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> Frégate de 12£ l'Hermione, Voyage 2019 et autres
Lazuli
posté samedi 07 août 2021 à 14:12
Message #251


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Mise en place des basses vergues en 2016.
J'y étais ce week-end là smile.gif


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Invité_Eds_*
posté dimanche 08 août 2021 à 14:43
Message #252





Invités






Citation (Lazuli @ samedi 07 ao?t 2021 à 15:12) *
laugh.gif

Mise en place des basses vergues en 2016.
J'y étais ce week-end là smile.gif


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Merci bien amiral De Lazuli De La Roche Aile wink.gif
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Lazuli
posté mardi 10 août 2021 à 08:16
Message #253


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Amiral de France Môsieur laugh.gif

Petit retour en arrière, notre arrivé à Saint Malo en 2016.
Spéciale dédicace à Motmot et son petit cutter dans Naval Action. Je ne t'ai pas vu sur les remparts du fort !!!



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Lazuli
posté mardi 10 août 2021 à 14:33
Message #254


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Remontée de la Charente, les mâts de perroquets sont complètement dégréés et rangés dans la grand-rue et les mâts de huniers sont "calés bas" pour passer le pont transbordeur et le pont routier enjambant la Charente.



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Lazuli
posté mardi 24 août 2021 à 10:12
Message #255


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L'Hermione et la formation smile.gif



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Lazuli
posté vendredi 15 octobre 2021 à 11:47
Message #256


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NEPTUNE6
posté vendredi 15 octobre 2021 à 13:46
Message #257


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Coup de vent

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Merci Lazuli ..


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La perfection est atteinte, non pas lorsqu'il n'y a plus rien à ajouter, mais lorsqu'il n'y a plus rien à retirer.
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Lazuli
posté vendredi 15 octobre 2021 à 16:32
Message #258


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Ah de rien smile.gif

Cathédrale de voiles, ça n'a jamais aussi bien porté son nom !

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NEPTUNE6
posté vendredi 15 octobre 2021 à 22:27
Message #259


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Coup de vent

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On dirait l'arc de Triomphe avec ses toiles laugh.gif


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La perfection est atteinte, non pas lorsqu'il n'y a plus rien à ajouter, mais lorsqu'il n'y a plus rien à retirer.
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motrius
posté samedi 16 octobre 2021 à 11:14
Message #260


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Toujours aussi impressionnant toutes voiles dehors !!! wink.gif


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Gibus
posté samedi 16 octobre 2021 à 12:47
Message #261


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Citation (NEPTUNE6 @ vendredi 15 octobre 2021 à 23:27) *
On dirait l'arc de Triomphe avec ses toiles laugh.gif

A tout prendre, je préfère l'Hermione. Au moins ça sert à quelque chose.

14.000.000 € de fonds privés pour une œuvre éphémère. Certains ne savent vraiment plus comment dépenser leur pognon. dry.gif


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Le Pacifique est un océan immense. Vous n'y trouverez pas l'ennemi si vous ne le voulez pas. Richard O'Kane.
En patrouille avec SH4 sur USS Skate

Comité de lutte contre le langage SMS, les fautes volontaires sur Internet et les anglicismes


Une pomme par jour éloigne le médecin ... à condition de viser juste. (Sir Winston SPENCER-CHURCHILL)
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NEPTUNE6
posté samedi 16 octobre 2021 à 15:34
Message #262


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Coup de vent

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Citation (Gibus @ samedi 16 octobre 2021 à 13:47) *
Citation (NEPTUNE6 @ vendredi 15 octobre 2021 à 23:27) *
On dirait l'arc de Triomphe avec ses toiles laugh.gif

A tout prendre, je préfère l'Hermione. Au moins ça sert à quelque chose.

14.000.000 € de fonds privés pour une œuvre éphémère. Certains ne savent vraiment plus comment dépenser leur pognon. dry.gif


+1 000 000 % avec toi ..!


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La perfection est atteinte, non pas lorsqu'il n'y a plus rien à ajouter, mais lorsqu'il n'y a plus rien à retirer.
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L'Apache
posté vendredi 29 octobre 2021 à 23:07
Message #263


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Grand-frais

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De passage à Bayonne, il m'a semblé reconnaître l'Hermione dans une forme de radoub !! Demi-tour pour voir si je ne rêvais pas, et non c'est bien l'Hermione !!!
Du coup on prend un peu de temps pour aller la voir, et là, tristesse, on apprend que la quille connait une avarie grave due à un champignon huh.gif

Amiral Lazuli, peux-tu nous en dire plus ?

icon_boire.gif

Ce message a été modifié par L'Apache - vendredi 29 octobre 2021 à 23:12.


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Les balles traçantes sont efficaces dans les deux sens.... . . . . . . . . ....Le bruit tue
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Lazuli
posté samedi 30 octobre 2021 à 14:00
Message #264


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Et oui, c'est vrai. Tout les deux ans on fait un carénage complet avec la mise à nue de la carène. Le but étant de vérifier les œuvres vives (et tout un tas d'autre turcs).
Il s'avère que cette année on a découvert une pourriture sur des bordés à l'arrière.

En fait ce n'est pas exceptionnel, la fregate est en eau depuis 2013 (il me semble) et surtout elle ne navigue pas suffisament. J'entends par là qu'elle n'est pas suffisament en contact avec l'eau de mer. La cale et dans la Charente et c'est de l'eau douce. Et puis une coque en bois...
Donc c'est normal d'avoir ce type de problèmes.

Après une réparation de fortune à La Rochelle en cale, la fregate est revenue à Rochefort le temps de trouver un lieu pour une nouvelle cale sèche pour réparer comme il se doit.

A noter que ce n'est pas aussi simple qu'autre fois, dernière les bordés il n'y a pas qu la cale, mais bien tout un équipement moderne qui n'est absolument pas facile à débarquer pour accéder aux membrures et autres partis du canot... Ce sont donc dès réparations très importantes et un poile compliqué... Sans parler du coût !

