’uranium à faible enrichissement comme combustible dans les réacteurs nucléaires. La raison est qu’il contient trop d’Uranium 238 qui n’est pas un explosif nucléaire et trop peu d’uranium 235 qui lui est un explosif nucléaire.
L’enrichissement de l’uranium est un long processus pour augmenter la concentration de l’uranium 235 en séparant l’uranium 238. Le produit final est connu comme l’uranium enrichi qui contient une forte concentration d’U- 235 par rapport à celui qu’on trouve dans l’uranium naturel.
L’uranium qui possède une concentration supérieure à 20 % d’U- 235, est Uranium Hautement Enrichi (HEU). L’HEU peut être utilisé comme un explosif nucléaire si on en dispose suffisamment. Les fabricants d’armes nucléaires préfèrent de l’HEU qui est enrichi à plus 90 %. Ce type de HEU est connu comme l’uranium de qualité militaire.
La plupart des réacteurs nucléaires commerciaux utilisent de l’Uranium faiblement enrichi (LEU) de 5 à 9% d’U-235 comme combustible. Le combustible LEU ne peut pas servir d’explosif nucléaire, car il contient trop d’U-238.

Concernant le plutonium, il n’existe pas dans la nature, mais il est créé dans chaque réacteur qui utilise de l’uranium naturel ou de l’uranium faiblement enrichi. Certains des atomes de l’uranium 238 vont absorber des neutrons et ces atomes vont se transformer en plutonium (U-238 + n° ===> Pu-239). Le plutonium est un explosif plus puissant que l’uranium de qualité militaire. Pour obtenir du plutonium, il faut un processus d’extraction chimique qui nécessite de dissoudre du “combustible nucléaire irradié” hautement radioactif dans de l’acide nitrique bouillant. C’est très difficile et compliqué d’avoir du plutonium à partir d’un réacteur nucléaire civil.

Et le thorium, alors ?

Les premiers à se pencher sur la question du réacteur à sels fondus furent les Américains du Laboratoire National d’Oak Ridge avec Alvin M. Weinberg, directeur du laboratoire pendant le projet Manhattan.
Toutes les pistes furent explorées pour aboutir à la bombe. Le réacteur à sel fondu expérimental MSRE fonctionna dans un premier temps comme « pile atomique » pour produire de l’uranium de qualité militaire à partir du thorium bombardé par des neutrons.

Le thorium n’est pas fissible,
mais étant fertile il peut donner des éléments fissibles, tout comme U-238 ===> Pu239.
Les transmutations du Th-232 obtenues sont :

Th232 + n° ===> Th233 avec gamma ===> Pa(Protactinium)233 émission béta- ===> U233
U-233, ce fameux Uranium233 fissible, de qualité militaire comme l’Uranium 235.
Et pour des présentations élégantes on évite de parler de l’ensemble des transmutations du Th.

Mais dans sa globalité :
U-233 obtenu devient U-232 par capture d’un neutron (n°) et en relâchant deux n°.
Ou aussi : Th-232 ===> … ===> Pa-233 ===> … ===> U-232
U232 est fissible aussi mais il est émetteur d’un rayonnement gamma de très haute énergie.
Bien sûr, il est nécessaire en cours de fonctionnement de traiter le caloporteur afin d’extraire l’U-233,
Mais alors la téléopération avec de lourds boucliers rend la tâche très compliqué. L’intense rayonnement gamma détériore tout matériel électronique et l’utilisation de robotique inappropriée.

De ce fait, si l’U-233 est trop contaminé avec de l’uranium 232, alors ce sera difficile d’en faire une bombe. Mais cette contamination peut être évitée en séparant le protactinium 233 en amont, il suffit d’une simple séparation chimique plus facile à obtenir que par la séparation isotopique comme dans la filière U/Pu. En séparant le Pa-233, alors on obtiendra un Uranium 233 quasiment pur.
Donc, c’est un mensonge de dire que le réacteur de thorium ne peut pas faire de bombe nucléaire, en fait c’est même le contraire.

Alvin Weinberg, à qui on accorde la paternité du réacteur thorium et sels fondus, après le projet Manhattan subit quelques déceptions lors de l’abandon des recherches sur l’avion à propulsion nucléaire, il ne renonça pas à porter son projet à bout de bras. En plein guerre froide, entre 1965 et 1969, son réacteur fonctionnait d’abord avec de l’uarium-235 puis avec l’uranium-233 par transmutation du thorium 232 et du plutonium la dernière année, prouvant alors la faisabilité et la viabilité d’un tel concept.

Il faut se rappeler qu’à l’époque des premiers réacteurs, tous les pays voulaient les bombes nucléaires. Et donc, si un pays a déjà cette bombe, alors il est de son intérêt à ce que les autres ne puissent pas les fabriquer. L’avantage de l’uranium 235 et du plutonium est qu’ils sont très difficiles à fabriquer et donc, la technologie ne serait dans les mains que de quelques pays. Mais si le thorium s’était généralisé, alors tout le monde aurait pu mettre la main sur de l’uranium 233 prêt à l’emploi avec un risque plus grand de prolifération des armes nucléaires.

De plus, l’industrie avait déjà investi énormément sur les réacteurs à eau légère, et le réacteur rapide à métal liquide à très haute température. L’industrie rechignait également à créer filières de traitement différentes pour le cycle de combustible et la recherche en physique nucléaire s’était beaucoup concentrée sur les réacteurs à combustible solide. En gros, le monde avait trop investi sur les réacteurs à l’uranium pour tout jeter à la poubelle et choisir le thorium, car cela ne valait pas le coup. Cela aurait doublé les investissements sans aucune valeur ajoutée, tout en compliquant la standardisation de fabrication, d’exploitation, et des procédures de sécurité.



- 2 - Les réacteurs de thorium sont surgénérateurs et n’ont pas besoin d’enrichissement.

Le concept des réacteurs surgénérateurs qu’ils soient à base de thorium ou d’uranium, est qu’ils vont surgénérer au fur et à mesure. Ils vont produire de la matière fissile égale ou supérieure par rapport à leur consommation de départ ce qui permet d’avoir une énergie en abondance sur le long terme.

On peut dire que ce n’est pas un vrai mythe, mais l’absence d’enrichissement est valable pour tous les types de réacteur surgénérateur. C’est même pour ça qu’on les a inventés. Toutefois, le réacteur de thorium peut utiliser la surgénération thermique. Cela signifie qu’on a besoin de beaucoup moins de matériaux fissiles au départ par rapport à un réacteur de surgénération rapide. Mais le réacteur rapide à métal liquide peut faire la même chose avec U-238 ===> Pu239 et donc, ce n’est pas exclusif au thorium.


- 3 - Ils sont indépendant de la filière Uranium

La fission dans ce type de réacteur va produire plus d’uranium 233 que sa consommation et donc, on a une fission nucléaire autonome.
Mais les neutrons pour déclencher la première réaction, d’où les sort-on ?
Et bien, c’est là que ça se complique un peu. Il est nécessaire d’avoir de la matière fissile pour produire des neutrons dans un réacteur.
Neutrons issus de l’uranium 233 ? Impossible il n’est pas formé en début de vie…
De l’uranium 235 ou du plutonium 239… C’est un détail que les partisans du thorium passent sous silence.
Il faut obligatoirement de l’uranium ou du plutonium dans un réacteur de thorium, mais évidemment, la quantité est bien moindre.


- 4 - Il y a plus de Thorium que d’Uranium sur Terre

C’est vrai, mais il faut nuancer :
La concentration moyenne de thorium dans la croute terrestre est de 0,00060 % comparée au 0,00018 % de l’uranium. Mais on a également du thorium et de l’uranium dans l’océan.
Pour un pourcentage en masse, on a
4×10-12% de Thorium et 3.3×10-7 % d’Uranium.
Cela donne 56 000 tonnes de thorium et 4,62 milliards de tonnes d’uranium.
Cependant, l’exploitation de l’uranium en mer coute 4 fois plus cher donc, aujourd’hui non économiquement viable. Mais, si comme en France les taxes de l’électricité nucléaire augmentent afin de subventionner l’énergie renouvelable dans des limites insupportables, le contribuable pourrait exiger de chercher dans les océans l’Uranium devenu alors compétitif. Donc, ce mythe est vrai si on se base uniquement sur la concentration dans la croute terrestre.
Mais on doit prendre en compte la répartition des gisements. L’Inde ne possède aucun gisement d’uranium exploitable, mais elle est assise sur des tonnes de thorium. La Chine possède 50 % de thorium par rapport à l’uranium. Donc oui, le réacteur de thorium est très intéressant pour ces pays puisqu’ils n’ont pas besoin de faire d’aller chercher l’uranium à l’autre bout du monde en corrompant des gouvernements locaux.