Pourquoi Bayonne ?
Un, la réparation nécessite environ une cale sèche de six mois, donc du long terme. Pas possible à La Rochelle car le planning était déjà plein.
Deux, Bordeaux pas possible, la frégate est trop gosse (?!)
Trois, le souhait de l'association de rester dans la région autant que faire ce peu, donc exite les ports de la Manche et bretons.
Et quatre, de fait, seul Bayonne avait de la place pour ce laps de temps en plus d'être dans le coin.

L'Hermione est ouverte au public depuis peu.
Il y a des gabiers et volontaires en permanence à bord pour l'entretien de la frégate. Avec un circuit de visite et tout le tralalas.

L'Hermione au moillage à Royan, juin 2016, je suis à bord.
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Lazuli
posté samedi 06 novembre 2021 à 12:23
Message #265


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Émission Le temps d'un bivouac de France Inter du 30 octobre.
smile.gif

https://www.franceinter.fr/emissions/le-tem...30-octobre-2021

Image attachée


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posté mardi 16 novembre 2021 à 18:23
Message #266


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Pour ceux qui en veulent smile.gif

"Pluie, froid, vent... Envie d'évasion pendant vos longues soirées d'automne et d'hiver ?
Regardez les documentaires réalisés à bord de L'Hermione (accompagné d'un bon chocolat chaud) !


https://vimeo.com/showcase/8854454

De la côte Est des Etats-Unis aux côtes méditerranéennes, en passant par la Bretagne et la Normandie, vous allez trouver votre bonheur."


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posté jeudi 02 décembre 2021 à 22:20
Message #267


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Quelques comparaisons entre la réalité et les "photographes" de l'époque.
C'est juste fou !

Image attachée



Image attachée



Image attachée



Image attachée


Là ce n'est pas l'Hermione mais la Cancalaise, c'est une bisquine (navire de pêche) de la baie de Cancale (et de Granville). J'ai aussi navigué dessus pendant une petite année (il y a longtemps...).
Je compare la bisquine à un lougre de guerre des années 1780. C'est le *même type de gréement.


Image attachée


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Lazuli
posté dimanche 27 mars 2022 à 17:10
Message #268


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Bon voilà, l'Hermione me manque terriblement !

Je n'y ai pas mis les pieds à bord depuis 2019... La vie n'est pas toujours axée à nos envies et parfois nos envies ne sont plus forcement axées à notre passé. Mais voilà, je ne sais pas pourquoi maintenant mais j'ai un gros manque. Un manque de cette frégate, de son gréement, de son odeur, du largue, des supers moment et des moments pas terribles non plus.

Ca peu paraitre très égocentré mais n'y voyez là qu'un partage.
Un temps j'ai voulu publier (dans un but pur familiale) mon journal de bord, mais c'est un peu cher et l'intérêt est tout relatif ! Peut-être un jour.

En attendant, ici on parle de marin, de mer et tout et tout, alors pourquoi pas publier mon journal en de nombreuses parties ici ?
La navigation sur un gréement du XVIIIe n'est pas un sport de masse, il n'est même pas comparable avec les clippers (métal) qui naviguent de par le monde à l'image du Belem pour ne citer que lui.

Je ne vais pas tout mettre ici car il y a des considérations plus personnel dans mon journal, ni la formation est mes différents aller et venu au chantier pour travailler sur la frégate, je ne vais donc que mettre le temps de navigation.
Il n'y aura pas (non plus) de photos. J'en ai déjà posté pas mal et il est facile d'en trouver sur le net. Uniquement du texte.

Par avance, je m'excuse pour l'orthographe, on ne peut être bon partout... Mille excuses.
C'est aussi un langage un peu technique et très orienté "vieux gréement", aussi, si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poser, j'y réponds avec grand plaisir !

Je vous souhaite une bonne lecture le matelots chris.gif



Image attachée




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Journal de bord de la frégate l’Hermione Portant 26 bouches à feu de 12 livres.
Par le gabier Simon

LEG 01 - Navigation de La Rochelle (La Pallice) à Saint-Malo du 18 juin au 05 juillet 2016.

1- Dans le bassin à flot, port de commerce de La Pallice/La Rochelle.

Samedi 18 juin 2016.
1er jour à bord

C’est avec un peu de retard que j’embarque sur l’Hermione, les autres gabiers sont montés à bord le mercredi 15. Travail oblige, je ne pouvais pas couper la semaine en deux. Je passe la porte après avoir montré patte blanche au bureau du port de commerce puis je me dirige avec mon gros sac de voile sur le dos vers le bassin à flot où est amarrée l’Hermione, au poste numéro 2. Ça me fait une drôle de sensation de longer l’ancien bunker de la base sous-marine Allemande. Les sous-marins sont mon autre centre d’intérêt et cette base reste un vestige monumental de la folie Nazi et de la puissance de la Kriegsmarine. En particulier des U-boots de l’amiral Donitz. Aujourd’hui elle est plus ou moins abandonnée et le bassin profite aux petits cargos notamment, et aussi à l’Hermione le temps d’un carénage.

Je me présente à la coupée à 7h50. Je monte à bord, me fais connaître auprès d’Antoine, le Commandant en Second, je pose mon sac sur le gaillard d’arrière et prends immédiatement position pour le "muster" (rassemblement) de 8h sur ce même gaillard entre le grand mât et le banc de quart. Ça ne traîne pas, je suis tout de suite dans le bain. Chacun à une position définie pour mieux gérer les passations de quarts et les éventuels absents.

L’équipage est scindé en tiers, chaque tiers fait deux quarts d’une durée de quatre heures. Les tribordais sont de 00h à 4h et de 12h à 16h, les milieux de 4h à 8h et de 16h à 20h et les bâbordais de 8h à 12h et de 20h à 00h. De fait, le bateau ne s’arrête jamais de vivre, il y a toujours des personnes de quart sur 24h.

Les tiers sont composés de seize à vingt volontaires, les dits gabiers, plus un chef de quart (un officier), un chef de tiers et son adjoint. Les trois "chefs" sont des marins professionnels. Les volontaires sont de tout horizon, de 18 à 59 ans, pour une moyenne d’âge de 27 ans sur ce LEG. Les tiers sont mixtes et nous vivons en communauté. Nous partageons les sanitaires, repas, travail et repos sans distinction de genre.
Hors quart nous avons tous les maîtres, le chef machine et le Commandant. Les surnuméraires sont aussi hors quarts.

Dans un premier temps je suis affecté sur le tiers bâbord, bannette B52. Je commence à prendre place dans le poste des bâbordais mais rapidement Antoine vient me trouver pour me basculer sur le poste milieu en M23. Je retrouve donc le poste équipage que j’ai occupé durant ma formation de gabier à Rochefort les 07, 08 et 09 mai 2016. Le Second devient donc mon chef de quart.

L’Hermione est sortie de la cale sèche après son carénage quelques jours avant, elle est maintenant à quai dans le bassin à flot et elle est en poursuite de son armement. Lors du muster on nous donne le programme de la journée, pour ce samedi nous devons mettre à poste et gréer les perroquets et la perruche d’artimon. Quand les trois tiers sont à la manœuvre en même temps, chacun est distribué sur un mât : tribord sur misaine et beaupré, milieu sur grand mât et bâbord sur l’artimon. Pour l’accostage ou appareillage à quai, tribord gère le poste avant, bâbord l’arrière et milieu est affecté aux "collisions" coques/quai avec les défenses tout le long de la muraille, et de la mise en place de la coupée entre autres.

En tant que milieu, nous devons donc gréer le grand perroquet. Le grand hunier doit être aussi être envergué. C’est par lui que la journée commence. La voile est déjà posée sur le plateau de la grande hune, je monte donc avec quelques gabiers, Manon (adjointe de tiers milieu) et Dominic (chef de tiers milieu). La voile étant en "sac" sur la hune, il nous faut bien suivre les ralingues pour éviter qu’elle ne soit vrillée notamment sur les points d’écoutes. Ce qui est le cas sur le côté tribord, on le repasse donc dans le bon sens. Ça semble facile mais la rigidité des yeux, de la ralingue, de la toile et le poids des poulies et des écoutes font que c’est loin d’être aisé. Sans parler que la voile est très grande et prend beaucoup de place sur la hune, et nous sommes entravés aussi par la sécurité car nous sommes constamment attachés à une ligne de vie. Bref, je ne suis pas encore dans mon environnement et je ne suis pas un très bon investissement pour le moment…

La vergue de grand hunier est posée sur le chouquet, elle est donc en position basse. On va chercher les palanquins de ris déjà à poste en bout de vergue tenu par un nœud d’arrêt dans sa poulie, on les tirent jusqu'à la hune pour les amarrer sur la voile. Avec l’une des drisses de grand hunier (il y en deux), on hisse le milieu de la voile sous le centre de la vergue et en pesant les palanquins on expulse vers les fusées les ralingues des bords d’attaque. La voile est grossièrement pendue sur trois points, les extrémités et le centre.

On fait monter tout le tiers milieu pour se ranger le long de la vergue pour enverguer la voile ainsi préparée. On passe un raban dans chaque œil de la ralingue de la voile et on fait le tour de la vergue avec. Un nœud de chirurgien pour serrer le raban et le tour est joué. Il fait jour et beau, nous sommes dans un bassin à flot et déjà nous mesurons l’énorme poids de cette voile… Les petits nouveaux commencent à redouter un ferlage de nuit en mer sous la pluie ! Une fois enverguée via les rabans, nous passons les différentes cargues (fond, d’écoute et cargues boulines). Les boulines sont déjà à poste. La voile pendouille le long de la vergue. On fait carguer le grand hunier depuis le pont en abraquant les cargues et on rabante ou ferle la voile pour bien la ranger. Pour ce faire, on commence par les bouts de vergue en transfilant un long raban autour de la voile, ensuite nous devons ramasser les ralingues en les plaçant sur la vergue, on les coince en s’appuyant dessus, les ralingues sont lourdes, surtout le point d’écoute. Les boulines, même choquées en grand, tirent la voile vers l’avant. Pour bien serrer la voile, on distribue la ralingue en lui faisant des plis à droite et à gauche le long de la vergue, puis on ramasse la toile par plis horizontaux successifs que l’on pose sur la vergue et que l’on vient aussi coincer sous son ventre. Une voile se ferle toujours de l’extérieur de la vergue vers le centre. Une fois toute la toile ramassée, on forme un "sac" avec le dernier pli pour faire tomber l’ensemble de la voile pliée dedans, on secoue le sac pour le remplir au maximum. Enfin on passe les rabans déjà préparés pour serrer l’ensemble du sac autour de la vergue. Dans la partie centrale de la voile on passe un chapeau, sorte de filet plus ou moins large, qui vient enserrer toute cette grosse quantité de toile. Les premières fois, on se retrouve avec les bras tétanisés et le dessus des doigts poncés par la toile… il faut être pas moins de seize sur le grand hunier, c’est un minimum ! En mer avec du vent et de la pluie, l’affaire ne doit pas être la même. Mais pour une première, la voile à fière allure, nous en sommes satisfaits !
Avec des gabiers des deux autres tires on part ferler la grand-voile, là nous sommes vingt-cinq sur la vergue.