L’Europe n’a que de très faible gisement à part au Groenland. Concernant la France, le pays possède environ 8 500 tonnes de thorium ce qui est équivalent à 190 ans en se basant sur une consommation de 489 Twh au niveau national (moyenne 2010 à 2015). C’est vraiment gigantesque, mais encore une fois, cela nécessitera pas mal d’investissement sur l’infrastructure sans oublier que tout cela se base sur le fait qu’on puisse commercialiser le réacteur à sels fondus de thorium. Des études sont menées par le CEA et CNRS.
De plus, l’extraction du thorium dans les minerais est beaucoup plus coûteuse que celle de l’uranium.


- 5 - Les déchets du réacteur de Thorium ne durent que quelques siècles

On entend également ce mythe. Comparés au cycle de dégradation de l’uranium sur des milliers d’années, les déchets provenant du réacteur de thorium ne dureraient que quelques siècles. Il est vrai que le réacteur de thorium ne produit que quelques éléments transuraniens. Les éléments transuraniens comme le Neptunium, le Plutonium, l’Américium et le Curium sont les plus dangereux nucléides dans une période de 10 000 ans. Donc, oui le réacteur à thorium produit moins de déchets nocifs sur le long terme, mais ce n’est pas le seul. Les réacteurs Uranium Plutonium à neutrons rapides produisent également peu d’éléments transuraniens.
Attention, à ne pas négliger l’intérêt du réacteur de thorium, mais il n’est pas la solution idéale qui nous est proposée par certains acteurs de l’industrie. Et cette expérience aux Pays-Bas est assez intéressante, car elle concerne un réacteur de prochaine génération qui est moins nocif et moins gourmand que ce soit sur le combustible ou l’impact environnemental. Pour certains pays comme la Chine ou l’Inde, le thorium pourrait être une vraie alternative, car ils en ont une grande quantité devant leur porte, mais au niveau mondial, c’est plus compliqué.


En conclusion

Est-ce que les réacteurs au thorium sont l’énergie du futur ?
Ces dernières années, des Startups ont investi sur le thorium et comme toute startup qui se respecte, la communication est plus importante que la réalité du terrain. L’énergie au thorium ne concerne pas seulement le fait d’avoir un réacteur plus sûr et plus propre. Cela implique aussi de nouveaux projets d’extraction de thorium et nous devons plutôt abandonner l’industrie de l’extraction puisqu’on a déjà l’uranium en très grande quantité. L’énergie idéale du futur devra être abondante, aussi propre que possible, abordable avec le minimum de dommages collatéraux. Et si on regarde les réalités de l’énergie au thorium, elle ne répond pas à nombreux de ces critères.

Nous pourrions mieux utiliser l’énergie nucléaire si en fin de cycle, nous valorisons les déchets issus du retraitement des combustibles irradiés, comme source de chaleur. Cela permettrait de mieux les contrôler au lieu de les stocker bêtement.
L’économie des ressources est de mise, car l’énergie la plus écologique qui soit est celle … que nous ne consommons pas !

L’énergie renouvelable n’est pas la panacée universelle, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire.
Soit il s’agit de production d’énergie intermittente souvent relayée par du « fossile carboné », soit par des productions agraires pouvant provoquer un déséquilibre alimentaire à cause des spéculations, mettant en danger de famine des peuples entiers, si ce n’est encore la création d‘immenses zones arides par extractions des terres rares pour des besoins toujours grandissant de Lithium silicium, afin de stocker de l’énergie de façon utopique.
Tout cela a un coût, et la planète ne pourra pas l’encaisser ad vitam aeternam.
Mais rassurez-vous, la Terre non plus n’est pas ad vitam aeternam, et l’homme encore moins !

...

Ce message a été modifié par <S639>AMAZONE - dimanche 16 septembre 2018 à 22:27.


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Lazuli
posté jeudi 12 novembre 2020 à 09:16
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