Dans l’après-midi nous avons hissé le grand perroquet avec une guinderesse. Une poulie est frappée sur le chouquet du mât de grand hunier, la guinderesse est amarrée à la vergue de grand perroquet en deux endroits, elle passe dans la poulie en haut au chouquet puis elle redescend sous le râtelier tribord du grand mât dans une grosse poulie coupée mise à poste sur un anneau du pont pour l’occasion, puis la guinderesse file le long du passe-avant sur une autre poulie coupée sous le râtelier tribord du mât de misaine pour se diriger enfin sur le petit cabestan. La voile est déjà à poste sur la vergue, pas besoin de l’enverguer, elle est même ferlée. On met du monde sur les barres de cabestan plus quelques personnes dans la hune et les haubans de grand hunier pour accompagner la vergue jusqu’au chouquet. On vire au cabestan, une première pour moi, et la vergue s’élève tranquillement le long du grand mât. Une fois arrivée au chouquet, on frappe la drisse du perroquet sur le centre de la vergue, on dégréé la guinderesse en stabilisant la vergue à l’horizontale. Sur ce, on libère le petit cabestan et on passe sur la drisse du grand perroquet pour l’emmener au dessus du chouquet. Une fois fait, on capèle les bras et les balancines en bouts de vergue. Toutes les vergues sont maintenant à poste. Il reste encore du travail sur le grand hunier, mais c’est pour demain.

Avant de dîner, je suis convié à la "sensibilisation" avec quelques autres personnes. Ça consiste à nous faire une revue de sécurité dans tout le bateau, Antoine le Second s’y atèle.

Le travail des quarts à quai n’est pas le même qu’à la mer. Pendant vingt-quatre heures, un seul tiers assure la tenue du navire. Sécurité, veille de coupée, aide cuisine, etc. Aujourd’hui c’est le tour des milieux, j’en suis donc, et je suis de veille/ronde sécu de 4h à 6h.

A suivre...


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posté lundi 28 mars 2022 à 18:04
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Dimanche 19 juin 2016.
2ième jour à bord.

Je suis réveillé à 3h30 pour relever la veille de coupée. Nous sommes deux pour une veille de deux heures. La nuit est très noire, il y a une grande couverture nuageuse et un bon vent, il fait froid. C’est veste de quart et bonnet vissé sur la tête qu’on effectue la relève. L’ambiance est plutôt étrange, faire une veille dans un port de commerce n’est pas une chose très courante à part dans la Marine Nationale et de commerce. J’ai en face de moi un dépôt, plein de bois. Cette fausse tranquillité est légèrement troublée pas un gabier rentrant de boite de nuit. Le bonhomme est tout heureux, et tout enivré aussi ! Il nous rend sa carte d’équipage et monte à bord en faisant un peu de bruit... Il va même réveiller tout son tiers en se couchant. Pour chaque gabier, une carte est associée en rapport avec son numéro de bannette et de tiers, en plus d’une couleur. M23 de couleur bleu me concernant. Cela permet de vérifier rapidement avec le cahier de coupée qui n’est pas à bord dans le cas d’une alerte incendie ou autre. À part ça nous n’avons rien à faire sinon les rondes de sécu, une toute les heures à quai comme en mer. À 4h30 un grand pêcheur Belge entre dans le bassin à flot par l’écluse à marée haute. Il rejoint trois autres de ses congénères déjà à quai. Ce sont des chalutiers de 35m qui pêchent en chalutant par le côté avec des tangons. Dom’, notre chef de tiers qui vient de la pêche, nous dira plus tard que ça fait parti des pires pêches qu’il soit. Les filets sont tractés par de grosses barres en acier qui maintiennent ouverte la gueule des filets et qui racle allégrement les fonds en attrapant tout et n’importe quoi…

A 5h30 j’entame ma toute première ronde de sécurité. Tant mieux, dehors il fait froid et il ne se passe pas grand-chose. Nous sommes à quai donc vérification des amarres tant à quai que dans le bateau. Pointe, gardes avant et arrière. Puis dans la batterie sous le gaillard d’avant à tribord le poste menuiserie et les accessoires du bosco à bâbord. Que les défenses, amarres, poulies et caisses soient bien saisis, que les guindeaux ne soient pas entravés. Vérification de la bonne saisie de tous les canons du pont de batterie, des embarcations dans la grand-rue. Je descends dans le faux pont tout à l’avant dans la soute aux poulies et liens. Rien à voir avec la soute aux liens du XVIIIe… c’est juste une petite soute avec toute une batterie de poulies de rechanges suspendues et tout un panel de manœuvres lovés sur le plancher. Vérification du poste bosco à bâbord. Bosco qui est aussi maître d’équipage et gréeur du bateau. Poste du maître charpentier sur tribord. Un œil sur les cales d’étambrai de misaine qui ont tendance à remonter. Une tête dans les postes équipages (pros et volontaires), on s’assure que les extincteurs soient bien en place et pas entravés ainsi que les lances à incendie. Je descends à nouveau d’un pont pour aller dans les différents compartiments de la cale. A l’avant, la voilerie, puis en allant vers l’arrière, les salles machines, la cuisine, la cambuse et les moteurs. On vérifie le niveau de l’eau dans les fonds, les nanomètres, les fuites, les odeurs, chaleur des armoires électriques, fumées et autres choses suspectes. Je remonte par la Sainte-barbe où logent le Doc et la maître-voilière, ils ont une cabine individuelle sur chaque bord. Je jette un œil sur le système de barre, drosse, timon... Je remonte du faux pont pour ressortir devant la cloison de la grande chambre. Je pénètre dans cette dernière sans un bruit, le Commandant et le Second y dorment, puis je note le résultat de ma ronde avec l’heure, mon nom et ma signature. Première ronde : R.A.S.

Retour à la coupée sur le quai et une heure plus tard mon binôme part pour sa ronde. Le jour se lève tranquillement sous les nuages. Il est 6h, la relève arrive. Je vais me coucher pour une petite heure. 7h tout le monde debout pour le petit déjeuner. Muster à 8h.

Aujourd’hui, on fini de gréer le grand perroquet et on repasse le point d’écoutes bâbord de la grand-voile. En établissant la voile, on s’aperçoit que la poulie de l’amure est sur l’arrière et celle de l’écoute sur l’avant. Il faut les inverser. La vergue et la voile étant à poste et établie, Dom’ fait apiquer fortement la vergue sur bâbord. Il fait brasser au maximum pour rapporter le point d’écoute de la voile sur le pont. Il n’y a plus qu’à l’inverser.

Je suis volontaire pour finir le travail du grand perroquet. Envie de me frotter à la hauteur. Je n’imaginais pas y rester cinq heures ! Travailler en hauteur dans des positions peu usuelles avec un bon vent n’est pas si simple… Je m’occupe du côté tribord avec un binôme. On va passer les cargues point, les écoutes et le collier de racage. Pour passer les cargues, il faut faire un tour mort plus une demi-clef dans l’œil du point d’écoute. Faire un amarrage plat pour tout tenir. Et le recommencer trois fois car le bitord cède au serrage final… On sollicite trop le serrage et comme on ne maîtrise pas encore la résistance du bitord, il cède… Il faut déjà un certain temps pour faire cet amarrage correctement quand on n’a pas l’habitude, mais que ça casse sur le nœud final… Ensuite on contrôle bien le chemin de la cargue pour éviter des raguages contre d’autres manœuvres qui pourraient rendre très difficile la course de la manœuvre en plus de les user très rapidement.

Je pars chercher l’écoute tribord du perroquet en fusée de grand hunier. Elle est juste passée dans sa poulie et est maintenue par un nœud d’arrêt. Je descends donc d’un étage et je longe la vergue. Avec un grand bout, j’amarre l’écoute à un point et j’assure l’autre point sur mon harnais. On hèle le pont pour nous libérer en grand l’écoute. Je repars en sens inverse en longeant de nouveau la vergue de grand hunier et remonte en filant le bout. Une fois sur les barres de perroquet je hisse avec un collègue l’écoute. C’est difficile car elle passe par deux poulies, et sur une grande longueur le poids de l’écoute se fait bien sentir. Sans parler de l’équilibre précaire sur les barres. Là aussi on fait les nœuds nécessaires avec la mailloche et l’aiguille de bosco. Puis finalement on fini le travail dans les temps.

Nous avons donc passé cinq heures à cinq puis six pour gréer entièrement le grand perroquet. Jens, le gréeur est très satisfait de la journée, toutes les voiles sont prêtes à l’utilisation. L’affaire a été rondement menée par les trois tiers.

Dans l’après midi, les plongeurs du bord ont mesurés l’arc du bateau, on n’en sait pas plus, mais il semble tout à fait correct.

Début du test moteur tribord à quai.

A 20h mon ex-épouse passe avec nos filles, elle a une carte pro pour entrer dans le port vu qu'elle y travail en partie. Je suis ravi de les voir car la prochaine fois ça sera pour le 06 juillet !
Je descends en grande chambre pour demander à Antoine une autorisation de les faire monter à bord pour une petite visite privée. Il accepte après demande auprès du Commandant. Malheureusement c’est l’heure du muster et je dois y participer, pas d’exception… ça fiche tout parterre. On est tous déçu. Ça laisse un goût amer. Elles redescendent à quai et attendent à la coupée que le muster finisse. Puis je les rejoins, mais ce n’est plus pareil. C’est nul… On est tous dégoûtés…

A suivre...


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posté lundi 28 mars 2022 à 18:48
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Lazuli
posté lundi 28 mars 2022 à 22:12
Message #271


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Lundi 20 juin 2016.
3ième jour à bord.

Nous sommes encore de service. Mais j’ai un réveil normal à 7h pour ce matin. 8h assemblée, puis poste de propreté de tout le bateau. Je fais partie des volontaires pour le nettoyage du poste d’équipage milieu. Nous voilà partis pour récurer les toilettes, douches et lavabos, sans oublier le plancher de tout le poste.

A 9h, on nous débarque pour laisser la place aux techniciens pour effectuer la stabilisation de la frégate. Il y a toute une manipulation de poids (blocs de béton) déplacés via une grue à différents endroits sur le pont pour relever les angles de gîte.

Retour à bord à 13h30 pour faire un point à 14h. On fait un exercice sur la manœuvre de l’artimon. On établit donc le perroquet de fougue, plus communément appelé PDF. Je monte déferler la voile pour qu’elle pendouille sur ses cargues prêtes à être larguée depuis le pont. Une fois sur le pont, on file les cargues point en reprenant les écoutes en même temps pour amener les points d’écoutes du PDF en bout de vergue sèche sans faire battre le voile, on équilibre la longueur des écoutes, puis on choque les autres cargues et on hisse la vergue. On brasse bâbord amure. On nous donne quelques explications sur l’utilisation et on range le tout. Pour ce, on file la drisse en reprenant le mou des cargues point sans toucher aux écoutes, une fois la vergue sur le chouquet, on file les écoutes pour terminer les cargues point. Le but étant de ne jamais laisser une manœuvre trop battre au vent au risque de faire des nœuds, de casser quelque chose et bien sûr de blesser quelqu’un. On reprend les autres cargues et on monte pour ferler le PDF. Il y a une très nette différence de poids avec le grand hunier ou la grand-voile.

Fin du test moteur tribord. Tout est OK.

-------------

2- En mer.

Mardi 21 juin 2016.
4ième jour à bord – 1er jour de mer.

Ce matin, c’est poste de propreté pour tout le monde !

Début du test moteur bâbord à quai. Si tout se passe bien avec le moteur on appareille à 16h. L’excitation se fait sentir, et en même temps on à tous une pointe d’inquiétude. Le moteur va-t-il tenir le test ? Allons-nous rester quelques jours supplémentaires pour remplacer de nouveaux les moteurs ?

En prévision du départ on nous fait nettoyer aussi la muraille ! La belle affaire, on met le "mob" (embarcation pneumatique de secoure) à l’eau, est trois volontaires vont gratter la coque dans les effluves du pot d’échappement… Le moteur est en pleine puissance, les trois sont ravis… Pendant les essais moteurs, il nous est interdit de passer derrière le mât d’artimon sauf pour service, et encore… Les amarres sont tendues à bloc, la sécurité prime avant tout comme toujours. Pas question de se faire couper en deux par une amarre qui lâche.

Ce matin, il nous arrive une déconvenue chez les milieux, hier soir n’étant pas de service, nous sommes sortis pour une dernière bière avant le départ (il n’y a pas d’alcool à bord), c’est un peu éméché qu’un milieu s’est largement étalé de nuit, sous la pluie en marchant sur un rail du port. Tout va bien, tout le monde rigole, sauf, que la nuit lui fut terrible et que son poignet à doublé de volume. Ce matin, direction l’hôpital de La Rochelle pour une radio. Verdict, le poignet est cassé… Ne pouvant plus travailler à bord, il est débarqué dans l’heure. On sent très bien l’énorme émotion, il fait de son mieux pour ne pas craquer devant tout le monde. Alors qu’il marche sac sur le dos vers la sortie, milieu lui lance trois hourras depuis le gaillard d’arrière. Il a ordre du Second d’être là pour la navigation de 2018. Y sera-t-il ? Quoi qu’il en soit, nous perdons un très bon élément sur une belle connerie, une veille de départ…

Le moteur bâbord à tenu, seule une connexion mal enfoncée ne donnait pas l’alarme lors du test d’arrêt. Le Chef nous arrange ça, test moteur bâbord fini avec succès ! Le départ est toujours fixé à 16h. Nous allons donc passer en quart de mer. C’est nous qui allons prendre le tout premier quart du LEG une fois la manœuvre d’appareillage effectuée. Dans un premier temps on nous fait comprendre que nous allons faire vingt quatre heures de moteur à la mer pour la suite des tests. Puis ce temps est ramené à douze heures si tout se passe comme prévu.

15h30, tout le monde est sur le pont pour une assemblée un peu spéciale, on nous briefe pour nous distribuer les postes d’appareillage et nous expliquer la démarche. L’Hermione n’est pas un cargo de 300 m de long, mais ce n’est pas non plus un 420. Elle fait tout de même 1 100 tonnes pour un fardage énorme de près de 55 m de hauteur sur une soixantaine de long, la prise au vent est très importante. Ça se manœuvre délicatement une telle Dame. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. Lors de l’assemblée, Antoine nous sensibilise avec Pef’, le Doc du bord, sur ce qui vient de ce passer pour le gabier débarqué. Il se trouve que nous ne sommes plus que soixante-douze à bord. C’est juste le nombre minimum accordé pas les Affaires Maritimes pour nous autoriser à naviguer. Nous n’avons donc plus le droit aux blessés, sans quoi, l’Hermione devra plier ses voiles et se rendre aux moteurs dans le port le plus proche capable de nous accueillir. Inutile de dire que ça plombe un peu l’ambiance du départ…

Mais c’est leur devoir de nous le dire, et s’ils ne l’avaient pas fait, cela aurait été une faute. Ce n’est pas de la voile dériveur là, c’est du sérieux, on est sur un gros voilier avec un gréement du XVIIe qui se manœuvre difficilement. C’est un travail, pas un loisir.

Nous embarquons le pilote à l’heure pour la sortie du port. Un lamaneur entre dans le bassin à flot, nous sommes tous à nos postes, le mien est de faire suivre une défense (appelée grande couille à cause de sa forme et de sa taille) entre le porte-haubans de misaine et celui du grand mât. Ça peut sembler simple mais les canons plus le frégatage de la muraille entravent quelque peu les déplacements entre les deux mâts. Et la "couille" n’est pas toute petite. Il faut être réactif et voir venir le déplacement de la frégate pour être au bon endroit au bon moment. Je suis sur bâbord, prêt à faire mon "devoir". Le lamaneur prend en remorque la frégate et avec l’aide des deux POD azimutaux de l’Hermione, nous décollons tranquillement du quai. Ça y est, je suis vraiment embarqué sur une frégate de 12 !!!

Le lamaneur nous dirige tranquillement dans le sas, plusieurs professionnels du port sont là pour nous photographier. Nous entrons et défilons dans l’écluse, mais le vent nous pousse sur la maçonnerie sur bâbord, la fin de l’écluse semble compliquée à négocier. Dom’ (chef de tiers milieu) arrive tranquillement à côté de moi juste derrière le porte-haubans de misaine et envoie gentiment un "nous allons toucher", l’air de rien comme s’il observait un goéland planer au dessus des vagues… Pour moi, ce n’est pas la même chose, je me mets à stresser un peu en voyant le quai se rapprocher rapidement, je me précipite sur le passe-avant en faisant rouler ma couille sur le frégatage. La frégate entre en contacte avec le quai en écrasant littéralement la défense, qui se met à rouler entre la coque et la maçonnerie. Je ne peux que courir le long du passe-avant en faisant "sauter" le bout pour ne pas crocheter une tulipe de canon. Ça ne dure que quelques secondes mais c’est très stressant ! La défense fait son travail, sauf, qu’il y à un énorme enfoncement de la maçonnerie sur les vingt derniers mètres de l’écluse (certainement l’emplacement d’une ancienne porte), la défense entre dans ce trou s’y piège et s’arrache brutalement de ma main. N’ayant plus de contact avec la défense, le bateau se rapproche encore du quai. Une tape de bouche d’un des canons situés en amont du porte-haubans explose au contact du quai, la tulipe du canon suivant touche elle aussi, le canon étant saisi il ne recule pas mais le flasque de l’affût vient brutalement en appui sur son sabord, puis le Commandant, aidé des défenses et du lamaneur arrive à décoller le bateau du quai et nous sortons. Première manœuvre, première suée… on récupère notre défense et nous défilons dans le port le long des cargos à quai.

L’océan est devant nous !

On nous informe que finalement nous ne ferons que dix heures de moteurs. Tant mieux !

L’appareillage étant terminé, le Commandant libère les tiers bâbord et tribord.
Il n’y a pas grand chose à faire, nous sommes au moteur, je contemple alors le paysage sur le gaillard d’avant avec d’autres, on défile le long de l’Île de Ré. Je suis ému, je connais le coin pour y habiter et pour y avoir déjà navigué plusieurs fois avec des amis, mais là, je suis sur l’Hermione, la dimension est toute autre.
Au bout d’un moment nous sortons du pertuis d’Antioche, et nous rencontrons notre première houle de l’Atlantique, celle du Golfe de Gascogne. Le bateau étant aux moteurs, il n’a pas d’appui au vent, il se met donc à rouler mais surtout à tanguer lentement. La houle n’est pas grosse mais elle est longue et rythmée. Les premiers malades se déclarent rapidement. Plus que le roulis, le tangage est sans pitié pour les estomacs qui montent et descendent. Je me demande quand mon tour viendra, je suis moi aussi normalement sujet au mal de mer. J’essaie de ne pas y penser et je reste un long moment sur le gaillard à regarder bêtement l’océan. Il fait beau et je commence à mesurer la chance que j’ai d’être ici.

Plus loin nous faisons demi-tour pour débarquer quelques techniciens embarqués pour les moteurs. Nous retournons au large de l’Île de Ré en face du port et une vedette portuaire vient les récupérer. Puis nous virons pour reprendre direction plein ouest. La houle se fait un peu plus sentir, elle a légèrement grossi. Il est 20h, le quart montant (bâbord) nous relève après une assemblée de passation de quart et un "BON QUART A VOUUUUUS", suivit d’un "MERCIIIIII", on file manger et dormir pour assurer le quart de 4h demain matin.

A suivre...


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posté mardi 29 mars 2022 à 08:24
Message #272


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J'attends la suite gabier d'outre temps, ton journal est parfait !!! wink.gif


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Lazuli
posté mardi 29 mars 2022 à 18:16
Message #273


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Mercredi 22 juin 2016.
5ième jour à bord – 2ième jour de mer.

3h30. Bonjour milieu ! La lumière blafarde pique les yeux, on est tout embrumés de sommeil. Nuit pourrie, les moteurs sont très bruyants et ils chauffent beaucoup les postes. Le tout dans une toute petite bannette. Il va falloir s’y habituer… on s’habille promptement et on passe dans le réfectoire appelé batterie (car ce situant dans le pont de batterie sous le gaillard d’arrière entre le mât d’artimon et le grand mât) pour avaler rapidement un fruit et boire un coup. On accède au gaillard par la descente des officiers et on entre dans la nuit. Tribord nous attend avec impatience pour aller dormir. Plus de la moitié d’entre eux ont vomi, ils sont fatigués… ça nous laisse songeur quant à notre quart…

Il y a eu un peu de brume semble-t-il dans la première partie de la nuit, mais quand nous montons le ciel est tout dégagé, le clair de lune est juste magnifique. Nous sommes au large des Sables d’Olonne, direction La Rochelle, nous avons fait une boucle en montant vers l’île d’Yeu puis en redescendant sur La Rochelle. Les moteurs fonctionnent encore.

N’ayant pas grand-chose à faire, puisqu’aux moteurs, Dom’ nous programme un exercice d’homme à la mer. J’ai pour poste le premier "wincheur" ou abraque.
L’homme à la mer est défini comme suit :

Le premier qui voit quelqu’un tomber à la mer hurle à minima trois fois "Homme à la mer sur tel ou tel bord", et continu tant que personne ne réagit. Généralement celui qui le voit tomber est le "suiveur", il se met le long de la lisse de plat bord après avoir jeté une bouée proche de lui et ne quitte plus la personne des yeux tout en indiquant le bras tendu la direction de la personne tombée. Il est très difficile de suivre quelqu’un dans l’eau. Il ne faut donc pas détourner le regard et suivre la personne tombée sans s’occuper de tout ce qui se passe autour.

Par la suite chacun gagne rapidement son poste d’homme à la mer. Un abraque pour suivre la drisse du MOD, deux à trois sur la balancine du mât de charge (500 Kg) trois et trois sur les bras tribord et bâbord du mât de charge, deux aux saisines du mod dans la grand-rue et deux aux longes pour accompagner le mod dans son déplacement, qui peuvent être ceux des saisines.

On commence par hisser le mât de charge, préalablement en position de repos sur le mob, l’abraque fait filer la drisse en même temps pendant qu’en fonction du bord de débordement du mod, un bras est placé sur le premier hauban de grand mât et l’autre sur le dernier du mât de misaine. Une fois les saisines libérées et le mât de charge en position haute, j’abraque comme un dératé à me faire exploser le cœur, les copains de la balancine viennent derrière moi et on tourne. Le but n’est pas l’endurance, mais la vitesse, on abraque donc sur une très courte durée mais à fond, il faut aller vite mais pas mollir. En même temps les bras débordent d’un bord ou de l’autre le mod qui monte. Quand il est au dessus de l’eau, on file la drisse pour permettre au chef de tiers et à son adjoint de monter à bord, puis on file en grand et le mod est détaché une fois sur l’eau.

Nous devons mettre à l’eau le mod en 2 minutes 30 maximum. Au-delà nous courons un grand risque pour la personne tombée à la mer.
Entre temps, le chef de quart (un officier) a actionné le "bibou", l’alarme générale du bateau, tous le monde est donc monté sur le pont en toute hâte et commence une manœuvre pour soit virer de bord, soit ralentir en carguant les voiles, soit mettre en panne en fonction de la météo et du degré d’urgence, de la situation du bateau sur le plan d’eau et du Mob. Entre temps, plusieurs éléments de sauvetage et de repérage on étés lancés à la mer. Là ce n'est qu'un exercice, on ne réveil personnes les la frégate suit son cap normalement.

Un homme à la mer ne DOIT pas arriver, c’est une mort quasi-certaine. Nous ferons presque tous les jours un exercice. Dom’ est plutôt satisfait pour une première. Il nous faut encore gratter du temps sûr le bras bâbord pour être plus performant.

Tout cela nous emmène tranquillement dans le pertuis d’Antioche pour débarquer les derniers techniciens dans une vedette. Les moteurs vont bien, très bien même, donc maintenant place à la voile. Il est 7h30 et bâbord monte. Nous allons pouvoir passer la main ! Oui mais... non. Le Commandant souhaite établir la voilure de suite, nous restons donc en renfort pour tout envoyer !

Charles, ancien officier canonnier sur le LEG 0 (convoyage de Rochefort à La Pallice) puis devenu volontaire, et moi, montons sur la grande vergue pour déferler la grand-voile, Charles sur tribord et moi de l’autre bord. On commence par les extrémités vers le centre de la vergue. Je largue aussi le chapeau central. Je dois me mettre debout sur le centre de la vergue entre les drisses et la suspente. Il y a là un taquet sur lequel est tourné le bout du chapeau. J’y vais doucement mais je suis quand même surpris quand le bout glisse sans crier gare dans le taquet, la voile est très lourde (environ 1Kg/m² plus tout le gréement (poulies, cordages) et elle fait 272 m²) et elle tombe rapidement ! La drisse file vite, surtout ne pas se faire happer les doigts entre le taquet et le bout. On redescend pour donner un coup de main aux manœuvres. On va établir petit et contre-foc (nous n’avons pas gréé le grand foc cette année, on n’utilisera donc pas le contre-foc pour un grand foc), misaine, grand-voile, artimon, les deux huniers et le PDF, et aussi les deux perroquets et la perruche d’artimon. Plus la grande voile d’étai et enfin la voile d’étai d’artimon, bref, presque toute la garde robe de la belle !

Pour établir tout ça avec les deux tiers sur le pont, il nous faut deux heures !!! On manque de pratique… On n’imagine pas le nombre de manœuvres qu’il faut faire pour établir toute cette voilure… c’est très long et très physique. Le grand hunier est certainement le plus difficile. C’est la voile la plus lourde et la plus haute (en parcours) à hisser. C’est juste une horreur… Mais quel plaisir de voir toute cette toile établie. C’est juste incroyable. Un véritable honneur d’être là et d’avoir hissé les voiles pour la première fois du LEG. On est fiers de nous. C’est beau, juste beau.

On peut arriver à tout envoyer avec un seul tiers, à dix-huit ! Il doit bien falloir les quatre heures du quart pour faire ça !

Il est 10h, on nous libère, on va grignoter un bout, le petit déjeuner étant loupé, c’est plutôt rapide… Zou ! Au lit jusqu'à 13h. C’est notre midi, puis je repars me coucher. On nous réveille à 15h30 pour la relève de quart. Nous avons conservé les moteurs allumés mais débraillés et c’est pile au réveil que les moteurs s’arrêtent, on n’a pas idée du bruit qu’ils font dans les postes. Mais là, ça y est, nous sommes vraiment sous voiles. L’Hermione est enfin redevenue une frégate du XVIIIe. C’est tout simplement magique ! Tout le monde est heureux, en plus il fait beau.

Dans le poste nous avons un planning désignant cinq postes différents : aide cuisine (deux personnes), barreurs 1 et 2, veilleur et rondier (ronde de sécu plus veille de veilleur s’il est sur le violon de beaupré). Le reste du tiers est disponible pour toutes les manœuvres.

Pour ce quart je suis de cuisine avec un compère. On descend en cuisine dans la cale sous la batterie et on s’attèle à un tian de légumes plus tartes aux pommes pour… 72 personnes ! Les trois premières heures du quart y passent, puis on assure le service de 19h avec Tiphaine la messwoman, et enfin la plonge. C’est une activité très agréable et qui change un peu des manœuvres. On y trouve une superbe ambiance dans les cuisines. A 20h nous sommes relevés par bâbord, c’est à nous de manger. Puis direction le poste. Ce soir le vent est tombé, mais la mer est toujours là, ça ballote pas mal et le gréement souffre. Nous sommes entourés d’orage sans vent, le Commandant demande au Chef de redémarrer les moteurs pour faire route et soulager le gréement en l’appuyant en créent du vent. La nuit arrive et c’est pour nous la fin de la journée. Après un brin de toilette c’est l’extinction des feux.

A suivre...


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posté mardi 29 mars 2022 à 18:48
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Citation (Lazuli @ mardi 29 mars 2022 à 19:16) *
.../... A 20hoo nous somme relevès par Bâbord

Salut La Zuzule,

Comment se réalise le service de quart sur l'Hermione ?
- Par Bordées : Tribordais - Bâbordais ?
- ou par Tiers ???


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posté mardi 29 mars 2022 à 19:21
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Citation (Lazuli @ dimanche 27 mars 2022 à 18:10) *
L’équipage est scindé en tiers, chaque tiers fait deux quarts d’une durée de quatre heures. Les tribordais sont de 00h à 4h et de 12h à 16h, les milieux de 4h à 8h et de 16h à 20h et les bâbordais de 8h à 12h et de 20h à 00h.


Par tiers et avec un service à heures fixes smile.gif
Je trouve ce mode de quart plutôt bien car il permet de mieux se caler.


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